Dirigeante de la société spécialisée dans l’éclairage urbain en aluminium, Agnès Jullian oeuvre pour que le mobilier des villes devienne plus esthétique, durable et pratique. Elle travaille aussi à mettre en avant son territoire et l’industrie de manière plus générale.
Agnès Jullian (Technilum) : "Être une femme dans un milieu d’hommes ouvre des portes"
Décideurs. Comment s’est déroulée votre ascension chez Technilum ?
Agnès Jullian. Au décès de mon père en 1994, j’ai dû reprendre l’entreprise qu’il avait créée en 1971. J’avais fait des études assez généralistes et, à 24 ans, j’y travaillais pour faire mes armes avant de peut-être partir à l’étranger. Mon parcours n’a donc pas été celui que j’imaginais. En revanche, si certains naissent dans les choux, moi je suis née dans les lampadaires. C’est une industrie que je connais bien, qui valorise l’espace public et touche à ma passion pour l’architecture et le design. Nous sommes précurseurs de tendances et offrons un niveau élevé de qualité, de finitions et de durabilité. C’est pourquoi, dès la reprise de la société, j’ai choisi de déménager le siège afin qu’il ne soit plus une boîte à chaussures au milieu d’une zone industrielle. Nous avons élu domicile à Lézigno, un ancien domaine viticole aux portes de Béziers, que nous avons reconverti en bureaux et ateliers industriels. Il correspond parfaitement à notre identité et à nos valeurs.
Est-ce qu’être une femme dans l’industrie a été un frein pour vous ?
Pas du tout. Bien que j’aie croisé le chemin de quelques rares misogynes, cela n’a pas été mon quotidien. Je dirais même que le fait d’être une femme m’a donné une certaine identité. Quand on est une fille dans un milieu d’hommes, cela ouvre des portes et nous rend plus visibles. Cependant, il n’y a pas encore assez de femmes dans le secteur industriel.
"Lorsque l’IA aura remplacé certains postes aux tâches répétitives, on s’apercevra que les choses fabriquées manuellement sont essentielles"
Vous diversifiez votre entreprise. Comment ?
Nous avons des concepts brevetés et prônons la mutualisation des supports. Dans les rues, les lampadaires sont implantés à intervalles réguliers et entourés de signalétiques, de poubelles, de potelets, de supports de sonorisation ou de caméras de vidéosurveillance… Tous ces éléments qui jonchent l’espace public sont un frein à son usage, notamment pour les personnes à mobilité réduite ou les poussettes. La mutualisation des services est aussi bonne pour l’esthétisme urbain. Par exemple, un lampadaire peut accueillir des capteurs de pollution, des prises de recharge électrique ou être équipé d’une canisette pour chiens.
Vous vous attachez à mettre en valeur votre région et l’industrie. Ces deux sujets sont-ils liés ?
Nous sommes assez présents dans l’écosystème régional. Quand j’ai repris l’entreprise, je ne voulais pas avoir uniquement la tête dans le guidon. Assez naturellement, je me suis rapprochée du syndicat de l’éclairage et de celui de la métallurgie, ce qui m’a permis de m’entourer de gens formateurs. Je me suis aussi engagée plus tard dans la French Fab (label français qui réunit des industriels, Ndlr). Notre site est exemplaire et accueille des classes étudiantes, des séminaires ou encore des actions pour la semaine de l’industrie. L’idée est de valoriser les métiers de ce secteur, qui n’est plus sale, noir et poussiéreux. La qualité de vie au travail y a évolué. C’est d’autant plus important de le faire savoir que lorsque l’intelligence artificielle aura remplacé certains postes aux tâches répétitives, on s’apercevra que les choses fabriquées manuellement sont essentielles. C’est aussi une fierté de se dire qu’on a conçu de ses propres mains des produits qui sont visibles aux États-Unis, au Canada, en Suède et sur les grands sites touristiques français ou sur des événements comme les Jeux olympiques.
Propos recueillis par Olivia Vignaud
Copyright : Nathalie Oundjian