Jean-Christophe Caffet analyse l’impact de la crise des dettes souveraines sur l’investissement immobilier.
Entretien avec Jean-Christophe Caffet, économiste zone euro / France chez Natixis
Décideurs. Le dénouement de la crise des dettes souveraines tarde à se dessiner. Où en est-on selon vous aujourd’hui ?
Jean-Christophe Caffet. Nous entrons à peine dans une phase de ralentissement qui s’annonce d’autant plus prononcé que la France est obligée de consolider au même moment ses finances publiques. La crise a provoqué un accroissement très important des besoins de financement de l’État, dont le déficit a atteint 7 points de PIB en 2010. Il nous faut désormais résorber ce déficit, et ce d’autant plus rapidement que les investisseurs, notamment les investisseurs non-résidents, nourrissent des doutes sur la qualité des dettes publiques européennes. Il ne faut donc pas s’attendre, en l’état actuel des choses, à une amélioration significative de la situation en 2012.
Décideurs. Quel est, selon vous, l’impact de la crise des dettes souveraines sur l’investissement ?
J.-C. C. L’impact sera probablement très fort. Tout d’abord via un effet direct sur les perspectives d’activité : un cercle vicieux s’est en effet enclenché, où toute nouvelle révision à la baisse des prévisions de croissance appelle une nouvelle cure d’austérité qui déprime à nouveau l’activité. La plupart des pays européens mènent en outre la même politique au même moment, ce qui pèse d’autant plus sur la croissance. À cela s’ajoutent les incertitudes sur l’octroi de crédit bancaire. Selon les dernières estimations disponibles, les banques françaises détiendraient plus de 80 Mds d’euros de titres de dette publique des pays du « Sud » (Espagne, Portugal, Grèce, Italie), près de 200 Mds en comptant la France. La défiance des marchés à leur égard est donc très forte, comme le montre l’évolution de leurs cours boursiers et de leurs coûts de financement, avec un spread de l’ordre de 250 points de base contre swap de leur dette senior à cinq ans. Il en est de même s’agissant plus particulièrement du marché immobilier, avec des émissions d’obligations sécurisées (covered bonds) atteignant des niveaux de spread similaires à ceux qui prévalaient juste après la faillite de Lehman.
Décideurs. Comment se situe la France dans cette crise ?
J.-C. C. La situation est particulièrement alarmante pour les économies qui sont restées très dépendantes du crédit et dont la France fait malheureusement partie. Pour simplifier, on peut distinguer trois types d’économies au sein de la zone euro : les économies qui n’avaient pas ou peu eu recours au crédit avant la crise, c’est le cas de l’Allemagne et des pays dits du « Nord ». En face, parmi les économies dites du « Sud » qui ont été fortement soutenues par le crédit, on peut distinguer deux catégories de pays. Ceux où les ajustements ont eu lieu, ou sont en cours, depuis le début de la crise, comme par exemple l’Espagne, et ceux où les ajustements se font toujours attendre, comme la France et l’Italie. On comprend intuitivement que ces derniers sont particulièrement vulnérables en cas de credit crunch et risquent donc de souffrir au cours de l’année à venir.
Décideurs. Quelles sont les perspectives pour le secteur de l’immobilier ?
J.-C. C. En ce qui concerne l’immobilier commercial, dont les perspectives sont étroitement corrélées aux perspectives d’activité, il est assez difficile d’être optimiste. La profitabilité des entreprises françaises reste en effet très faible, avec un taux de marge toujours inférieur de trois points à son niveau d’avant-crise, tandis que l’amélioration tendancielle des bilans observée au cours des quinze dernières années a été, au moins partiellement, effacée. Une nouvelle fermeture des lignes de crédit pourrait donc faire s’envoler les faillites, sans que l’État puisse de nouveau intervenir pour soutenir les trésoreries comme il l’avait fait fin 2008. En ce qui concerne l’immobilier résidentiel, dont les prix ont fortement progressé au cours des 18 derniers mois, on est clairement rentré dans une zone de surévaluation. Nous prévoyons un cycle d’ajustement non pas brutal, comme ce fut le cas sur les marchés américains ou espagnols, mais assez long, nos modélisations suggérant une baisse des prix de l’ordre de 3-4 % par an à l’horizon 2015. Ce dernier point, couplé à la raréfaction du crédit, fait peser un risque non négligeable sur la construction de logements neufs, notamment à court terme étant donné que les stocks d’invendus ont tendance à remonter.
Jean-Christophe Caffet. Nous entrons à peine dans une phase de ralentissement qui s’annonce d’autant plus prononcé que la France est obligée de consolider au même moment ses finances publiques. La crise a provoqué un accroissement très important des besoins de financement de l’État, dont le déficit a atteint 7 points de PIB en 2010. Il nous faut désormais résorber ce déficit, et ce d’autant plus rapidement que les investisseurs, notamment les investisseurs non-résidents, nourrissent des doutes sur la qualité des dettes publiques européennes. Il ne faut donc pas s’attendre, en l’état actuel des choses, à une amélioration significative de la situation en 2012.
Décideurs. Quel est, selon vous, l’impact de la crise des dettes souveraines sur l’investissement ?
J.-C. C. L’impact sera probablement très fort. Tout d’abord via un effet direct sur les perspectives d’activité : un cercle vicieux s’est en effet enclenché, où toute nouvelle révision à la baisse des prévisions de croissance appelle une nouvelle cure d’austérité qui déprime à nouveau l’activité. La plupart des pays européens mènent en outre la même politique au même moment, ce qui pèse d’autant plus sur la croissance. À cela s’ajoutent les incertitudes sur l’octroi de crédit bancaire. Selon les dernières estimations disponibles, les banques françaises détiendraient plus de 80 Mds d’euros de titres de dette publique des pays du « Sud » (Espagne, Portugal, Grèce, Italie), près de 200 Mds en comptant la France. La défiance des marchés à leur égard est donc très forte, comme le montre l’évolution de leurs cours boursiers et de leurs coûts de financement, avec un spread de l’ordre de 250 points de base contre swap de leur dette senior à cinq ans. Il en est de même s’agissant plus particulièrement du marché immobilier, avec des émissions d’obligations sécurisées (covered bonds) atteignant des niveaux de spread similaires à ceux qui prévalaient juste après la faillite de Lehman.
Décideurs. Comment se situe la France dans cette crise ?
J.-C. C. La situation est particulièrement alarmante pour les économies qui sont restées très dépendantes du crédit et dont la France fait malheureusement partie. Pour simplifier, on peut distinguer trois types d’économies au sein de la zone euro : les économies qui n’avaient pas ou peu eu recours au crédit avant la crise, c’est le cas de l’Allemagne et des pays dits du « Nord ». En face, parmi les économies dites du « Sud » qui ont été fortement soutenues par le crédit, on peut distinguer deux catégories de pays. Ceux où les ajustements ont eu lieu, ou sont en cours, depuis le début de la crise, comme par exemple l’Espagne, et ceux où les ajustements se font toujours attendre, comme la France et l’Italie. On comprend intuitivement que ces derniers sont particulièrement vulnérables en cas de credit crunch et risquent donc de souffrir au cours de l’année à venir.
Décideurs. Quelles sont les perspectives pour le secteur de l’immobilier ?
J.-C. C. En ce qui concerne l’immobilier commercial, dont les perspectives sont étroitement corrélées aux perspectives d’activité, il est assez difficile d’être optimiste. La profitabilité des entreprises françaises reste en effet très faible, avec un taux de marge toujours inférieur de trois points à son niveau d’avant-crise, tandis que l’amélioration tendancielle des bilans observée au cours des quinze dernières années a été, au moins partiellement, effacée. Une nouvelle fermeture des lignes de crédit pourrait donc faire s’envoler les faillites, sans que l’État puisse de nouveau intervenir pour soutenir les trésoreries comme il l’avait fait fin 2008. En ce qui concerne l’immobilier résidentiel, dont les prix ont fortement progressé au cours des 18 derniers mois, on est clairement rentré dans une zone de surévaluation. Nous prévoyons un cycle d’ajustement non pas brutal, comme ce fut le cas sur les marchés américains ou espagnols, mais assez long, nos modélisations suggérant une baisse des prix de l’ordre de 3-4 % par an à l’horizon 2015. Ce dernier point, couplé à la raréfaction du crédit, fait peser un risque non négligeable sur la construction de logements neufs, notamment à court terme étant donné que les stocks d’invendus ont tendance à remonter.