Par Bernard Lamorlette, avocat associé. LVI Avocats Associés
Contentieux de l’urbanisme?: enfin un texte dédié?!
Consécutive au rapport Labetoulle présenté en avril dernier, l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme modifie assez profondément le chapitre du code de l’urbanisme consacré aux dispositions contentieuses.
Depuis la décentralisation du droit de l’urbanisme et de l’aménagement intervenue par deux lois de 1983 à 1985, ces matières n’ont cessé de générer un contentieux administratif de plus en plus important. Il constitue aujourd’hui l’un des contentieux majeurs du droit administratif, à la fois quant à la légalité des actes mais aussi dans le cadre du contentieux de la responsabilité des collectivités publiques.
Un premier rapport rendu par le Conseil d’État en 1991 révélait déjà l’ampleur de ce contentieux inflationniste et proposait un certain nombre de dispositions législatives et réglementaires pour le juguler.
Ainsi, en février?1994, une première disposition encadrait le contentieux de l’urbanisme généré par la théorie de l’exception de l’illégalité.
En août?1994, une autre disposition célèbre était introduite dans le code de l’urbanisme : la notification obligatoire en recommandée AR, par le requérant lui-même, pour des recours formés contre les permis et les documents d’urbanisme.
En décembre?2000, une disposition de procédure faisait obligation au juge administratif de se prononcer sur chacun des moyens susceptibles de conduire à une annulation d’un acte administratif en matière d’urbanisme : il s’agissait alors de connaître parfaitement les causes d’annulation pour corriger, le cas échéant, un projet qui avait été estimé illégal par le juge. En juillet?2006, la loi permettait au même juge administratif de favoriser les annulations partielles sous certaines conditions.
Par la même loi du 13?juillet 2006, le législateur entendait rendre irrecevable toute action contentieuse d’une association créée postérieurement à l’affichage en mairie d’une demande de permis.
Mais ces mesures demeuraient en grande partie inefficace, ce d’autant que la Cour de Cassation s’interdisait d’élargir la notion de recours abusif pour en sanctionner pécuniairement ses auteurs.
De sorte que la ministre du Logement en février?2013 missionnait un groupe de travail pour la préparation de nouvelles dispositions à insérer dans le code de l’urbanisme, ayant pour objet de circonscrire davantage encore les causes de ce contentieux.
Le rapport remis par M. Labetoulle (conseiller d’État honoraire et coordonnateur du rapport précité de 1991), en avril dernier, propose sept mesures relativement radicales dans le cadre de la loi du 1er?juillet 2013, habilitant le gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets immobiliers et, après le double avis rendu début juillet?2013 par le Comité des finances locales et par le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel, l’ordonnance (n°?2013-638) intégralement dédiée aux contentieux de l’urbanisme a été prise le 18?juillet dernier, publiée au JO du 19?juillet et est entrée en vigueur depuis le 19?août.
Parmi ces mesures on peut, d’une part, identifier celles qui concernent les requérants et leurs requêtes et, d’autre part les mesure davantage procédurales mises à la disposition du juge administratif.
En premier lieu, à l'égard des riverains requérants, le texte limite la recevabilité de leurs actions contre les différents permis (de construire, de démolir, d’aménager), à ceux dont les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance sont susceptibles d’être directement affectés par les travaux envisagés.
Par ailleurs, pour éviter les domiciliations de circonstance, la loi fait obligation au juge d’apprécier désormais l’intérêt pour agir des requérants à la date d’affichage en mairie de la demande du permis de construire.
En second lieu, et en cas de signature d’un protocole transactionnel entre le titulaire d’un permis et un ou plusieurs requérants, portant sur le versement d’une somme et/ou l’octroi d’un avantage en nature, un tel protocole devra être soumis à l’enregistrement dans le délai de 30 jours à compter de sa signature (en l’état, cet acte se trouve exonéré de l’imposition forfaitaire de 125?euros).
Sans enregistrement, le bénéficiaire des sommes versées ou avantages reçus pourra, durant une période de cinq ans, encourir le risque d’un remboursement ou d’une restitution.
Il s’agit ainsi de solenniser les transactions conclues et d’inscrire progressivement les montants ainsi versés dans le cadre d’une imposition fiscale à laquelle leurs bénéficiaires seront assujettis.
Sur le plan procédural, l'ordonnance introduit plusieurs dispositions
Désormais, le juge susceptible de prononcer une simple annulation partielle d’un permis pourra également fixer un délai dans lequel le titulaire du permis attaqué pourra en demander la régularisation. Et ceci, via un permis de construire modificatif.
Un sursis à statuer pourra également être prononcé jusqu’à l’expiration du délai que le juge aura fixé pour une telle régularisation.
Enfin, le juge de la légalité, saisi d’une demande d’annulation d’un permis, pourra également allouer des dommages et intérêts au titulaire de l’autorisation attaquée lorsque le droit d’ester en justice sera susceptible de lui causer un préjudice excessif.
Pour cela, un mémoire distinct devra être introduit à cette fin, devant le même juge et ne pourra intervenir qu’au stade de l’appel.
Pour autant, il importe de préciser que le soin apporté tant à la rédaction des dispositions des plans de l’urbanisme que celui mis à l’élaboration des dossiers de demande de permis devrait ici encore limiter les sources contentieuses de ce droit administratif spécialisé.
