Le projet politique de l’homme le plus riche du monde transcende les frontières. Personne ne sait pourquoi et pour qui il agit. Représente-t-il le gouvernement américain ? Défend-t-il uniquement ses intérêts ? Son engagement n’est-il qu’une tocade ? Se rêve-t-il en figure de proue de l’extrême droite mondiale ? Est-il un simple "troll" ou un théoricien ? Elon Musk mise sur le chaos et le flou permanent sans que l’on sache dans quel but.

Dons financiers, prises de parole dans les meetings ou sur les réseaux sociaux… Il n’est guère besoin de le rappeler, Elon Musk a activement soutenu Donald Trump. Impossible de mesurer précisément l’impact de son engagement, mais une chose est certaine, les critiques fusent contre l’homme le plus riche du monde.

Certaines sont peu fondées. Un milliardaire ne peut pas s’engager dans la vie publique ? Aux États-Unis, la politisation des grandes fortunes est pourtant une tradition dans tous les partis, qu’il s’agisse d’opérations de financement ou d’accès à des postes dans l’administration. Côté républicain, Elon Musk s’inscrit dans la lignée des frères Koch, qui ne cachent pas leur conservatisme, ou encore des Rockefeller, qui ont soutenu le parti et ont même porté ses couleurs au point de placer un membre de la famille, Nelson Rockefeller, au poste de vice-président de Gerald Ford. Donald Trump a lui aussi mis sa fortune au service de ses idées. En réalité, les nombreux contempteurs d’Elon Musk sont d’assez mauvaise foi. Ce qui pose un problème à leurs yeux n’est pas l’engagement en lui-même mais plutôt les idées défendues. Auraient-ils été si véhéments si le soutien s’était porté sur Kamala Harris ?

Cela dit, l’activisme de l’homme qui pèse 440 milliards de dollars sort de la tradition et peut légitimement faire trembler. Sur le plan logistique, sa force de frappe est bien plus grande que celle des "milliardaires traditionnels" puisqu’il dispose à sa guise du réseaux social X, dont l’influence est supérieure à celle des médias classiques (surtout lorsqu’il décide seul du fonctionnement de l’algorithme). Cela lui permet de s’adresser directement à des millions de personnes. Tesla a un quasi-monopole pour l’accès à l’espace, ce qui lui confère des moyens de pression sur les pouvoirs publics.

Mais le plus inquiétant reste son projet politique, lequel ne se limite pas aux seules frontières du pays de l’Oncle Sam. Désormais, Elon Musk s’immisce dans la vie politique de tous les pays occidentaux pour défendre avec fougue leurs partis d’extrême droite populiste : il ne cache pas son amitié pour Giorgia Meloni, appelle à voter en faveur de l’Afd en Allemagne, défend le suprématiste britannique Tommy Robinson, multiplie les diatribes contre ceux qui ne pensent pas comme lui, de Wikipédia à la cour suprême brésilienne. Elon Musk soutient clairement un bord idéologique et multiplie les ingérences dans des pays dont il n’est pas ressortissant.

Pire encore, nul ne sait pour qui il agit. Représente-t-il le gouvernement américain ? Défend-t-il uniquement ses intérêts ? Son engagement n’est-il qu’une tocade ? Se rêve-t-il en figure de proue de l’extrême droite mondiale ? Est-il un simple troll impulsif ou un théoricien ? Nul ne le sait. Elon Musk mise sur le chaos et le flou permanent sans que l’on sache dans quel but. Ce qui est sans doute le plus troublant.

Lucas Jakubowicz

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