Le 28 janvier, Éric Lombard a reçu à Bercy l’Association des journalistes économiques et financiers (AJEF). L’occasion pour le patron de Bercy de détailler ses projets pour restaurer les comptes publics et éviter la récession.

"Ce qui est bien avec vous, c’est que les questions sont toujours pointues et intelligentes !" Si Éric Lombard, nouveau ministre de l’Économie et des Finances, est une figure de la société civile, il maîtrise une vieille ficelle de la politique politicienne : complimenter son public.

Le 28 janvier, le locataire de Bercy recevait les membres de l’Association des journalistes économiques et financiers (AJEF) pour une séance de plus de deux heures d’échanges à bâtons rompus. Devant une cinquantaine de connaisseurs des finances publiques, il est revenu sur ses projets économiques et a tenté de définir sa doctrine "lombardiste". Voici les points les plus importants à retenir.

Réduire le déficit : une priorité

À l’instar de François Bayrou, Éric Lombard fait de la lutte contre la dette sa priorité. "Réduire le déficit de la France est un impératif plus qu’une contrainte exogène. Il y a un risque important de perte de souveraineté", a asséné d’emblée l’ancien chef d’entreprise. Reste à savoir comment rétablir les comptes publics.

Taxer les entreprises ?

Interrogé à plusieurs reprises sur l’augmentation de la fiscalité sur les entreprises, l’ancien banquier a insisté sur un point : le secteur privé n’a pas, selon lui, à craindre une hausse des taxes. "L’objectif n’est pas de mettre en place des impôts nouveaux." D’après celui qui rappelle venir "d’une famille d’industriels", "l’agenda d’attractivité ne passera pas par la hausse des prélèvements sur les entreprises". Éric Lombard a souligné que la baisse du chômage et la croissance économique depuis la seconde partie du quinquennat Hollande sont liées en grande partie à une baisse de la fiscalité des sociétés.

Ces déclarations semblent toutefois contredites par Sophie Primas, porte-parole du gouvernement qui, dès le lendemain, a évoqué une surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises qui serait "temporaire (…) Dans la condition budgétaire dans laquelle nous nous trouvons, chacun doit prendre part aux efforts". Bernard Arnault fait usage de son entregent et de son poids pour faire reculer l’exécutif sur le sujet.

"Dès février, nous allons faire en sorte de mieux segmenter l'effort public"

Diminuer les dépenses de l’État

C’est en se concentrant sur les dépenses de l’État que le déficit peut se combler, estime le ministre. Son objectif ? "Une diminution de 2% des dépenses sans toucher à des sujets essentiels et stratégiques comme la programmation militaire." Problème, rares seront ceux qui souhaiteront diminuer leur budget, le bras de fer s’annonce ardu pour que les objectifs soient atteints. "La priorité est au vote du budget puis, dès février, nous allons faire en sorte de mieux segmenter l’effort public", a promis le ministre.

L’immigration ? « Une bonne chose »

C’est un grand classique dans les gouvernements d’Emmanuel Macron. "En même temps" oblige, l’aile droite et l’aile gauche du gouvernement ferraillent souvent sur la question de l’immigration. Entre le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau jouant la carte de la fermeté et Éric Lombard qui se définit comme de gauche, le point de vue sur l’immigration est divergent. Ce que la rencontre avec les membres de l’AJEF confirme. Selon Éric Lombard, "sur l’immigration c’est très simple, nous avons besoin d’une immigration économique qui est demandée par les entreprises, mais aussi par ce qui relève du service public, en premier lieu les hôpitaux".

"Nous avons besoin d'une immigration économique qui est demandée par les entreprises mais aussi par ce qui relève du service public, en premier lieu les hôpitaux"

Éric Lombard, passé par des cabinets PS sous François Mitterrand, a enfoncé le clou en affirmant que "l’immigration est une bonne chose et la diversité une chance, même si je ne suis pas naïf et que je reconnais que cela peut créer des déséquilibres sociaux".

Cela dit, les relations avec son collègue de l’Intérieur devraient rester courtoises. "Bruno Retailleau est dans son rôle, notamment en ce qui concerne la reconduite des OQTF. Nous sommes dans un gouvernement divers, avec des cultures politiques diverses, mais cela me paraît bien tant que les échanges sont respectueux, ce qui est le cas."

Après le budget, une dynamique positive ?

Concernant le vote du budget, le ministre est relativement optimiste sur un vote à court terme. Il s’agit d’une étape importante qui permettrait au pays de regarder le futur avec optimisme : "Les citoyens ressentent de l’inquiétude et ont l’espoir que l’adoption du budget amène une dynamique positive."

Il estime que le vote du budget fera entrer la France dans une nouvelle séquence où la croissance pourrait s’élever à 0,9% et le chômage ne pas exploser : "N’oublions pas que les chiffres du chômage sont liés à la conjoncture internationale, mais aussi à l’instabilité politique."

Vive le dialogue

Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, la Ve République tend de plus en plus vers un régime parlementaire. Cela suppose que tous les partis politiques se mettent autour d’une table et fassent des concessions. Si le gouvernement Barnier a essuyé les plâtres, le gouvernement Bayrou est plus ouvert à la discussion. De quoi contenter Éric Lombard : "Je continue à parler à des partis qui ont voté la censure, la qualité du travail ne pourra qu’augmenter."

Lucas Jakubowicz

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