Gilles Colombin, référence sur le marché du M&A, revient pour nous sur les tendances du secteur.
Décideurs. Selon vous, à quoi est due la reprise des introductions en Bourse ?
Gilles Colombin.
Ce n’est plus une reprise. Cela fait désormais seize mois que ce marché se porte bien avec de nombreuses opérations supérieures à un milliard d’euros. Et les conditions sont réunies pour que cette tendance se confirme dans les cinq années à venir : retour de la croissance, taux d’intérêt bas et croissance attendue pour les sociétés européennes. Depuis le début de l’année, HSBC a réalisé pas moins de six introductions en Bourse en Europe.

Décideurs. Cette tendance n’a-t-elle pas un impact négatif sur le marché du M&A ?
G.?C.
Je ne le pense pas. Évidemment, ce qui part en Bourse ne va pas en M&A, mais la bonne santé de ce secteur a un impact structurel positif. Cela donne confiance aux fonds d’investissement. Ils savent qu’ils ont une possibilité supplémentaire pour sortir d’une société. Cela les rassure car les opérations secondaires et tertiaires commençaient à saturer le marché.

Décideurs. Dans un tel environnement, comment se portent les fonds d’investissement ?
G.?C.
Mieux, sans aucun doute. Entre l’excès de liquidité et les taux bas, les investisseurs institutionnels s’intéressent de plus en plus au private equity qui a démontré pendant la crise qu’il était une classe d’actifs capable de proposer des performances attractives. Les nombreuses levées de fonds annoncées ces six derniers mois en sont la preuve. Face à cette nouvelle demande, les fonds ont su proposer des types d’investissement inédits, les strategic opportunities. Ces dernières permettent de faire le lien entre les LBO et le coté. CVC, Blackstone ou Carlyle sont devenus des références dans ce domaine.
En matière de rendement, les attentes ne sont pas non plus les mêmes. Quand les taux sont proches de zéro, les investisseurs ne cherchent pas forcément à faire du 25?% et peuvent se contenter de 17?% ou 20?%. C’est une bonne chose pour pouvoir concurrencer les acheteurs industriels.

Décideurs. Comment se comportent les corporates ?
G.?C.
Ils profitent bien évidemment eux aussi de cette conjoncture favorable et vont rechercher par des acquisitions une croissance encore difficile en organique pur. Néanmoins, avec la baisse de l’euro, les grands groupes européens vont être pénalisés pour faire des acquisitions à l’étranger. Ils ont cependant de quoi faire en Europe. D’autant plus que Bruxelles a su montrer qu’il était favorable à la création de champions européens. Pour moi, il ne fait aucun doute qu’on verra, dans les mois à venir, d’autres rapprochements du même type que celui de Lafarge et Holcim mais dans des tailles plus modestes. C’est une bonne chose pour le marché M&A européen, car lors de ces grandes opérations les autorités antitrust exigent de vendre certains actifs, augmentant ainsi le nombre d’opérations. Les entreprises chinoises sont de plus en plus présentes sur le marché européen. Le rachat de Club Med par Fosun en est le parfait exemple. Il y a quelques années, cela n’aurait pas été possible. Quant aux entreprises américaines, elles devraient faire leur retour sur le marché européen. Avec la baisse de l’euro, elles vont payer 30?% moins cher. Difficile de résister à de telles conditions…

V.P.

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