Désormais emmené par Ursula von der Leyen, l’exécutif européen doit avancer sur de multiples sujets réglementaires. La France a son rôle à jouer dans les débats. L’Autorité de la concurrence (1/2) et l’Autorité des marchés financiers (2/2), par la voix de leurs présidents respectifs, livrent leurs réflexions.

Entretien avec Isabelle de Silva, Présidente de l’Autorité de la concurrence

Décideurs Juridiques. Qu’attend l’Autorité de la concurrence de la nouvelle Commission européenne?

Isabelle de Silva. L’élargissement des responsabilités confiées à Margrethe Vestager, qui a désormais en charge la politique de l’Union en matière numérique, pour laquelle elle bénéficiera du concours de Thierry Breton en tant que commissaire au marché intérieur, laisse espérer de nouvelles initiatives ambitieuses. Je m’en réjouis car les sujets numériques doivent être traités au plus haut niveau tant ils sont cruciaux et urgents. Le droit de la concurrence a toute sa place à cet égard, y compris au niveau européen pour traiter les problèmes soulevés dans l’économie numérique, notamment ceux liés aux grandes plateformes. Les décisions récentes tant de la Commission européenne, en particulier envers Google, que des autorités nationales de concurrence ont bien démontré toute la pertinence de cet outil. Mais il faut aussi mener une réflexion pour améliorer encore l’efficacité et l’effectivité du droit de la concurrence. La nouvelle Commission poursuivra ce travail d’adaptation du droit de la concurrence, dans la continuité du rapport « Competition policy for the digital era » publié l’an dernier à la demande de Margrethe Vestager.

Quelles sont vos préconisations en matière de fusions de géants européens ?

Certains aspects peuvent être améliorés. À cet égard, le rapport Perrot, après un travail d’expertise et de réflexion, a permis de formuler un certain nombre d’améliorations qui me paraissent tout à fait utiles. Je retiens en particulier la nécessité de mieux ajuster l’horizon temporel de l’analyse et d’envisager davantage le recours aux remèdes comportementaux.

Nous proposons l’instauration d’un nouveau pouvoir de contrôle pour certaines opérations qui soulèvent des préoccupations substantielles de concurrence.

L’initiative annoncée par la vice-présidente Margrethe Vestager de réviser prochainement la notice européenne sur les marchés pertinents en droit de la concurrence européen me semble également une bonne démarche pour mettre à jour nos outils d’analyse et mieux prendre en compte les changements induits par la mondialisation et la digitalisation de nos économies.

Sur le sujet des acquisitions prédatrices, l’Autorité a eu l’occasion de proposer à plusieurs reprises des améliorations substantielles au système actuel.

Quelles sont vos propositions ?

Nous proposons, d’une part, l’instauration d’un mécanisme d’information obligatoire de toutes les opérations de concentration sous les seuils de notification, mises en œuvre par des acteurs « structurants » ou « systémiques » sur le territoire européen ou d’un État membre, ou qui pourraient avoir un effet sur ces derniers. En cas de risque d’atteinte à la concurrence, l’autorité de concurrence concernée, que ce soit la Commission ou une autorité nationale, pourrait imposer la notification de l’opération concernée, afin qu’elle soit soumise à examen préalable. Une liste des acteurs soumis à cette obligation d’information serait déterminée à l’avance, selon des critères objectifs, afin que cette mesure soit proportionnée et circonscrite aux acteurs les plus sensibles.

Nous proposons, d’autre part, l’instauration d’un nouveau pouvoir de contrôle pour certaines opérations qui soulèvent des préoccupations substantielles de concurrence. Ce pouvoir résiduel, dont la mise en œuvre serait encadrée par des critères rigoureux, pourrait être mis en œuvre aussi bien avant la réalisation de l’opération, comme c’est déjà le cas actuellement du contrôle des concentrations en France, qu’après la réalisation de l’opération, comme cela existe dans de nombreux pays, notamment au Royaume-Uni et aux États-Unis. Le délai dans lequel l’autorité pourrait demander la notification d’une opération donnée serait également strictement encadré.

Ces deux améliorations du droit existant permettraient de répondre de manière proportionnée et ciblée aux difficultés soulevées notamment par les acquisitions dites « prédatrices » et plus généralement pour les acquisitions qui nuisent à la dynamique concurrentielle en empêchant l’émergence d’acteurs alternatifs à côté des plus grandes plateformes.

Propos recueillis par Olivia Vignaud

Nouvelle Commission européenne : les attentes des régulateurs (2/2)

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