Joseph Choueifaty a cofondé Goodvest, une plateforme spécialisée dans l'épargne responsable. La structure a récemment annoncé la création d'un fonds en partenariat avec Sycomore Asset Management. L'objectif ? concilier performance financière et impact environnemental. Dans un contexte de multiplication des catastrophes climatiques, il évoque la pertinence des modèles d’investissement durable, et nuance les conséquences de l'élection de Donald Trump sur la transition écologique.
Joseph Choueifaty (Goodvest) "Il ne faut s’attendre ni à un frein ni à une accélération de la transition écologique"
Le contexte économique mortifère joue-t-il en faveur de l’investissement responsable ?
Beaucoup d’épargne a été collectée, en particulier en France. Ces sommes ont été dirigées vers l’assurance-vie et les fonds en euros, en raison de l’accroissement de leur rentabilité avec le retour de l’inflation. La hausse des taux obligataires a contribué à faire augmenter le rendement annuel moyen de ces fonds. Chez Goodvest, même si nous n’avons pas de fonds euros dans notre grille d’analyse, nous avons eu de très bons résultats. Notre gamme s’est diversifiée avec la sortie d’un livret qui a engendré plusieurs millions d’euros de collecte en quelques semaines. Nous avons aussi développé plusieurs produits structurés qui ont capté beaucoup d’épargnants, témoignant de l’attractivité des produits de placement durable. Dernièrement nous avons lancé un fonds avec la société de gestion Sycomore, “Goodvest Planet Ambition”. Extrêmement exigeant sur le plan climatique, le véhicule cible prioritairement des entreprises qui innovent pour la transition écologique, dans les secteurs tels que l'agriculture régénérative, la biochimie ou les énergies renouvelables.
Si vous deviez résumer Goodvest en quelques chiffres ?
En à peine un an, nous sommes passés de 45 millions d’euros sous gestion à près de 120 millions d’euros, avec des performances au-dessus de la moyenne depuis notre création en 2020. Nous avons choisi d’être totalement transparents sur nos résultats, ils sont tous consultables en ligne. En 2023, nous avions un rendement de 6 à 13 % net de frais et en 2024 nous sommes autour de 6% net de frais pour les profils les plus dynamiques, ce qui prouve qu’investir avec des critères sociaux et environnementaux ne dégrade pas la performance.
Qu’est-ce qui vous différencie alors que les stratégies d’investissement responsable se multiplient ?
Nous avons construit une méthode de sélection scientifique, qui analyse 10 000 fonds filtrés sur différents critères. Dans un premier temps, nous avons étudié leur exposition aux énergies fossiles, ce qui nous a fait réduire de 70 % les fonds éligibles à notre stratégie. Dans un second temps, nous avons analysé leur empreinte carbone en prenant en compte des émissions directes et indirectes, en respectant la méthode de l’Accord de Paris. Nous prenons aussi en compte la politique de diversité des fonds et l’organisation de leur gouvernance. Enfin, notre plateforme d’investissement est totalement transparente, elle permet aux épargnants de visualiser l’incidence de leur épargne depuis leur espace client, en direct ; ce qui est unique sur le marché.
"L’élection de Trump n’est pas un signal positif pour les groupes qui travaillent dans la transition écologique aux États-Unis. Mais, je ne crois pas à une remise en question de l’IRA"
Le label ISR a été refondu il y a un an, cela a-t-il eu des conséquences sur votre sélection de fonds ?
La principale nouveauté de la refonte du label est l’exclusion quasi complète des énergies fossiles des thèses d’investissement des fonds. Nous l’avions anticipé dès l’amont de notre méthodologie ainsi, aucun de nos fonds n’a été concerné par l’évolution du label.
Avec la réélection de Donald Trump, l’investissement responsable a t-il un avenir à moyen terme ?
Il est certain que l’élection de Trump n’est pas un signal positif pour les groupes qui travaillent dans la transition écologique aux États-Unis. Mais, je ne crois pas à une remise en question de l’IRA (Inflation Reduction Act) qui prévoit un plan d’investissement dans l’industrie verte. L’importance accordée à Elon Musk dans le gouvernement ne va pas non plus dans ce sens, puisque son activité principale est la production de batteries et de voitures électriques. Il ne faut donc s’attendre ni à un frein ni à une accélération de la transition écologique.
"Il faut probablement s’attendre à un retour de l’immobilier et à une accélération de la diversification"
Selon vous, quels seront les produits d'investissement tendances en 2025 ?
Il faut probablement s’attendre à un retour de l’immobilier et à une accélération de la diversification. Les taux devraient continuer à baisser, ce qui provoquera un report des capitaux investis en fonds euros, notamment vers l’immobilier, et, en parallèle, la démocratisation du private equity actuellement à l’œuvre continuera de générer de nouveaux produits. Des tendances qui correspondent aux prochains lancements de produits de Goodvest. Nous souhaitons avoir une offre d’épargne à 360 degrés qui couvre tous les besoins d’un investisseur durable.
Céline Toni