Par Florence Lafforgue, managing director. Accenture
Les entreprises en quête d’agilité financière sont tentées de tourner la page des budgets annuels
Face à une conjoncture économique incertaine, les directeurs financiers cherchent d’abord et avant tout à disposer d’un bilan solide. Ils sanctuarisent les réserves de liquidités. Mais ces dernières ne constituent pas la seule voie. Pour améliorer leur agilité financière, les directeurs financiers disposent d’autres armes. État des lieux.
Demandez à des directeurs financiers comment ils gèrent les incertitudes de la conjoncture économique et vous obtiendrez quasiment toujours la même réponse : grâce à un bilan solide. Le Wall Street Journal a ainsi indiqué l’an passé que les liquidités représentaient plus de 7?% des actifs des entreprises, leur plus haut niveau depuis 1963. En avril?2012, Apple arrivait en tête des champions ès liquidités, avec une réserve de près de 100?milliards de dollars. Pfizer affichait pour sa part 35?milliards de dollars et General Motors, près de 32?milliards de dollars.
Les liquidités rassurent
Les réserves de liquidités ne constituent toutefois que l’un des quatre leviers de l’agilité financière. Selon Accenture, la planification de scénarios, qui permet de définir à la fois une stratégie et un mode de direction, ainsi que les compétences analytiques nécessaires à leur mise en œuvre et la variabilité des structures de coûts se révèlent particulièrement essentielles dans un climat toujours plus incertain.
Les entreprises accumulent les liquidités pour plusieurs raisons. Premièrement, les directeurs financiers ne comptent plus sur l’aide des banques. Ils peuvent en revanche citer des centaines d’exemples d’arrêt brutal des lignes de crédit. «?Les liquidités que je peux contrôler sont ce dont j’ai besoin pour me sentir à l’aise dans le contexte actuel?», nous a confié récemment l’un de ces dirigeants. Elles aident à se prémunir contre les périodes difficiles et les revers du marché, mais également à saisir les opportunités qui se présentent. Elles permettent notamment aux entreprises de réagir rapidement face à d’éventuelles acquisitions.
Au vu des positions de bilan actuelles, on peut se demander si cette «?poche de liquidités?» est appelée à perdurer. Les chefs d’entreprise devraient peut-être arrêter de considérer les réserves de liquidités comme une aberration qui disparaîtra avec le retour à la «?normale?» de l’économie. D’importants niveaux de liquidités pourraient finalement se révéler indispensables pour répondre à une situation économique soumise à une instabilité constante. Reste à savoir s’ils deviendront la nouvelle norme.
Et si… ?
Les cadres financiers des entreprises les plus agiles ne ménagent pas leurs efforts pour améliorer leur aptitude à gérer les risques. Ils élaborent des modèles de planification de scénarios en fonction des différentes situations qu’ils estiment les plus à même de se produire – d’une brusque flambée des prix du pétrole à une sensibilité accrue des consommateurs aux prix. L’aspect «?planification?» suppose d’apporter des réponses détaillées à chaque scénario et d’identifier clairement les ressources, les rôles et les responsabilités.
Les entreprises les plus performantes s’attachent à mettre en place des équipes dédiées. Ainsi, chez un grand opérateur énergétique américain, les efforts ont été recentrés sur les scénarios de planification les plus importants. Résultat : des scénarios et des réponses plus clairs que ceux obtenus jusqu’ici par des équipes moins bien organisées. D’une manière générale, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à revoir leurs processus de planification et de prévision afin d’affiner leur vision globale et de gagner en flexibilité. Plusieurs d’entre elles ont choisi d’accélérer leurs cycles de planification et privilégient désormais les roulements trimestriels et d’autres prévisions à court terme aux plans annuels.
