Spécialiste des pays émergents, Bruno Vanier revient sur une année boursière très chaotique. Il souligne à ce titre que la chute des différents indices émergents, en grande partie due à l'effondrement des cours des matières premières, ne doit pas faire oublier que certaines entreprises ont su tirer parti des transformations profondes de leurs économies.

Décideurs. Les marchés émergents ont vécu une année très difficile. Comment l'expliquez-vous ?

Bruno Vanier. La chute de ces marchés financiers s'explique en premier lieu par l'effondrement du prix des matières premières. Un grand nombre de pays dits « émergents » sont des producteurs importants de matières premières. Or les prix du pétrole, du fer ou encore du cuivre ont considérablement baissé, réduisant de facto les recettes de ces pays et de ces entreprises. Certains titres liés à cette classe d'actifs ont connu des baisses pouvant aller jusqu'à - 70 % et ainsi contribué significativement à la sous-performance de ces marchés.

Les matières premières font, en outre, travailler de manière indirecte de nombreuses entreprises. Leurs difficultés ont un impact négatif sur la consommation et les revenus des ménages. Ceci a donc eu pour conséquence d'étendre le problème à d'autres secteurs puis de le généraliser à l'ensemble de l'économie.

Autre élément défavorable, les devises de ces pays ont été réajustées à la baisse contre le dollar et, pour certaines, contre l'euro. Les monnaies des pays producteurs de matières premières comme le Brésil et l'Afrique du Sud, ont été les premières touchées.

Ces différents éléments ont provoqué de forts mouvements sur ces marchés et une sortie massive des investisseurs internationaux. Soixante milliards de dollars ont quitté les marchés actions des pays émergents en cours d'année, du jamais vu.

 

Décideurs. Dans ce contexte, quelles opportunités d'investissement avez-vous décelées ?

B. V. Nous privilégions des secteurs en phase de croissance structurelle. Poussés par une révolution technologique et l’essor d'Internet, des changements importants sont en train de s'opérer dans la manière dont les populations de ces pays consomment. Notre portefeuille est ainsi composé à 15 % de valeurs du e-commerce. Parmi les firmes sur lesquelles nous sommes résolument positifs figurent le réseau social chinois Tencent dont la capitalisation boursière se situe autour 180 milliards de dollars, JD.com, deuxième entreprise du secteur du e-commerce en Chine derrière Alibaba et enfin le moteur de recherche Baidu, dont les différentes sources de revenus pourraient lui permettre d'augmenter considérablement ses profits au cours des prochaines années. S'agissant d'Alibaba, nous avons quelques doutes sur la manière dont la société est gouvernée. Dans le sens où les intérêts des actionnaires minoritaires ne nous semblent pas respectés. Toujours est-il que les valeurs de ce segment sont structurellement en développement et ne devraient pas subir le ralentissement de la croissance chinoise. La Chine est à ce jour le premier marché internet au monde.

Autre thématique qui nous semble très porteuse, l'assurance-vie. Celle-ci est très dépendante de la composante démographique et de l'amélioration du niveau de vie des populations. Or, c'est justement l'un des aspects importants d’un grand nombre de pays émergents. Les planètes sont aujourd’hui alignées. Ce secteur bénéficie d'une croissance solide et visible, notamment en Asie, en Turquie, en Amérique latine et en Afrique du Sud.

 

Décideurs. Faut-il se tenir éloigné de certains pays ? Quels sont ceux qui présentent au contraire les meilleures opportunités d'investissement ?

B. V. Des pays comme la Malaisie trop dépendants du pétrole et des matières premières, sont à mon sens, à proscrire. Actuellement, nous sommes également extrêmement prudents sur l’Amérique latine. Le Chili, la Colombie et l'Argentine sont des pays dans lesquels nous préférons nous abstenir. Il en est de même pour le continent africain dont les marchés sont, à l'exception de l'Afrique du Sud, très peu liquides. Quant à la Russie et les pays de l'Est, nous n'y sommes très peu positionnés. Si à ce jour, nous ne sommes que peu investis sur le Brésil, nous pourrions cependant y revenir en 2016, à la faveur d'un redressement de son économie et de ses entreprises.

L'Asie demeure notre zone de prédilection. L'Inde et la Chine offrent d'excellentes opportunités d'investissement. Les Philippines ont aussi notre préférence. C'est un pays disposant d'un potentiel démographique élevé et d'une croissance robuste. Elle présente également l'avantage de ne pas être dépendante de l'évolution du prix des matières premières. Enfin, la Turquie, l'Afrique du Sud et le Mexique sont des pays qui ont de nombreux atouts à faire valoir.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin

Retrouvez la suite de cet entretien dans l'édition 2016 du supplément « gestion de patrimoine & gestion d'actifs » du magazine décideurs

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