Financement participatif, coopération État-entreprises, implication des salariés : la rédaction braque le projecteur sur les réussites d’un mécénat aux multiples ressources.
Édito


« Libérer l'initiative, c'est encourager et impliquer dans notre vie culturelle tous les acteurs de la société civile : particuliers, associations, fondations, entreprises. » Le 8 juillet 2002, Jacques Chirac présentait aux Français ses ambitions pour encourager le mécénat à la française au Palais-Royal. En 2003, sous l’impulsion de Jacques Rigault, alors président de l’Admical (Ass. pour le développement du mécénat industriel et commercial), la loi « Aillagon » créait ainsi l’un des systèmes les plus incitatifs au monde. Celle-ci permet aux entreprises de réaliser un don en numéraire, en nature ou en compétence, à un organisme d’intérêt général, en contrepartie d’une réduction d’impôts. Depuis, le mécénat constitue le support privilégié de l’économie solidaire. En 2014, plus de 2,8 milliards de dons ont été réalisés par les 13 % d’entreprises françaises dotées d’un programme de mécénat. Sur la totalité, 72 % sont destinés aux structures privées et 23 % à des organismes publics. Au palais de Tokyo, par exemple, le mécénat représente un tiers de l’autofinancement de l’établissement (3,5 millions d’euros sur un budget global de 15,4 millions d’euros) indique Julie Narbey, directrice générale, qui précise qu’« il est impossible de trouver tous les ans une telle somme sans parier sur la "fidélité" de ces partenaires ». 

De belles histoires

« Face à l’érosion des finances publiques, l’affaiblissement des partis politiques, des syndicats ou même de l’école, l’entreprise est devenu un lieu de structuration sociale » explique François Debiesse, président délégué d’Admical. Pour s’emparer de ce nouveau rôle, les sociétés ne cessent d’innover et écrivent de belles histoires. Programmes de mécénat croisé mêlant social et humanitaire, ouvertures de 1 500 musées d’entreprises, « produit partage » : les nouvelles formules se multiplient. En reversant dix centimes d'euros pour tout produit vendu, Procter & Gamble France a récemment mis en place une opération de produit partage en s’associant à la Fondation de France pour venir en aide aux familles victimes de mal-logement. Social, culture, éducation, santé, sport, environnement, recherche... les entreprises sont sur tous les chantiers, à l’image de la fondation BNP Paribas qui fait le choix de la pluridisciplinarité : « Nous accompagnons une vingtaine de compagnies de danse et de cirque, une centaine d’associations de proximité dans les banlieues, cinq projets de recherches environnementales en cours…, détaille Jean-Jacques Goron, son délégué général. Notre objectif est d’être un accélérateur de projets. Pour un programme réussi, il est indispensable d’inscrire ses actions sur un temps long, le "one shot" n’a pas vraiment de sens. Lorsque nous accompagnons un artiste, nos conventions, renouvelables, durent en moyenne huit ans. Nous veillons toujours en amont à prévoir la fin du soutien. »

Philanthropie en mutation

À travers les fonds de dotation ou le financement participatif, les outils émergent pour répondre aux exigences des « philantrepreneurs ». Le don mute en investissement. En Europe, les fondateurs d'Ikea, Carlsberg, Bosh, Rolex ou encore Pierre Fabre ont fait le choix de transmettre tout ou partie du capital et des droits de vote à une fondation. On compte aujourd’hui plus de 500 fondations actionnaires en Allemagne, 1000 en Norvège et 1300 au Danemark. Dans l’Hexagone, on mise sur les TPE/PME pour allier innovation et maillage territorial de la générosité de proximité. Si elles représentent aujourd’hui 98 % des entreprises mécènes, entre 2012 et 2014, leur taux de mécénat a perdu dix points, passant de 31 % à 21 %. Pour enrayer la tendance, l’Admical propose d’établir une franchise fiscale de 10 000 euros pour l’ensemble des montants engagés au titre du mécénat, au-delà desquels s’appliquerait le plafond actuel de 0,5 %. Autre levier à exploiter : la philanthropie des particuliers. Aujourd’hui, 73 % des entrepreneurs sont mécènes à titre personnel selon le Baromètre de l’association. Et grâce au crowdfunding, l’altruisme culturel n’est plus la seule affaire des grandes fortunes. Tout le monde donne, le mécénat est emporté par la foule.
Financement participatif, coopération État-entreprises, implication des salariés : c’est sur les réussites d’un mécénat aux multiples ressources que la rédaction braque le projecteur. François Debiesse en est convaincu : « Plus on parlera du mécénat et plus il progressera. »
Alexandra Cauchard. 

Voici le découpage de notre dossier spécial : Quand le mécénat réinvente la générosité

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directeur général de la Fondation de France : «?La création d’une fondation stimule la culture d’entreprise

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Dossier coordonné par Alexandra Cauchard et réalisé par Julien Beauhaire, Camille Drieu, Aurélien Florin et Clémentine Verschave.

Visuel : Gustave Courbet - L'Atelier du peintre, Musée d'Orsay


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