Personne n’évoque la question des fonctions dévolues à l’État
Plus d’un mois après sa nomination à Matignon, la popularité de Manuel Valls ne se dément pas. Les résultats des municipales, comme les projections réalisées pour les européennes, confirment le virage droitier de l’opinion. Un virage que le nouveau visage de l’exécutif entend négocier habilement.

Cinquante milliards de charges en moins pour les entreprises, auxquelles s’additionnent cinquante milliards de réduction dans les dépenses de l’État et des collectivités. Un rêve (social)-libéral tout droit sorti du programme présenté par Sarkozy aux Français en 2012. C’est en tout cas la charge que mènent les verts et la gauche du parti socialiste.

Pour l’UMP, c’est l’embarras. Difficile en effet d’attaquer durement un texte que la précédente majorité aurait été fière de porter. Mais puisqu’en politique l’opposition l’emporte toujours sur la raison, c’est sur la proposition d’un plan prévoyant 130 milliards d’euros d’économies que le parti de Jean-François Copé construit son vote négatif.

Une question de périmètre

Pour autant, peu importe l’enveloppe, la méthode retenue est invariable : l’économie par l’atteinte aux moyens, sans jamais évoquer le périmètre. Pourtant, qu’on évoque la justice, l’hôpital public ou la sécurité – intérieure comme extérieure – il semble entendu pour une large proportion d’usagers-contribuables que la technique du coup de rabot infligé aux frais de fonctionnement a fait long feu.

Personne – ou presque – n’évoque la question centrale des fonctions dévolues aux personnes publiques. Quelle légitimité, par exemple, accorder à un ministère de l’Industrie, ou du Redressement prétendument productif, après les épisodes SFR ou Alstom ? L’incitation fiscale ne saurait-elle pas se substituer à l’État pour irriguer la culture, les milieux sportifs ou le monde associatif ? Sans même évoquer la pertinence d’institutions, conseils et autres commissions destinés à l’accueil des politiques en difficulté électorale ?

Personne ne suggère ici l’abandon immédiat de fonctions que beaucoup considèrent encore comme régaliennes. Néanmoins, la perspective d’un plan de désengagement partiel de l’État à horizon dix ou quinze ans mérite sa place au cœur du débat. Reste à déterminer si nos « élites » sont prêtes à contourner la doctrine politique qui les façonne depuis l’ENA.

Pierre Netter
Rédacteur en chef


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