Le réseau social d’Elon Musk est un terrain de jeu pour les populistes de droite. Mais ce sont bien les Insoumis qui "s’éclatent" le plus sur ce réseau controversé, révèle une étude exclusive menée par Visibrain et le master Progis de Sciences Po Grenoble.

C’est la grande controverse de ce début d’année chez les responsables politiques de l’Hexagone. X est-il un outil à éviter puisqu’il appartient à Elon Musk, qui utilise sa fortune et son réseau social à des fins idéologiques ? Est-il, au contraire, indispensable au débat démocratique ?

Voilà pour les questions théoriques. Si l’on se penche sur la pratique, d’autres questions intéressantes sont à poser. Quels députés utilisent le plus X ? Qui sont les plus suivis ? Quelles sont les thématiques les plus mises en avant ? Visibrain et des étudiantes du master Progis de Sciences Po Grenoble ont mené l’enquête en étudiant l’ensemble des posts sur les mois d’octobre, novembre et décembre 2024.

X, réseau privilégié des populistes

Écologistes et socialistes sont divisés sur le fait de demeurer sur X. Chez les Insoumis, en revanche, c’est clair, net et précis : on reste ! Cela peut se comprendre, puisque le réseau social d’Elon Musk est une pièce centrale de la stratégie politique du mouvement. Si les Insoumis n’occupent que 12 % des sièges de l’Assemblée nationale, ils sont particulièrement bruyants et sont à l’origine de 31 % des posts de députés. Un élu LFI tweete en moyenne 3,8 fois par jour, la moyenne étant de 1,6.

Si les Insoumis n'occupent que 12% des sièges de l'Assemblée nationale, ils sont bruyants et à l'origine de 31% des posts. 60% des messages postés sur X viennent de LFI, RN et l'UDR d'Éric Ciotti

La force de frappe digitale des Insoumis est également appuyée par de gros comptes militants qui diffusent bonne parole et éléments de langage à coups de messages aussi politiques que polémiques. Sans compter les militants qui relaient, pourchassent et cyberharcèlent ceux qui "malpensent".

Le RN arrive en seconde position, mais n’est pas forcément surreprésenté. Son groupe pèse 21 % des députés et 24 % des posts sur X.

Si l’on ajoute les troupes d’Éric Ciotti, un constat s’impose : X est un outil prisé des partis extrémistes : 60 % des prises de parole sur X viennent de députés LFI, RN et UDR, soit environ un tiers des sièges au Palais-Bourbon.

Inversement, les partis se targuant de combattre le populisme sont silencieux sur X. Le Modem représente 6 % des députés mais 3 % des tweets, tout comme Horizons. Ces deux composantes du bloc central manquent de snipers avec de gros comptes et une capacité à créer du buzz et du clivage.

Qui sont les députés les plus présents sur X ?

La palme du député le plus addict revient à Alexandre Allegret-Pilot. Le jeune ciottiste implanté dans la cinquième circonscription du Gard "tue le game" avec 1 408 messages publiés en trois mois, soit la bagatelle de quinze chaque jour. Un travail à plein temps ? Peut-être. Un travail inefficace ? Certainement. Malgré sa volonté de faire parler de lui, le trentenaire n’a que 4 500 followers, ce qui est très peu par rapport au nombre de messages postés.

Mais ce sont les troupes de Jean-Luc Mélenchon qui sont les plus actives puisque le top 10 des serial twittos compte huit Insoumis. Le "meilleur d’entre eux" est Antoine Léaument, le Monsieur digital du mouvement (959 messages, soit dix par jour en moyenne), suivi de près par Thomas Portes qui, avec un total de 928, est aussi au-dessus de la barre des dix tweets quotidiens. Les macronistes placent seulement un député dans le top 10 en la personne de Stéphane Vojetta, député des Français d’Espagne, du Portugal, d’Andorre et de Monaco, en huitième position.