Gageons que pour les trente ans de l’urbanisme décentralisé cette nouvelle réforme soit enfin la bonne !
Depuis la décentralisation du droit de l’urbanisme et de l’aménagement intervenue par deux lois de 1983 à 1985, ces matières n’ont cessé de générer un contentieux administratif de plus en plus important. Il constitue aujourd’hui l’un des contentieux majeurs du droit administratif, à la fois quant à la légalité des actes mais aussi dans le cadre du contentieux de la responsabilité des collectivités publiques.
Un premier rapport rendu par le Conseil d’État en 1991 révélait déjà l’ampleur de ce contentieux inflationniste et proposait un certain nombre de dispositions législatives et réglementaires pour le juguler.
Ainsi, en février?1994, une première disposition encadrait le contentieux de l’urbanisme généré par la théorie de l’exception de l’illégalité.
En août?1994, une autre disposition célèbre était introduite dans le code de l’urbanisme : la notification obligatoire en recommandée AR, par le requérant lui-même, pour des recours formés contre les permis et les documents d’urbanisme.
En décembre?2000, une disposition de procédure faisait obligation au juge administratif de se prononcer sur chacun des moyens susceptibles de conduire à une annulation d’un acte administratif en matière d’urbanisme : il s’agissait alors de connaître parfaitement les causes d’annulation pour corriger, le cas échéant, un projet qui avait été estimé illégal par le juge. En juillet?2006, la loi permettait au même juge administratif de favoriser les annulations partielles sous certaines conditions.
Par la même loi du 13?juillet 2006, le législateur entendait rendre irrecevable toute action contentieuse d’une association créée postérieurement à l’affichage en mairie d’une demande de permis.
Mais ces mesures demeuraient en grande partie inefficace, ce d’autant que la Cour de Cassation s’interdisait d’élargir la notion de recours abusif pour en sanctionner pécuniairement ses auteurs.
De sorte que la ministre du Logement en février?2013 missionnait un groupe de travail pour la préparation de nouvelles dispositions à insérer dans le code de l’urbanisme, ayant pour objet de circonscrire davantage encore les causes de ce contentieux.
Le rapport remis par M. Labetoulle (conseiller d’État honoraire et coordonnateur du rapport précité de 1991), en avril dernier, propose sept mesures relativement radicales dans le cadre de la loi du 1er?juillet 2013, habilitant le gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets immobiliers et, après le double avis rendu début juillet?2013 par le Comité des finances locales et par le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel, l’ordonnance (n°?2013-638) intégralement dédiée aux contentieux de l’urbanisme a été prise le 18?juillet dernier, publiée au JO du 19?juillet et est entrée en vigueur depuis le 19?août.
Parmi ces mesures on peut, d’une part, identifier celles qui concernent les requérants et leurs requêtes et, d’autre part les mesure davantage procédurales mises à la disposition du juge administratif.
En premier lieu, à l'égard des riverains requérants, le texte limite la recevabilité de leurs actions contre les différents permis (de construire, de démolir, d’aménager), à ceux dont les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance sont susceptibles d’être directement affectés par les travaux envisagés.
Par ailleurs, pour éviter les domiciliations de circonstance, la loi fait obligation au juge d’apprécier désormais l’intérêt pour agir des requérants à la date d’affichage en mairie de la demande du permis de construire.
En second lieu, et en cas de signature d’un protocole transactionnel entre le titulaire d’un permis et un ou plusieurs requérants, portant sur le versement d’une somme et/ou l’octroi d’un avantage en nature, un tel protocole devra être soumis à l’enregistrement dans le délai de 30 jours à compter de sa signature (en l’état, cet acte se trouve exonéré de l’imposition forfaitaire de 125?euros).
Sans enregistrement, le bénéficiaire des sommes versées ou avantages reçus pourra, durant une période de cinq ans, encourir le risque d’un remboursement ou d’une restitution.
Il s’agit ainsi de solenniser les transactions conclues et d’inscrire progressivement les montants ainsi versés dans le cadre d’une imposition fiscale à laquelle leurs bénéficiaires seront assujettis.
Sur le plan procédural, l'ordonnance introduit plusieurs dispositions
Désormais, le juge susceptible de prononcer une simple annulation partielle d’un permis pourra également fixer un délai dans lequel le titulaire du permis attaqué pourra en demander la régularisation. Et ceci, via un permis de construire modificatif.
Un sursis à statuer pourra également être prononcé jusqu’à l’expiration du délai que le juge aura fixé pour une telle régularisation.
Enfin, le juge de la légalité, saisi d’une demande d’annulation d’un permis, pourra également allouer des dommages et intérêts au titulaire de l’autorisation attaquée lorsque le droit d’ester en justice sera susceptible de lui causer un préjudice excessif.
Pour cela, un mémoire distinct devra être introduit à cette fin, devant le même juge et ne pourra intervenir qu’au stade de l’appel.
Pour autant, il importe de préciser que le soin apporté tant à la rédaction des dispositions des plans de l’urbanisme que celui mis à l’élaboration des dossiers de demande de permis devrait ici encore limiter les sources contentieuses de ce droit administratif spécialisé.
Gageons que pour les trente ans de l’urbanisme décentralisé cette nouvelle réforme soit enfin la bonne !