Par Bernard Valla et Romain Lochon. PwC
Les restructurations de dettes se multiplient et les outils de négociation sont toujours utiles. Le couple mandat ad hoc/conciliation constitue déjà un cadre sécurisé de discussions. Ce cadre trouve sa limite lorsque des établissements financiers minoritaires n’adhèrent pas au choix de la majorité. D’où le recours à la sauvegarde financière accélérée (SFA). Est-ce si évident ?

Il faut bien accrocher l’attention du lecteur avec un titre nécessairement présomptueux ! Car de procédures de sauvegarde financière accélérée, aucune n’a encore été ouverte à la date de la rédaction de cet article. Une petite compétition s’est même engagée entre professionnels pour être le premier ! Nonobstant cette précision de contexte, quelques enseignements apparaissent d’ores et déjà quant à la mise en œuvre de
cette procédure.

La SFA : argument de coercition d’une conciliation mal engagée
La SFA a été conçue pour être le prolongement de conciliations bloquées et permettre à une majorité (aux deux tiers) de créanciers financiers d’imposer leur choix d’une solution aux établissements financiers récalcitrants mais minoritaires. La mécanique résulte donc du choix d’une majorité imposé aux minoritaires et constitue un vrai changement par rapport au contexte de la conciliation qui impose l’accord de chacun. L’évocation de la SFA et la pédagogie qui va avec, à l’occasion de négociations en conciliation, ont permis dans plusieurs cas récents de conclure in extremis des accords. Certains établissements récalcitrants se seraient même laissés «?convaincre?» de régulariser l’accord de conciliation dans le temps du délibéré du tribunal pour l’ouverture d’une SFA. L’une des utilités de la SFA semble donc résider dans le pouvoir de conviction que sa «?mécanique?» représente envers des établissements financiers minoritaires. Sa seule évocation pèse sur les débats. Ceci explique probablement pourquoi il n’y a pas eu encore de procédure ouverte. En outre, on peut présumer que l’ouverture de ce type de procédure s’inscrira dans un climat d’opposition entre des majoritaires convaincus qui imposeront leur décision à des minoritaires résistants. Ceux-ci pourraient user de toutes les voies de recours possibles afin d’échapper au choix majoritaire. Des contentieux à venir ?

SFA et cessation des paiements
Si la SFA doit être précédée d’une procédure de conciliation, elle n’en demeure pas moins soumise aux règles applicables à la sauvegarde «?classique?», à savoir en particulier l’absence de cessation des paiements. De facto, la préexistence d’une conciliation, qui tolère l’état de cessation inférieur à 45 jours, est une condition nécessaire mais pas suffisante ! Les due diligences financières sur l’état de cessation des paiements sont donc nécessaires car sa caractérisation ne rendrait plus le débiteur éligible à la SFA.
La spécificité de la situation apparaît clairement :
- L’entreprise peut être en conciliation et en état de cessation des paiements mais dans ce cas inéligible à l’ouverture d’une SFA,
- Alors même qu’elle a la quasi-certitude dès lors que la SFA serait ouverte, de faire accepter par son comité des établissements financiers un accord qui nécessairement mettra fin à l’état de cessation des paiements.
De ce point de vue, les conditions d’absence d’état de cessation à l’ouverture apparaissent comme une vraie contrainte au développement de cette procédure et il semblerait nécessaire que le législateur précise cette condition comme devant être remplie à l’adoption du plan et non plus comme une condition d’ouverture. La SFA doit demeurer un instrument de finalisation des discussions devant aboutir à un consensus général et en l’état des textes, les situations où apparaît l’état de cessation des paiements en sont exclues.

SFA et règlement européen d’insolvabilité
La SFA est-elle soluble dans le règlement communautaire ? Avec la mondialisation de la finance, il n’est pas rare que les financements structurés de groupes internationaux nécessitent eux-mêmes la constitution de pools internationaux. Or la SFA, procédure nouvelle s’il en est, ne figure pas expressément dans la liste des procédures d’insolvabilité visées par le Règlement européen. Elle semble toutefois de par sa nature juridique entrer dans le champ d’application du Règlement CE relatif aux procédures d’insolvabilité et il sera nécessaire que cette précision intervienne sauf à considérer que la SFA est une déclinaison de la procédure de sauvegarde. Interprétation périlleuse ?

SFA et crédit fournisseurs
Dans de nombreux cas de préparation de SFA, la question de la dégradation du crédit fournisseurs a été soulevée. Les équipes de restructuring connaissent l’importance de l’ouverture d’une procédure collective sur le crédit fournisseurs : elle gèle le crédit passé, mais tue le crédit post-ouverture ! Cette règle à peu près absolue, subit parfois des exceptions, très marginales. La mise en œuvre de la procédure de SFA repose sur la rapidité de son exécution, de deux mois (au maximum) pour faire voter un plan par le comité des établissements financiers. Elle n’est opposable qu’aux créanciers financiers et donc l’entreprise n’aura pas de rupture de paiement de ses fournisseurs. En l’absence d’expérience suffisante, il n’existe pas de référentiel à la perception que pourraient en avoir les fournisseurs de l’entreprise et les assureurs-crédit qui les accompagnent :
• l’ouverture d’une SFA demeure tout de même l’évolution d’une difficulté qui n’a pu être traitée par un accord de conciliation et laisse donc planer le doute sur la résorption d’un problème qui n’a pas encore été trouvée,
• dans le temps de la procédure de SFA, les fournisseurs n’auront pas forcément le temps de réagir et pourraient avoir connaissance en même temps du problème (l’ouverture de la procédure) et de la solution (l’adoption du plan). En outre, et comme cela a déjà été dit, il n’y a pas de rupture de paiement pour les fournisseurs,
• toutefois et comme on le voit à l’occasion de la publicité donnée aux accords de conciliation homologués par le tribunal, la judiciarisation des difficultés de l’entreprise déclenche a posteriori une méfiance qui peut impacter les conditions de crédit et donc accroître le BFR.
Il appartient donc à l’entreprise et à ses conseils de bâtir une communication proactive et transparente pour, avec le temps, regagner la confiance de ses partenaires. Dans l’intervalle, l’entreprise pourrait consommer de la trésorerie dans la réduction de ses encours fournisseurs. L’anticipation de besoins de financement nouveaux implique donc un travail spécifique afin d’en apprécier les risques et les montants et qui implique également le choix d’une communication vis-à-vis des partenaires commerciaux de l’entreprise. Les prochains mois verront la façon dont cette procédure peut vivre et trouver sa place dans le dispositif des différentes procédures.

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