SerialTwittos

Qui sont les députés les plus suivis ?

Un duo de tête se détache nettement. Marine Le Pen est loin devant avec 3 millions de followers, tandis que François Hollande occupe la seconde place (2 272 000). Gérald Darmanin complète le podium, loin derrière le duo de tête, avec 486 000 abonnés à son compte. Il est talonné par François Ruffin (467 000), le responsable du NFP le mieux classé.

Dans le top 20 des députés avec le plus de followers, on compte huit Insoumis, quatre écologistes (désormais au nombre de trois, Sandrine Rousseau ayant fermé son compte), trois membres du bloc central, deux socialistes, deux issus de la droite populiste ainsi qu’un LR classique en la personne de Laurent Wauquiez.

Pour faire partie du top 20, il semble exister deux voies. La première est la plus difficile puisqu’elle consiste à occuper un poste important au gouvernement ou dans la vie politique, ce qui permet de booster son nombre d’abonnés. C’est le cas de François Hollande, Marine Le Pen, Gérald Darmanin, Élisabeth Borne, Gabriel Attal, Laurent Wauquiez ou Olivier Faure. S’il était député et non sénateur, Bruno Retailleau aurait pu accéder au top 20 (176 000).

Autre solution plus facile ? Multiplier clashs, outrances et polémiques. Cette stratégie théorisée par Sandrine Rousseau a été mise en œuvre par de nombreux Insoumis, comme Louis Boyard, David Guiraud, Mathilde Panot, Sébastien Delogu ou encore Aymeric Caron.

top10

Hors députés, la prime à l’extrême droite

Le dirigeant politique le plus suivi de France reste toutefois, et de loin, Emmanuel Macron qui approche les 10 millions d’abonnés. Soulignons aussi la grosse force de frappe de Jean-Luc Mélenchon qui, avec 3 millions de followers, est le plus suivi à gauche.

Globalement, ce sont surtout les personnalités d’extrême droite qui prospèrent sur X (ce qui était déjà le cas avant le rachat par Elon Musk). Fun fact, certains affichent même plus de followers que de voix dans les urnes. Florian Philippot et François Asselineau ont respectivement 476 000 et 342 000 abonnés. Mais, aux dernières européennes, leurs listes ont récolté 229 000 et 243 000 bulletins…

Fun fact : Florian Philippot et François Asselineau ont plus de followers que de voix aux européennnes... 

Soulignons également les comptes de Marion Maréchal (656 000), d’Éric Zemmour (517 000), de Philippe de Villiers (300 000), de Stanislas Rigault (144 00) ou de Sarah Knafo (134 000). À gauche, Benoît Hamon boxait dans la catégorie poids lourds (800 000), mais il a quitté le réseau, le qualifiant de « feuille de chou de Goebbels ».

"Gaza, Gaza, Gaza" : les Insoumis ne font pas dans la dentelle

Deux grands conflits internationaux sont en cours : celui entre l’Ukraine et la Russie et celui entre Israël et le Hamas. En trois mois, ils ont fait l’objet de 2 972 messages. 2 072 sont consacrés à la situation au Proche-Orient, notamment Gaza, soit 90 % du total.

70% des posts consacrés à Gaza viennent de députés LFI, plus de la moitié des posts consacrés au conflit en Ukraine sont postés par leurs collègues du bloc central

Ce sont les Insoumis qui donnent le la puisque 70 % des posts consacrés au sujet viennent de leur groupe. Et les autres députés qui prennent la parole sur le sujet répondent aux troupes mélenchonistes qui dictent donc l’agenda. Certains LFI semblent même se consacrer à plein temps à Gaza. Citons notamment Thomas Portes, David Guiraud ou Aymeric Caron.

Inversement, plus de la moitié des prises de parole consacrées à l’Ukraine et la Russie sont le fruit de députés du bloc central.

GRU

Lucas Jakubowicz

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail