Depuis 2015, Elsan a mené une stratégie dynamique d’acquisitions qui lui a permis de doubler de taille en deux ans. Au cours de cette période, le groupe a renforcé sa position de leader de l’hospitalisation privée en MCO (médecine, chirurgie, obstétrique) sur son marché domestique, mais a également diversifié son offre, sur l’hospitalisation à domicile (HAD), la dialyse, la radiothérapie, la e-santé ou encore en s’implantant à l’international.

Décideurs. Le secteur de la santé a été l’un des plus actifs en M&A au cours des dernières années. Comment expliquez-vous ce dynamisme ?

Benoît Poulain. Le secteur a connu une profonde évolution depuis cinq ans, sous l’impulsion de plusieurs facteurs : la pression constante sur les dépenses de santé, les médecins qui souhaitent de plus en plus bénéficier de plateaux techniques et d’équipements de pointe ou encore une demande croissante des populations qui souhaitent légitimement accéder à une offre de soins complète et intégrée. Ces facteurs ont entraîné une véritable transformation du secteur. Citons par exemple l’essor de la chirurgie ambulatoire qui permet aux patients de sortir le jour même de leur hospitalisation, le développement des coopérations interétablissements ou encore le phénomène de concentration que le secteur a connu pour permettre aux acteurs de trouver de nouvelles marges de manœuvre, améliorer l’offre de soins et proposer à chacun et partout des soins de qualité, innovants et humains.

Parallèlement, les groupes cherchent aussi à se diversifier.

Absolument. La diversification constitue un axe stratégique majeur du secteur. Nous devrions même parler de diversifications au pluriel. Géographique, d’abord : les groupes français de santé ont cherché à développer les complémentarités régionales interétablissements entre spécialités, en se rapprochant parfois d’établissements de santé limitrophes aux perspectives de coopération avérées. Métier, ensuite, pour répondre à la demande des patients d’accéder à une offre de soins complète et intégrée. Cela a conduit des groupes comme Elsan à renforcer leurs offres au-delà des métiers historiques de la médecine, chirurgie et obstétrique (radiologie, HAD, radiothérapie). Diversification technologique, créant parfois des ruptures importantes (e-business, e-santé) et permettant de réaliser de grands progrès, dans la gestion de flux patients ou la télésanté notamment. Internationale, enfin, Elsan ayant aujourd’hui atteint la taille critique et la reconnaissance qui lui permettent de proposer son savoir-faire dans des pays ouverts aux opérateurs étrangers et en forte demande d’infrastructures médicales de qualité.

Elsan a réalisé en juin 2017 l’acquisition de Médipôle Partenaires. Comment s’est déroulée cette opération ?

Le rapprochement avec Médipôle Partenaires a constitué une opération structurante et a permis à Elsan de devenir le numéro un français de l’hospitalisation privée. Le projet présentait une incontestable cohérence stratégique, les deux groupes étant tout à fait complémentaires tant par leurs implantations géographiques que par leur savoir-faire opérationnel et leurs pôles d’expertise. Ce rapprochement a permis un large partage des compétences et des savoir-faire, au bénéfice des patients et des équipes médicales. Sur le plan technique, ce rapprochement est le fruit de plusieurs mois de discussions à très haut niveau entre les actionnaires et dirigeants respectifs des deux groupes. Lors de la dernière ligne droite, avant l’introduction en Bourse de Médipôle Partenaires qui était initialement prévue début 2017, nous avons su créer les conditions de l’émergence d’un scénario de rapprochement avec Elsan. Cette opération ne s’est concrétisée qu’à la fin du mois de juin 2017, après la levée des conditions usuelles pour ce type de transactions et notamment le processus engagé devant l’Autorité de la concurrence.

Médipôle Partenaires était le troisième acteur privé français avec une quarantaine de cliniques et un chiffre d’affaires annuel de 900 M€. Comment avez-vous géré l’intégration d’un tel groupe ?

L’intégration est toujours une phase sensible. Il a fallu créer une unité à partir de deux cultures différentes. Cela a impliqué une mobilisation forte du management et de la direction, mais aussi beaucoup de transparence sur le projet global d’entreprise et la place de chaque collaborateur. Elsan est né de la fusion entre Vedici et Vitalia et a donc pu mettre à profit son expérience pour réaliser cette intégration et appréhender l’ensemble des implications opérationnelles, RH, médicales et juridiques de cette opération.

Comment a été financée cette acquisition ?

L’opération a été rendue possible grâce au soutien de notre actionnaire CVC Capital Partners, ainsi que par l’entrée de Téthys Invest dans notre capital, qui ont été convaincus par la pertinence et la cohérence de notre projet. Nous avons également eu recours à un financement auprès de prêteurs externes qui nous ont marqué leur confiance. Nous leur en sommes très reconnaissants.

La présence d’un fonds à votre capital a-t-elle un impact sur votre stratégie ?

Les fonds, en tous cas ceux qui nous ont accompagnés au cours de ces dernières années, ont joué un rôle de catalyseur très fort, par leur approche extrêmement dynamique des sujets. Au-delà des ressources financières et des moyens qu’ils mettent à disposition du groupe, CVC Capital Partners et maintenant Téthys Invest jouent un rôle central de « sparring partner » ou d’accompagnement, en nous apportant un appui essentiel avec une vision de long terme. Ils jouent un rôle clé dans la définition de nos priorités et de notre stratégie. Les réalisations de ces dernières années n’ont été rendu possibles que par la relation de confiance entre nos actionnaires et notre management.

Votre stratégie d’acquisition vous pousse aussi vers l’international ?

Nous avons réalisé notre première opération de croissance externe au Maroc avec une prise de participation dans une très belle clinique multidisciplinaire à Bouskoura dans la région de Casablanca, aux côtés de médecins marocains de premier plan. Nous avons de grandes ambitions à l’international, dans des pays offrant de fortes perspectives de croissance et en demande d’infrastructures médicales de qualité. Ces ambitions trouveront à s’exprimer dans les prochains mois, que ce soit au Maroc ou en Afrique de l’Ouest ou, dans des horizons plus variés, dans des domaines comme la radiothérapie ou la radiologie par exemple.

Quelle est votre ambition pour les années à venir ?

Conserver et développer notre statut d’acteur de référence de la santé en France comme à l’étranger, de leader de la transformation du secteur et de pionnier dans les domaines de l’innovation, reconnu comme tel auprès des patients, de la communauté médicale, des tutelles et autorités publiques ainsi que de toutes les parties prenantes du secteur. Cette ambition nécessite de nous remettre perpétuellement en question pour aller vers de nouveaux métiers ou de nouveaux pays, Nous devons aussi continuer à convaincre largement, en interne comme en externe, pour créer les conditions d’une adhésion globale à notre projet d’entreprise aux côtés des équipes médicales et paramédicales.

Propos recueillis par Camille Prigent

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