«?Les budgets annuels sont morts?», nous a déclaré un directeur financier. «?Nous en établissions il y a encore dix ans, mais nous passions la moitié de l’année à les négocier et à les planifier. Puis, nous avons fini par nous rendre compte que nous devions les mettre à jour dès le deuxième trimestre. Pendant la crise, nous ne prenions des engagements que sur deux trimestres. Nous avons ensuite opté pour des mises à jour mensuelles, puis hebdomadaires. À un moment, nous surveillions même nos comptes clients tous les jours pour voir dans quel sens évoluaient les tendances. Nous avons abandonné cette pratique, mais nous nous appuyons désormais sur des prévisions glissantes sur 15 mois?». Compte tenu de la fréquence à laquelle ont désormais lieu ces revues et ces reportings, les entreprises les plus agiles investissent davantage dans l’analyse des tendances, des anomalies et des données de marché externes – ainsi, bien sûr, que dans les outils technologiques nécessaires pour traiter ces données, les analyser et produire des rapports.
Réduire les capitaux engagés
En renforçant la veille stratégique et en travaillant au sein même des unités de l’entreprise, les équipes financières gèrent plus efficacement le fonds de roulement à des fins stratégiques. À titre d’exemple, un fabricant électronique d’Europe méridionale a récemment augmenté sa part de marché en proposant des conditions de crédit avantageuses à des distributeurs sélectionnés au préalable pour leur solidité financière – alors même que ses concurrents durcissaient au contraire leurs conditions de crédit pour diminuer les risques.
La fonction finance devient également plus pointue dans l’évaluation des performances de l’entreprise. La compréhension des coûts de service réels et l’analyse des tendances prix pour optimiser les bénéfices générés par des actifs ou produits spécifiques deviennent essentielles. Afin de pouvoir déboucher sur une vision globale et étayer les décisions, ces efforts doivent s’appuyer sur des outils de mesure précis et dynamiques. La variabilité des structures de coûts constitue une autre caractéristique de l’agilité financière. Les équipes financières des meilleures entreprises s’attachent à réduire les capitaux engagés ou immobilisés et à accroître les dépenses discrétionnaires et d’investissement, en n’hésitant pas à recourir à l’externalisation. «?Au départ, nous avons choisi l’externalisation pour une question d’arbitrage des coûts de main-d’œuvre, mais aujourd’hui, c’est surtout pour bénéficier d’une plus grande flexibilité dans nos structures de coûts?», souligne un directeur financier. Pour les directeurs financiers les plus performants, ces quatre leviers sont le fondement même de l’agilité financière.
Demandez à des directeurs financiers comment ils gèrent les incertitudes de la conjoncture économique et vous obtiendrez quasiment toujours la même réponse : grâce à un bilan solide. Le Wall Street Journal a ainsi indiqué l’an passé que les liquidités représentaient plus de 7?% des actifs des entreprises, leur plus haut niveau depuis 1963. En avril?2012, Apple arrivait en tête des champions ès liquidités, avec une réserve de près de 100?milliards de dollars. Pfizer affichait pour sa part 35?milliards de dollars et General Motors, près de 32?milliards de dollars.
Les liquidités rassurent
Les réserves de liquidités ne constituent toutefois que l’un des quatre leviers de l’agilité financière. Selon Accenture, la planification de scénarios, qui permet de définir à la fois une stratégie et un mode de direction, ainsi que les compétences analytiques nécessaires à leur mise en œuvre et la variabilité des structures de coûts se révèlent particulièrement essentielles dans un climat toujours plus incertain.
Les entreprises accumulent les liquidités pour plusieurs raisons. Premièrement, les directeurs financiers ne comptent plus sur l’aide des banques. Ils peuvent en revanche citer des centaines d’exemples d’arrêt brutal des lignes de crédit. «?Les liquidités que je peux contrôler sont ce dont j’ai besoin pour me sentir à l’aise dans le contexte actuel?», nous a confié récemment l’un de ces dirigeants. Elles aident à se prémunir contre les périodes difficiles et les revers du marché, mais également à saisir les opportunités qui se présentent. Elles permettent notamment aux entreprises de réagir rapidement face à d’éventuelles acquisitions.
