« Cette crise aura, in fine, des impacts très positifs »
Entretien avec Bruno Deschamps,
Managing Partner, 3i
Décideurs : Les évolutions actuelles du private equity traduisent-elles un « retour aux fondamentaux » ou alors une simple pause dans son développement ?
Bruno Deschamps : Cette crise permet, le retour aux fondamentaux de cette industrie. C’est pourquoi elle aura, in fine, des impacts très positifs.
Prenons garde à ne pas noircir le tableau. Les excès de dette n’ont eu lieu qu’entre 2004 et 2007, alors que l’industrie du private equity a plus de 30 ans. Il faut plutôt se souvenir de la vraie capacité du private equity à créer de la valeur durable.
En outre, si l’effet de levier a prouvé son efficacité, il continuera mais avec des impacts plus modestes sur les rendements. Ceci n’empêchera pas les TRI de rester autour de 20 % mais ils seront dus essentiellement à des améliorations opérationnelles et stratégiques
En termes de levier, je crois que les banques et les différents acteurs sont échaudés et reviendront ensemble à des niveaux de dette raisonnables, de l’ordre de 50 % d’equity pour 50 % de dette.
Aujourd’hui, l’industrie du private equity a donc la chance de pouvoir démontrer qu’elle est un agent économique pérenne quand elle est centrée sur ses fondamentaux. Le private equity implique un engagement dans la durée et doit focaliser l’entreprise sur deux ou trois objectifs cruciaux au maximum.
Décideurs : En quoi 3i se distingue-t-il des autres fonds et comment s’adapte-t-il aux nouvelles conditions d’investissement ?
B. D. : 3i croit aux opportunités d’investissement en cette phase de cycle. À côté du buyout, notre cœur de métier a toujours été l’investissement en minoritaire, en capital croissance ou capital développement. Nous avons totalement cessé nos activités de venture capital et nous sommes recentrés sur nos activités traditionnelles de mid market qui présentent de belles opportunités.
Contrairement à beaucoup de nos concurrents qui se repositionnent sur le middle cap par défaut ou opportunisme, nous jouissons d’une véritable légitimité sur ce segment car nous y sommes présents depuis notre création en 1945.
Notre stratégie est de placer les aspects opérationnels et industriels avant les aspects purement financiers. Dans cette perspective, nous avons développé une démarche active partnership et formons en permanence nos équipes d’investissement à travers un programme spécifique, en collaboration notamment avec McKinsey.
Il permet une meilleure connaissance des leviers de gestion opérationnelle, avec un accent placé sur la gestion des coûts et l’efficacité, mais aussi sur la recherche de croissance.
Le private equity, comme les autres métiers de la finance, doit apprendre à être plus transparent. 3i en tant que société cotée y est naturellement bien préparé et est réputé pour sa transparence et sa prudence. 3i a choisi par exemple de pratiquer l’évaluation de ses portefeuilles en mark to market, c’est-à-dire à la valeur du marché boursier actuel, alors qu’il s’agit d’un métier de long terme.
Décideurs : Cette stratégie semble vous réussir…
B. D. : Nous avons su rester prudents et réaliser peu d’acquisitions en buyout entre 2005 et 2007. Dès lors, notre portefeuille résiste globalement mieux, d’autant qu’il est diversifié à travers 14 pays, industries et services.
Nous affectionnons tout particulièrement les entreprises de niche à fort potentiel de croissance, capables de mettre en œuvre une stratégie de consolidation de marché.
Labco en France et Quintiles aux États-Unis sont d’excellents exemples de sociétés en pleine expansion auxquelles 3i apporte toute son expertise internationale. Cette dimension nous permet de bénéficier du dynamisme des marchés émergents, comme en Inde où nous avons récemment réalisé des investissements en infrastructures.