Investir en Chine : le choc des cultures
Entretien avec
Yan Lan ,
avocat associée au bureau de Pékin,
Gide Loyrette Nouel
« Les illusions prédominent
encore chez
les investisseurs français »
Décideurs : Vous êtes présents en Chine depuis 1987. Comment se passent les relations avec l’administration ?
Yan Lan : Elles se sont toujours plutôt bien passées. Même si nous sommes sous tutelle administrative et que nous dépendons dans chaque ville du bureau de justice local, la seule réelle limitation à notre activité est une loi qui interdit aux cabinets étrangers de représenter un client devant les tribunaux.
Par ailleurs, nous avons une activité de conseil auprès des pouvoirs publics, ce qui renforce nos relations. Je la trouve passionnante : nous représentons le droit continental pour aider le législateur chinois dans l’élaboration des textes.
En fait, le gouvernement a clairement intérêt à faciliter notre installation et notre activité. Au début il existait une sorte de protectionnisme, mais aujourd’hui il a compris qu’à travers la présence de grands cabinets étrangers, les investisseurs sont rassurés et attirés.
Décideurs : Quelles sont les principales difficultés rencontrées par vos clients investisseurs français en Chine ?
Y. L. : Les principales difficultés sont tout d’abord culturelles. Elles se traduisent par les tentatives ratées de partenariat entre des entreprises des deux nationalités. L’exemple le plus probant reste le cas de la joint-venture Danone / Wahahan où la mésentente repose sur une lecture différente du contrat par rapport à la propriété du nom de la marque. (voir interview sur le sujet de la propriété intellectuelle, ndlr)
Ce n’est pas très encourageant, mais le problème vient en grande partie d’une mauvaise préparation. S’associer avec un partenaire chinois exige de se renseigner en profondeur avant, sur la manière chinoise de faire des affaires (par exemple, le jour de signature du contrat ne signifie pas la fin des négociations), mais aussi sur le background de son partenaire.
La deuxième difficulté est l’accès au marché. Il paraît infini, mais en réalité l'atteindre n’est pas simple. Les variations sont immenses entre les régions. De plus, il existe beaucoup de pratiques discriminantes pour les entreprises étrangères, difficiles à surmonter : protectionnisme régional, concurrence déloyale…
Enfin, une difficulté méconnue concerne la gestion des ressources humaines. Si l’investisseur veut que son entreprise réussisse son implantation, il faut recruter une main d’œuvre en rapport avec son activité, la former, et surtout la fidéliser. On est loin de la simple embauche à la chaîne qui est souvent imaginée.
Ainsi, il est clair que les investisseurs français ont besoin d’une meilleure préparation. Les illusions prédominent, surtout chez les PME / PMI.
Il faut être conscient des difficultés et s’appuyer sur les réseaux d’aide comme les missions économiques et les CCE.