Pour Bernard Sananès, président de l’institut CSA, si les Français sont mécontents de l’action du gouvernement, ils restent majoritaires à penser que les gouvernants peuvent agir.
Décideurs. Manuel Valls dans son discours de politique générale a qualifié la parole publique de « langue morte » pour les citoyens français. Confirmez-vous, selon vos études, ce constat amer ?

Bernard Sananès.
La succession de promesses non tenues, l’absence de résultats concrets, le sentiment d’un discours qui se répète ont amené les Français à mettre à distance la parole publique. Le dernier exemple est le pari raté de « l’inversion de la courbe du chômage ». Non seulement les Français n’y ont jamais cru, mais le fait que l’engagement ne soit pas tenu a renforcé le « procès en inefficacité » fait à leurs dirigeants. Cette dé-crédibilisation de la parole publique s’accompagne d’un sentiment plus profond de défiance et d’abandon des Français vis-à-vis des hommes et des femmes politiques. 88 % des Français considèrent ainsi que les gouvernants, de gauche comme de droite, ne se préoccupent pas de gens comme eux. Dans le même temps, ils sont 79 % à penser que les gouvernants peuvent agir, ou influer au moins à la marge sur le cours des choses. Le message que les Français adressent à leurs dirigeants est donc clair : « parlez moins, agissez plus » et « promettez moins mais tenez plus. »


Décideurs. Avez-vous déjà des premiers chiffres consécutifs à l’arrivée de Manuel Valls à la tête du gouvernement ? Quel impact sur les Français, leur confiance ou la sympathie portée ?

B. S.
Manuel Valls a réussi son entrée en fonction à Matignon, marquée par son discours de politique générale. Celle-ci a été perçue comme une véritable « prise de pouvoir ». Ainsi, 57 % des Français estiment que Manuel Valls aura plus d’influence que François Hollande sur la politique qui sera menée par le gouvernement dans les prochains mois. Alors qu’ils manifestent une forte déception envers le président de la République, leurs attentes semblent désormais fortement reposer sur les épaules du Premier ministre.


Décideurs. De combien de temps le gouvernement dispose-t-il concrètement pour rétablir la confiance ?

B. S.
L’enjeu pour François Hollande est avant tout de reconquérir le cœur de son électorat. Il ne dispose plus que d’une courte majorité (51 %) auprès de ses électeurs du second tour de 2012. Par ailleurs, il souffre d’un déficit d’image et ne parvient pas à incarner la fonction présidentielle. À ce titre, la gestion de l’affaire Leonarda marque une véritable rupture. La confiance ne reviendra qu’avec des résultats sur le front économique et de l’emploi. Or, impopulaire, il peine à canaliser sa majorité, et donc à faire passer les réformes qu’il considère comme essentielles. En face, les Français, eux, continuent de manifester leur impatience. Chaque rendez-vous électoral, constitue un risque pour l’exécutif de voir s’exercer un vote sanction.


Décideurs. Le pacte de responsabilité n'arrive-t-il pas trop tard ?

B. S.
Début janvier, 69 % estimaient que le pacte de responsabilité était une bonne solution pour lutter contre le chômage. Dans le même temps, dès février, 89 % d’entre eux concédaient que les contreparties au pacte de responsabilité seraient difficiles à atteindre pour les entreprises. S’ils adhèrent au principe, ils n’en demeurent pas moins sceptiques quant à l’efficacité de la mesure ou à la faisabilité de sa mise en œuvre. Le travail de pédagogie n’est donc pas terminé.

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