Le directeur général de la Fondation Jean Jaurès et directeur des études de Havas Worldwide en France revient sur les derniers choix de l'éxécutif en place.
Décideurs. Avec le nouveau gouvernement de Manuel Valls, le changement promis n’est-il pas davantage dans la forme que sur le fond ?
Gilles Finchelstein.
C’est une nouvelle méthode qui va caractériser cette nouvelle étape du quinquennat. En réalité, nous vivons davantage un changement dans le quinquennat qu’un changement de quinquennat. La feuille de route est identique - redonner de la force à notre économie. La clarification de la ligne politique a eu lieu dès le 14 janvier avec la conférence de presse à l’Élysée, donc bien avant les élections municipales et la nomination de Manuel Valls.
Néanmoins, on a beau être dans la continuité, on sent bien que flotte un air de renouveau, lié à la personnalité du Premier ministre, au resserrage du gouvernement et au rythme des annonces. On est donc à mi-chemin de la forme et du fond.

Décideurs. Le président de la République a choisi Manuel Valls à Matignon. Pouvait-il aller plus loin dans sa réponse au « besoin de droite » exprimé dernièrement par le pays ?
G. F.
Affirmer que la victoire de la droite aux dernières élections répond à un besoin de droite est sans doute hâtif. Cette victoire trouve plutôt son origine dans une grève de la gauche. Il y a eu le sentiment, dans l’opinion en général, et à gauche en particulier, que le rythme était trop lent, la gouvernance trop confuse et le dessein trop opaque. La nomination de Manuel Valls constitue la réponse à ces problèmes-là et il est soutenu largement dans l’électorat de gauche.

Décideurs. Le centre et une partie de l’UMP lui accordent également une relative confiance (38 % selon le baromètre TNS Sofres d’avril).
G. F.
Tant mieux, il vaut mieux que le Premier ministre parte avec le maximum de confiance, surtout compte tenu de la difficulté de la tâche qui est devant lui !

Décideurs. Existe-t-il un risque de « socialisme d’opposition » de la part des frondeurs et/ou des Verts ?
G. F.
Le socialisme d’opposition peut exister… lorsque la gauche est, elle-même, dans l’opposition ! Mais on ne peut pas être à la fois dans la majorité et dans l’opposition.
Il faut mesurer l’ampleur du choc qu’ont constitué les élections municipales et les risques pour la majorité : un rétrécissement arithmétique de cette majorité et sa rétractation psychologique. Les écologistes sont dans le soutien sans participation, ils peuvent demain basculer dans le « ni soutien ni participation ». Quant aux socialistes, ils sont certes aujourd’hui à fleur de peau, mais ils ont voté la déclaration de politique générale et ils connaissent la logique de la Ve République.

Décideurs. Les « pactes » de François Hollande sont-ils des outils marketing ou technocratique ?
G. F.
Ni l’un ni l’autre. Le pacte de responsabilité a pour ambition de créer un choc psychologique. Et au-delà des mots, il y a eu des actes : annoncé le 14 janvier à hauteur de trente milliards d’euros, il passe à plus de trente-sept milliards dans le discours de politique générale du Premier ministre. Dès l’automne 2012, il y a eu le rapport Gallois, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, les trente-quatre filières lancées par Arnaud Montebourg, la BPI pour financer PME et PMI… Les actes sont là.
Le pacte a une ambition plus large que la reconstitution des marges : actionner le levier le plus mystérieux, mais le plus important pour la croissance, à savoir la confiance. Cette confiance n’est pas demandée mais accordée aux entreprises, avec l’espoir de créer ainsi un cercle vertueux.

Décideurs. Ce pacte de responsabilité n’arrive-t-il pas trop tard ?
G. F.
Tard sans doute : depuis le début des années 2000, on assiste à une dégradation profonde de notre compétitivité. Exemple ? Le coût du travail dans l’industrie manufacturière s’est inversé. Il est aujourd’hui près de 10 % plus cher en France qu’en Allemagne.
En réalité, les Français craignent surtout le déclassement collectif et individuel que pourrait leur faire subir la mondialisation. Or, pour éviter cela, nous avons besoin d’entreprises fortes. Les Français peuvent donc partager aussi cette ambition-là.

Décideurs. Certains craignent que les délais demandés à Bruxelles et le choix d'Arnaud Montebourg à Bercy, en contact avec la Chancelière, signent un bras de fer du gouvernement avec l'Europe. Qu’en pensez-vous ?
G. F.
C’est une crainte purement hypothétique. Il n’existe qu’une ligne : celle énoncée par le président de la République et mise en œuvre par le Premier ministre.

Décideurs. Si le président de la République est social-démocrate, qu’en est-il du gouvernement de Manuel Valls ? La gauche plurielle existe-t-elle toujours ?
G. F.
Son gouvernement est bien sûr également social-démocrate. Quant à la gauche plurielle, elle n’existe plus… depuis 2002. Ni le PC ni le Front de gauche n’ont participé au gouvernement. Ils se sont abstenus à l’issue de la déclaration de politique générale de Jean-Marc Ayrault et ont voté contre celle de Manuel Valls. Europe Écologie Les Verts a, quant à elle, participé et ne participe plus, a voté pour et s’est abstenue.
On est donc bien en présence de forces centrifuges puissantes à gauche. Un des défis du nouveau premier secrétaire du PS est de réinventer de nouvelles formes de rassemblement. Car une gauche qui est durablement divisée est une gauche qui reste durablement… dans l’opposition.

Décideurs. Vu les scores du FN aux dernières élections et le 21 avril 2002, les épisodes gouvernementaux durant lesquels le PS est à l’exécutif favorisent-ils l’avènement de l’extrême droite ?
G. F.
C’est malheureusement trop simple. La dernière fois que le Front national a réalisé un bon score aux élections municipales, c’était en 1995 avec Jacques Chirac, président de la République. En 2012, Marine Le Pen réalise 17 % après cinq ans de présidence de Nicolas Sarkozy.
Dimension culturelle identitaire, difficultés économiques et sociales, mutations engendrées par la mondialisation : les causes de la montée du FN sont beaucoup plus profondes.

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