Créé il y a maintenant un peu moins de cinq ans, Impact Tank a réussi à imposer son Sommet de la Mesure d’Impact comme un rendez-vous incontournable sur l’impact et l’économie. À l’occasion de l’annonce de la troisième édition, Tony Bernard, son directeur général, nous parle du futur de l’événement.

Avant de parler du futur, quel bilan pouvez-vous faire des deux premières éditions du Sommet ?

Avant tout, nous avons créé le Sommet de la mesure d’impact ! Parce que nous sommes convaincus que dans une époque où les sujets d’intérêt public sont trop souvent débattus selon des prismes idéologiques, la mesure d’impact a un rôle à jouer. Et l’Impact Tank aussi : pour porter une voix rationnelle, axée sur l’apport de données factuelles, et éclairer les débats et les prises de décisions. Dans les études et les travaux que nous menons toute l’année, mais aussi dans le cadre de ce sommet qui vise à faire dialoguer des mondes qui ne se parlent pas : les entreprises, les organisations de l’économie sociale et solidaire, les chercheurs universitaires et l’administration publique.

La première édition à l’Assemblée nationale a eu un retentissement assez important et a réussi le tour de force de mettre la mesure d’impact au cœur du débat public. Nous avons profité de l’actualité de l’époque autour de la directive européenne CSRD, et sur l’extension du devoir de vigilance européen. C’était une actualité riche qui coïncidait aussi avec les travaux d’évaluation de la loi Hamon de 2014. Le but était donc de bâtir un consensus sur ce que signifie la mesure d’impact et d’écrire une définition suffisamment rigoureuse pour qu’elle s’impose dans des secteurs parfois très différents.

La seconde édition a constitué une montée en puissance. Nous avons reçu 350 intervenants et plus de 4 000 visiteurs au Conseil économique social et environnemental, dont le Premier ministre de l’époque, Gabriel Attal. Elle visait à changer le regard des acteurs publics et privés sur la mesure d’impact, pour envisager différemment la réponse aux besoins sociaux et environnementaux. Nous sommes convaincus que la mesure d’impact doit pouvoir prendre en compte la réponse directe à ces besoins, mais aussi de comprendre pourquoi ceux-ci persistent.

D’une manière générale, le sommet a été très bien accueilli. Un détail m’a marqué : c’est le nombre de cahiers et d’ordinateurs ouverts un peu partout pour prendre des notes ! C’est précisément ce qu’on voulait : créer un lieu d’échanges et de partage où citoyens comme professionnels de l’impact apprennent des choses. Nous voulions organiser des débats à partir d’études et de recherches plutôt qu’à partir d’opinions.

Qu’avez-vous prévu pour la troisième édition ?

Tout d’abord, nous serons une nouvelle fois au CESE le 16 mai prochain, à la différence près qu’il sera désormais coorganisateur et pas simplement un lieu d’accueil. Cela donnera à l’événement une dimension encore plus institutionnelle. Nous serons en mesure de doubler le nombre de tables rondes et d’augmenter le nombre de visiteurs.

Cette édition sera construite autour d’une thématique centrale : « refaire société ». La mesure d’impact ne doit pas rester un sujet de technicien, elle doit infuser les décisions tant dans le public que le privé. Surtout, elle doit aider à rebâtir la confiance bien entamée entre les Français et l’action publique. Et cette crise de confiance ne se limite pas au public ! Le rapport Notat-Senard publié en 2018 avait déjà identifié le manque de confiance entre les Français et l’entreprise comme le maillon faible de la compétitivité hors coûts de notre économie… Refaire société, c’est aussi reconstruire du lien social, à une époque où les débats sont très polarisés. C’est donc ce thème que nous déclinerons tout au long de la journée en nous appuyant sur nos travaux de recherche.

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Sans être exhaustif, je peux déjà évoquer quelques sujets, comme la réforme de l’entreprise, pour apporter plus de sens et de démocratie. Il sera également question de la CSRD, avec des premiers retours d’expérience concrets de la part des entreprises qui se sont engagées. Nous couvrirons également des sujets sociaux, trop souvent oubliés, comme le coût élevé de la compétition méritocratique sur notre société, ainsi que les frustrations et les ressentiments qu’elle crée entre les « gagnants » et les « perdants » de ce système. Plusieurs années après, la crise des gilets jaunes reste une parfaite illustration des écueils de cette méritocratie.

De même, difficile de passer à côté des sujets de l’IA, qui va révolutionner en bien comme en mal l’emploi, le lien social ou encore notre rapport à l’information, avec les fake news. C’est un sujet qu’il faut regarder avec beaucoup d’attention. Mais aussi l’impact de l’IA dans l’action sociale, car nous croyons beaucoup à la mobilisation des données publiques et privées à des fins de recherche.

De votre point de vue, quels sont les grands défis du moment ?

Il y a trois enjeux essentiels. Le premier est de redéfinir les modèles d’entreprendre, dans un contexte où six des neufs limites planétaires sont déjà dépassées et où les crises sociales s’entrecroisent avec les crises écologiques. Le second défi est un sujet de transition juste. La transition écologique ne pourra pas être éternellement opposée à la transition sociale. Énormément d’efforts sont faits pour favoriser une transition écologique plus sociale, mais elle pèse toujours sur les populations les plus précaires. Le troisième défi est récurrent depuis notre première édition : comment bâtir un consensus sur la mesure d’impact pour agir collectivement face à ces défis ?

Craignez-vous que l’impact soit un mot de plus en plus galvaudé ?

C’est pour l’éviter qu’on est là ! On peut se dire qu’il y a un risque à voir tant d’acteurs utiliser le terme impact pour désigner des choses différentes. Mais c’est aussi une opportunité, et c’est le signe d’une prise de conscience collective sur le sujet, d’un mouvement global. Dans le monde de l’entreprise, la RSE est devenu un vrai facteur de performance globale et les nombreux labels permettent de structurer des démarches responsables. Dans le monde de la finance, l’émergence de la finance à impact a été important, avec le développement de nouveaux produits sous forme de prêts ou d’obligations comme les contrats à impact. Les citoyens aussi poussent et leurs interpellations sont de plus en plus bruyantes. Du côté des institutions publiques, on compte des avancées majeures à l’international, puis à l’échelle européenne avec par exemple la CSRD et à l’échelle nationale depuis la loi Pacte notamment. Je crois d’ailleurs beaucoup, malgré les critiques qui lui sont apportées, au rôle de la CSRD pour passer dans l’économie à impact. Elle permettra de faire de la durabilité un vrai facteur de compétitivité, et de favoriser un benchmark des entreprises secteur par secteur.

Et enfin, il y a le monde de la recherche qui s’investit. C’est le meilleur garde-fou contre l’impact washing ! Les chercheurs ont une place de choix dans l’événement. Nous présenterons entre autres un rapport abordant le lien social au prisme de la lutte contre les exclusions et la mixité, qu’elle soit sociale, culturelle, générationnelle ou encore territoriale. Nous rendrons également un travail sur l’entreprise régénérative, qui aidera à affronter les trois défis évoqués plus tôt. Aujourd’hui, il ne suffit plus de limiter, même de manière radicale, ses externalités négatives. Il faut que l’entreprise ait une visée régénérative, sur les écosystèmes humains et naturels.

Vous pouvez vous inscrire gratuitement à l'édition 2025 du Sommet de la Mesure d'Impact sur le site officiel de l'événement.

Propos recueillis par François Arias

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