D’ordinaire discret, l’homme le plus riche de France n’a pas caché son hostilité au projet de surtaxe d’impôt sur les sociétés qui, selon lui, ne sera pas provisoire. De quoi l’inciter à délocaliser une partie de sa production aux États-Unis ?

Le grand public imagine que le mot qui effraie le plus les chefs d’entreprise est "taxe". Mais il y’en a un qui donne encore plus de sueurs froides : instabilité.

Surtaxe d’impôt sur les sociétés : ce qu’il peut se passer

Avec quatre premiers ministres en un an, un budget qui peine à être voté et des revirements incessants sur les projets fiscaux, les entrepreneurs ne savent pas de quoi demain sera fait. Le projet de contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises en est une belle illustration.

Pour le moment, c’est la configuration suivante qui serait adoptée : les 440 entreprises tricolores réalisant entre 1 et 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires devraient payer un taux d’impôt sur les bénéfices de 20,6%. Pour celles déclarant plus de 3 milliards d’euros de CA, le taux devrait être de 41,2%. Mais rien n’est arrêté. Initialement, le gouvernement Barnier à l’origine de l’idée évoquait une taxe sur deux ans, finalement elle devrait être appliquée sur une année et rapporter 8,5 milliards d’euros à l’État.

Les lignes peuvent-elles bouger dans la dernière ligne droite ? Les grosses entreprises le souhaitent et Bernard Arnault est devenu leur porte-parole. D’habitude policé, il n’a pas maché ses mots.

États-Unis dynamiques, France atone

Le patron de LVMH et plus grande fortune de France a lancé un pavé dans la mare le 28 janvier lors de la présentation annuelle des résultats du groupe. Comme beaucoup d’entrepreneurs, il a comparé des États-Unis pro-business à une France sclérosée et atone : "Je reviens des USA et j’ai pu voir le vent d’optimisme qui régnait dans ce pays. Quand on revient en France c’est un peu la douche froide".

La différence d’ambiance n’est pas la même : "Aux USA, les impôts vont descendre à 15%, les ateliers sont subventionnés dans une série d’États et le gouvernement encourage ça. Quand on vient en France, et qu’on voit qu’on s’apprête à augmenter les impôts sur les entreprises qui fabriquent en France, c’est tout de même à peine croyable. On va taxer le made in France, pour pousser à la délocalisation c’est l’idéal".

"Nous sommes fortement sollicités par les autorités américaines à continuer nos implantations d'ateliers. Dans l'environnement actuel, c'est quelque chose que LVMH regarde sérieusement"

Délocalisation : bluff ou menace réelle ?

Cette taxe combinée à l’opération séduction des Américains pourrait-elle inciter Bernard Arnault à délocaliser une partie de sa production au Pays de l’Oncle Sam, son premier marché ? Ce serait un coup dur pour l’économie française, LVMH comptant 40 000 salariés répartis de 120 sites de production dans l'Hexagone. Dans bien des bassins d’emplois, de la "France périphérique", le groupe est indispensable à l’économie locale.

Bernard Arnault ne s’en cache pas : "Nous sommes fortement sollicités par les autorités américaines à continuer nos implantations d’ateliers. Dans l’environnement actuel, c’est quelque chose que LVMH regarde sérieusement".

Provisoire qui dure ?

Dans sa prise de parole, Bernard Arnault pose également une question pertinente. Qui peut promettre que la taxe sera temporaire ? "Une surtaxe sur une seule année ? Personne n’y croit. Une fois qu’on a augmenté les impôts de 40%, qui va les baisser de 40% ?". L’histoire incite en effet à la méfiance.

En 1956, Guy Mollet instaure la vignette automobile pour une période provisoire. Le provisoire a duré jusqu’à 2000. De même, la CRDS contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) a été mise en place en 1996 pour 13 ans, elle existe toujours. Tout comme la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus instituée en 2017. Il faut dire qu’elle était prévue "jusqu’à l’année au titre de laquelle le déficit public est nul".

LJ

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