L’année 2024 avait déjà amorcé une diminution des hausses salariales. D’après les projections d’Indeed et LHH publiées le 28 janvier, 2025 est partie pour confirmer cette tendance au ralentissement.
Des illusions d’augmentation perdues aux avantages retrouvés
D’après les dernières analyses d’Indeed et de l’Observatoire de la rémunération de LHH publiées le 28 janvier 2025, les entreprises, plongées dans un contexte économique incertain, font le choix de la prudence : le budget alloué aux augmentations en 2025 promet d’être nettement inférieur à celui des années précédentes.
Une croissance des salaires en nette décélération
La croissance des salaires en France a ralenti de manière continue tout au long de 2024, passant de 3,4 % en janvier à seulement 1,8 % en décembre. Une baisse d’autant plus marquée qu’elle concerne l’ensemble des catégories professionnelles et s’inscrit dans une tendance européenne plus large. En Allemagne, les rémunérations ont également perdu de leur dynamisme : elles n’ont augmenté que de 2,8 % en fin d’année, soit un niveau inférieur à la moyenne d’avant la pandémie de Covid-19 (+3,6 %). À l’inverse, certains pays évoluent différemment, comme l’Espagne, qui affiche une croissance des salaires atteignant 5 % en décembre.
Cette disparité met en lumière la diversité des stratégies adoptées par les États face aux pressions inflationnistes et aux revendications salariales, reflétant des choix de politique économique distincts : prudence budgétaire pour préserver la compétitivité (France, Allemagne) et soutien accru au pouvoir d’achat afin de stimuler la consommation intérieure et l’activité économique (Espagne).
Des budgets d’augmentation revus à la baisse
L’étude de LHH confirme ce constat en mettant en évidence une réduction significative des budgets consacrés aux augmentations de salaire en France. Alors qu’en 2024, les entreprises avaient prévu des hausses moyennes de 3,5 %, ce taux chute à 2,5 % d’après les estimations pour 2025, marquant une rupture avec la dynamique observée en 2023 (4,75 %). Cette tendance traduit la prudence des employeurs face à un contexte où l’incertitude économique et politique demeure forte.
Alors qu’en 2024, les entreprises avaient prévu des hausses moyennes de 3,5 %, ce taux chute à 2,5 % d’après les estimations pour 2025
Si 78 % des entreprises comptent toujours octroyer des augmentations, elles sont moins nombreuses à anticiper une reprise de la croissance salariale à court terme : seules 19 % des structures estiment que la situation pourrait s’améliorer en 2025, contre 35 % lors des prévisions de l’année précédente. Par ailleurs, 23 % des employeurs envisagent une réduction de leurs effectifs, un indicateur qui reflète une certaine frilosité quant aux perspectives économiques à moyen terme.
Le détail des augmentations révèle aussi des disparités selon les catégories de salariés. Tandis que les employés et ouvriers bénéficieront principalement de hausses de salaire générales (pratiquées par plus de 70 % des entreprises interrogées), les cadres verront leurs rémunérations évoluer essentiellement par le biais d’ajustements individuels (97 % des entreprises privilégient cette approche). Ce choix s’inscrit dans une logique de gestion fine des salaires, visant à récompenser la performance plutôt qu’à accorder des hausses uniformes.
Parmi les initiatives les plus répandues, le versement d’une prime de partage de la valeur (800 à 900 euros) est envisagé par 10 % des entreprises
De l’art de compenser
Face à ce contexte de modération salariale, de nombreuses entreprises cherchent à compenser la stagnation des revenus par des dispositifs alternatifs. Selon l’étude de LHH, près d’un tiers des employeurs prévoit des mesures complémentaires, qui prennent différentes formes en fonction des priorités stratégiques et budgétaires de chaque structure.
Parmi les initiatives les plus répandues, le versement d’une prime de partage de la valeur (800 à 900 euros) est envisagé par 10 % des entreprises. Ce substitut à la prime Macron séduit 43 % des employeurs, selon l’IFOP. Moins populaires, l’intéressement (21 %), la participation (8 %) et l’actionnariat salarié (2 %) restent en retrait.
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D’autres leviers sont également mobilisés pour répondre aux attentes des collaborateurs. Ainsi, l’étude de LHH révèle que 23 % des entreprises déclarent vouloir accorder des mesures spécifiques en faveur des bas salaires, tandis que 26 % prévoient un budget consacré à la réduction des écarts de rémunération femmes-hommes. Par ailleurs, des efforts ciblés en direction des jeunes entrants et des seniors sont envisagés par 4 à 5 % des employeurs interrogés.
Au-delà des dispositifs financiers directs, certaines structures misent sur des avantages en nature pour améliorer le bien-être des salariés. Parmi les mesures les plus classiques : l’augmentation de la participation aux repas (62 % des entreprises) et au transport (26 %), qui allègent les charges quotidiennes des travailleurs sans toucher directement à la grille salariale.
En 2025, plus que jamais, la gestion des rémunérations s’annonce comme un exercice d’équilibriste pour les entreprises
Prudence, mère de sûreté ?
Ces projections confirment que la croissance des salaires devrait poursuivre son ralentissement en 2025, en phase avec la hausse attendue de l’inflation, estimée à 1,4 % sur l’année à venir d’après les données provisoires communiquées par l’Insee le 31 janvier 2025. Si la pression sociale et les revendications salariales perdurent dans ce tumulte politique, la tendance générale est au retour à des augmentations plus modérées, accompagnées de mesures ponctuelles pour soutenir le pouvoir d’achat des collaborateurs.
En 2025, plus que jamais, la gestion des rémunérations s’annonce comme un exercice d’équilibriste pour les entreprises, qui devront arbitrer entre maîtrise des coûts et attractivité des salaires pour préserver leur compétitivité.
Cem Algul