Directrice marketing d’Urgo Medical, filiale spécialisée dans la cicatrisation et la plaie, Charlotte Demarais nous explique le positionnement du groupe Urgo sur le numérique avec deux de ses outils phares, le programme en ligne LEGS GO et l’application Healico.
Charlotte Demarais (Urgo) : "Notre ambition est d’être un partenaire de confiance des professionnels de santé"
Tous les signaux sont au vert pour les applications numériques de la santé, avec une augmentation de l’acculturation des soignants et des patients à leur utilisation. Comment expliquez-vous le succès de cette tendance ?
Charlotte Demarais. Le digital est une tendance à laquelle n’échappe pas le monde de la santé qui connait une véritable transformation avec de nombreux enjeux. Les applications numériques peuvent constituer un atout pour les patients et les personnels soignants sur une double problématique.
D’abord, celle de la formation continue des soignants et de l’éducation médicale des patients. Les applications numériques peuvent être un outil simple, mais efficace, pour acquérir de nouvelles connaissances, de manière pédagogique et claire ; surtout, dans une temporalité réduite. C’est d’ailleurs un besoin qu’évoquent les soignants dans plusieurs pays, où nous avons des échanges réguliers avec eux.
Ensuite, le parcours de soin du patient évolue. Nous constatons une pénurie croissante de médecins surtout dans certaines zones. Les personnels de santé passent de moins en moins de temps avec leur patientèle. Le suivi risque d’être de moins en moins personnalisé. L’accès au soin devient de plus en plus compliqué. Les outils numériques peuvent les aider à optimiser ce parcours de soin, le temps passé auprès de chaque patient et la collaboration avec les autres soignants.
Healico, par exemple, va aider les soignants à adopter une démarche collaborative, en partageant des photos d’une plaie et de son évolution, dans un cadre sécurisé, avec l’ensemble des professionnels qui suivent un patient, comme le podologue, le médecin ou encore l’infirmier. Ce type d’outils fait gagner du temps et de l’efficacité au soignant et permet, pour le patient, d’avoir un meilleur suivi de ses problématiques grâce à une meilleure collaboration et diffusion de l’information médicale entre les soignants.
Urgo Medical propose deux innovations. Healico, à destination des soignants spécialistes de la plaie et LEGS GO, pour accompagner le traitement des ulcères de jambe veineux. À partir de votre expérience, quelle est la valeur ajoutée de ces applications pour les soignants et les patients ?
Le programme LEGS GO a été pensé et construit pour les patients souffrant d’ulcères de jambes veineux, soit le stade ultime de la maladie veineuse, le stade C6. Quand on a un ulcère de jambe veineux, la cicatrisation peut durer des années sans un traitement indispensable comme la compression. En complément de ce traitement étiologique (pansement et compression) nous savons qu’une approche dite holistique peut favoriser la cicatrisation des plaies. Le programme LEGS GO propose donc une démarche globale : il aspire à éduquer le patient pour l’aider à comprendre sa maladie et son traitement d’une part et, d’autre part, à lui permettre d’avoir une vision globale des bonnes pratiques en termes d’exercice physique, de régime alimentaire ou encore d’application des soins. C’est une vision qui place au cœur de son modèle le soin du patient. Et surtout, qui vise à assurer pleinement l’observance du traitement par le patient tout en l’encourageant à devenir acteur de sa cicatrisation. Sur le seul programme LEGS GO, près de 10 000 soignants l’utilisent, chaque année, régulièrement pour accompagner leurs patients.
Quant à Healico, il s’agit d’une application pour les professionnels de santé dans le domaine du traitement de la plaie. Son objectif est de se positionner comme l’assistant de poche du quotidien pour assurer un suivi de la plaie et mettre en relation tous les soignants engagés auprès d’un seul patient pour permettre d’avoir le meilleur suivi et le traitement le plus adapté. Nous sommes aujourd’hui à 120 000 utilisateurs. C’est la première application dans le domaine de la plaie dans le monde. Elle a d’ailleurs reçu, en 2001, le prix Galien de la meilleure innovation en santé.
Pour ces deux outils, le gain est pluriel à la fois pour les soignants et les patients : une meilleure connaissance de la maladie et de ses traitements ; une collaboration accrue entre les professionnels de santé et une meilleure appréhension des bonnes pratiques à mettre en œuvre pour optimiser la guérison des patients.
Les produits proposés par le groupe Urgo, notamment ses différentes marques, sont aujourd’hui largement utilisés partout dans le monde. Qu’est-ce qui a poussé Urgo Medical à sortir de sa zone de confort pour se positionner sur le marché des applications numériques ?
Urgo Medical, c’est avant tout des produits de référence, un centre de recherche performant et de belles technologies mises au service des patients et des soignants. Mais, au-delà de nos produits, nous avons l’ambition d’être un partenaire de confiance des professionnels de santé et de les accompagner dans la totalité de leurs missions. Quand nous constatons le soutien que peuvent apporter nos applications et services numériques dans la pratique quotidienne des soignants, cela donne beaucoup de sens à nos missions.
Nous avons ainsi identifié un besoin fort de la part des soignants : celui d’optimiser le parcours de soin, la collaboration entre les différents spécialistes et l’éducation médicale au sens large. C’est en ce sens que nous avons développé nos outils numériques. Nous estimons aujourd’hui que la mission d’une entreprise de santé doit dépasser l’approche produit et se centrer sur un partenariat de confiance avec les soignants grâce, notamment, à des services numériques.
Les données officielles estiment à plus de 350 000 le nombre d’applications dédiées à la santé, avec un flux continu de nouveautés chaque jour. L’une de vos applications, Healico, spécialisée dans le traitement de la plaie et à destination des soignants, a remporté le prix Galien 2021 de la meilleure innovation dans le secteur de la santé digitale. Une vraie réussite, sachant que le segment des applications de santé est ultraconcurrentiel. Quelle est, pour vous, la recette d’une application de santé réussie, qui dépasse le simple gadget?
Il faut avant tout avoir un objectif bien défini et la volonté de répondre à un besoin concret. Si l’on s’intéresse à Healico, l’optimisation du parcours de soin en cicatrisation en est un. C’est une application créée avec les soignants pour les soignants. Ce sont les premiers concernés. Plus que des partenaires, ils ont été plus largement les pilotes d’Healico. Cette approche était essentielle pour nous assurer que notre application était parfaitement user-friendly et adaptée au quotidien des soignants, en termes de praticité et de personnalisation notamment.
Nous avons donc pris notre temps et nous optons encore aujourd’hui pour une démarche d’amélioration continue, en étoffant le produit année après année. La particularité d’Healico est qu’elle se concentre sur la diffusion des meilleures pratiques et la collaboration entre les soignants. Nous voulons aussi leur faciliter le quotidien. A titre d’exemple, nous avons lancé deux fonctionnalités. La première, MEASURE, permet de mesurer la plaie, donc de suivre son évolution, grâce à une simple photo. La deuxième, le catalogue-produits réunissant la majorité des produits du marché pour aider le soignant à choisir le meilleur pansement pour son patient.
Quel regard portez-vous sur l’écosystème numérique en santé en France ?
Le chiffre de 350 000 applications (à l’échelle mondiale, ndlr) démontre qu’il y a une tendance, avec une acculturation toujours plus forte aux pratiques numériques. Ce que fait le gouvernement avec, par exemple, « Mon espace santé », est très positif. Mais le digital reste avant tout un outil, qui s’inscrit dans un tout, dans une histoire globale et en faveur d’un objectif opérationnel clairement défini, prendre soin de la santé des français en faisant face aux enjeux que nous connaissons.