Entretien avec Raymond Van der Putten, économiste spécialiste du Japon, BNP Paribas« La crise actuelle ressemble à la précédente par ses effets, mais pas par ses causes »

Entretien avec
Raymond Van der Putten,
économiste spécialiste du Japon, BNP Paribas

« La crise actuelle ressemble à la
précédente par
ses effets, mais
pas par ses causes »

Décideurs : Quelles sont les différences avec la crise des années 90 au Japon ?
Raymond Van der Putten : La crise japonaise des années 1990 était le résultat de l’éclatement d’une double bulle, immobilière et boursière. Le prix du terrain sur lequel se situe le Palais impérial de Tokyo aurait à l’époque permis d’acheter toute la Californie.

Lorsque les investisseurs ont pris la mesure de cet emballement irrationnel, le nikkei a plongé et les bilans des sociétés se sont très vite détériorés. En réaction, les entreprises et les ménages ont donné la priorité à la réduction de leur endettement.

La crise actuelle ressemble à la précédente par ses effets, mais pas par ses causes. Cette fois-ci, l’éclatement de la bulle immobilière a commencé aux États-Unis et au Royaume-Uni. Les effets de la crise mondiale sur les exportations japonaises ont de nouveau entraîné l’économie nippone dans le marasme.
Les situations du Japon et de l’Allemagne sont assez comparables. Les deux pays ont des secteurs manufacturiers très performants. Aujourd’hui, ils sont les victimes collatérales d’une crise qui les atteint de plein fouet, impliqués dans l’accident général à cause de cette dépendance aux exportations.

Décideurs : Quelle menace représente la dette publique ?
R. Van der P. : La dette publique est élevée : 180 % du PIB. Toutefois, le Japon n’a pas de problème pour la financer. Le pays est en déflation, les taux d’intérêts sont bas, d’où de faibles charges de la dette.
De plus, la population japonaise a une aversion pour le risque et investit surtout, directement ou indirectement, dans les titres d’État.
Enfin, avec une économie en berne, ce serait une mauvaise initiative politique que de vouloir à tout prix réduire la dette. Cela risquerait de faire retomber le pays dans la récession alors qu’il en sort à peine.
Il faut ajouter que le pays a une mauvaise expérience à ce sujet. Dans les années 97?/?98, le gouvernement Hashimoto a essayé de diminuer le déficit, mais cela n’a eu comme résultat que de plonger l’économie dans la récession.

Décideurs : Vous êtes donc plutôt optimiste pour l’avenir économique du Japon ?
R. Van der P. : À court terme, nous restons assez pessimistes sur le Japon. Son économie a montré une forte dépendance aux exportations et donc à la demande mondiale. L’embellie actuelle de l’activité ne pourra être durable sans une demande interne plus dynamique. Cette condition nous semble difficile à réaliser compte tenu de la dégradation du marché du travail, de la baisse des taux des salaires, et des contraintes qui pèsent sur les finances publiques.

Surtout, la montée du chômage est impressionnante (5,7 % en juillet). D’autant que les chiffres cachent en partie la réalité puisque l’État accorde des subventions aux entreprises pour qu’elles conservent leurs salariés. Si les entreprises et les ménages ne se remettent pas à consommer, son avance technologique ne sauvera pas le Japon.

Ce qui est encourageant, c’est que les aides gouvernementales concernent en priorité les secteurs prometteurs. Dans l’automobile par exemple, les soutiens vont aux véhicules verts. Ceci prouve donc la volonté, très positive, de favoriser une mutation économique ainsi qu’une restructuration du tissu industriel durable.

Décideurs : Qu’est-ce qui vous semble être la priorité pour relancer la demande interne ?
R. Van der P. : Pour relancer la consommation, une stabilisation du marché du travail et un renforcement de la confiance des ménages sont primordiaux. Une piste possible reste la sauvegarde des régimes de retraite et de santé, en combinaison avec des incitations à l’activité des seniors. Cela devrait permettre à la population de diminuer les épargnes personnelles.

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