Au vu des positions de bilan actuelles, on peut se demander si cette «?poche de liquidités?» est appelée à perdurer. Les chefs d’entreprise devraient peut-être arrêter de considérer les réserves de liquidités comme une aberration qui disparaîtra avec le retour à la «?normale?» de l’économie. D’importants niveaux de liquidités pourraient finalement se révéler indispensables pour répondre à une situation économique soumise à une instabilité constante. Reste à savoir s’ils deviendront la nouvelle norme.
Et si… ?
Les cadres financiers des entreprises les plus agiles ne ménagent pas leurs efforts pour améliorer leur aptitude à gérer les risques. Ils élaborent des modèles de planification de scénarios en fonction des différentes situations qu’ils estiment les plus à même de se produire – d’une brusque flambée des prix du pétrole à une sensibilité accrue des consommateurs aux prix. L’aspect «?planification?» suppose d’apporter des réponses détaillées à chaque scénario et d’identifier clairement les ressources, les rôles et les responsabilités.
Les entreprises les plus performantes s’attachent à mettre en place des équipes dédiées. Ainsi, chez un grand opérateur énergétique américain, les efforts ont été recentrés sur les scénarios de planification les plus importants. Résultat : des scénarios et des réponses plus clairs que ceux obtenus jusqu’ici par des équipes moins bien organisées. D’une manière générale, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à revoir leurs processus de planification et de prévision afin d’affiner leur vision globale et de gagner en flexibilité. Plusieurs d’entre elles ont choisi d’accélérer leurs cycles de planification et privilégient désormais les roulements trimestriels et d’autres prévisions à court terme aux plans annuels.
«?Les budgets annuels sont morts?», nous a déclaré un directeur financier. «?Nous en établissions il y a encore dix ans, mais nous passions la moitié de l’année à les négocier et à les planifier. Puis, nous avons fini par nous rendre compte que nous devions les mettre à jour dès le deuxième trimestre. Pendant la crise, nous ne prenions des engagements que sur deux trimestres. Nous avons ensuite opté pour des mises à jour mensuelles, puis hebdomadaires. À un moment, nous surveillions même nos comptes clients tous les jours pour voir dans quel sens évoluaient les tendances. Nous avons abandonné cette pratique, mais nous nous appuyons désormais sur des prévisions glissantes sur 15 mois?». Compte tenu de la fréquence à laquelle ont désormais lieu ces revues et ces reportings, les entreprises les plus agiles investissent davantage dans l’analyse des tendances, des anomalies et des données de marché externes – ainsi, bien sûr, que dans les outils technologiques nécessaires pour traiter ces données, les analyser et produire des rapports.
Réduire les capitaux engagés
En renforçant la veille stratégique et en travaillant au sein même des unités de l’entreprise, les équipes financières gèrent plus efficacement le fonds de roulement à des fins stratégiques. À titre d’exemple, un fabricant électronique d’Europe méridionale a récemment augmenté sa part de marché en proposant des conditions de crédit avantageuses à des distributeurs sélectionnés au préalable pour leur solidité financière – alors même que ses concurrents durcissaient au contraire leurs conditions de crédit pour diminuer les risques.
La fonction finance devient également plus pointue dans l’évaluation des performances de l’entreprise. La compréhension des coûts de service réels et l’analyse des tendances prix pour optimiser les bénéfices générés par des actifs ou produits spécifiques deviennent essentielles. Afin de pouvoir déboucher sur une vision globale et étayer les décisions, ces efforts doivent s’appuyer sur des outils de mesure précis et dynamiques. La variabilité des structures de coûts constitue une autre caractéristique de l’agilité financière. Les équipes financières des meilleures entreprises s’attachent à réduire les capitaux engagés ou immobilisés et à accroître les dépenses discrétionnaires et d’investissement, en n’hésitant pas à recourir à l’externalisation. «?Au départ, nous avons choisi l’externalisation pour une question d’arbitrage des coûts de main-d’œuvre, mais aujourd’hui, c’est surtout pour bénéficier d’une plus grande flexibilité dans nos structures de coûts?», souligne un directeur financier. Pour les directeurs financiers les plus performants, ces quatre leviers sont le fondement même de l’agilité financière.