Par Hervé Zapf et Betty Toulemont, avocats associés. TZA
Apport partiel d’actifs?: sort des reprises de provisions constituées par l’apporteuse
Par sa décision Oddo et Cie, n°356382 du 25?septembre 2013, le Conseil d’État fixe le régime des reprises, par la société bénéficiaire d’un apport partiel d’actifs, de provisions non déductibles fiscalement constituées par la société apporteuse.
Par un acte en date du 30?mai 1997, avec effet rétroactif au 1er?janvier 1997, la société Banque Robeco (aux droits de laquelle vient la société Oddo et Cie) a bénéficié d’un apport partiel d’actifs de la part de la société groupe Robeco, placé sous le régime de droit commun. La société apporteuse avait constitué des provisions pour licenciement, pour restructuration et pour modification de structure qu’elle avait réintégrées dans son résultat fiscal. La société bénéficiaire de l’apport a inscrit ces provisions au passif de son bilan, puis elle a déduit de manière extra-comptable les reprises de ces provisions. L’administration fiscale a remis en cause ces déductions extra- comptables, considérant, sur le fondement de la théorie jurisprudentielle du prix d’acquisition que ces provisions avaient été prises en compte dans l’évaluation de l’apport. Ce redressement a été validé par la cour administrative d’appel de Paris par un arrêt du 1er?décembre 2011.
La théorie jurisprudentielle du prix d’acquisition
En cas de fusion ou d’apport partiel d’actif, la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée ou apporteuse à la société absorbante ou bénéficiaire entraîne pour cette dernière l’obligation de supporter des charges inhérentes à la gestion de la société absorbée. La théorie du prix d’acquisition interdit à l’absorbante de déduire les charges nées chez l’absorbée dans la mesure où les dettes de cette dernière ont nécessairement été intégrées dans le calcul de son prix d’acquisition. Cette théorie résulte ainsi d’une analyse purement économique de l’opération selon laquelle les parties ont retenu des valeurs représentant la situation réelle de la société absorbée à date de la fusion ou de l’apport. Cette théorie s’applique aussi bien aux charges qui étaient prévisibles à la date d’effet de l’opération qu’aux dettes nées à cette date. En revanche, les charges nées postérieurement à la date d’effet de la fusion ou les dettes non prévisibles, dans la mesure où elles n’ont pu être prises en compte pour le calcul du prix d’acquisition sont déductibles du résultat fiscal de la société absorbante ou bénéficiaire de l’apport. Par ailleurs, lorsque la charge ou la perte est née pendant la période intercalaire (c’est-à-dire entre la date de la conclusion définitive de la fusion ou de l’apport partiel d’actif et la date d’effet de l’opération), elle est considérée comme n’ayant pas été prise en compte dans le calcul du prix d’acquisition et est donc réputée comme ayant été supportée par l’absorbante ou la bénéficiaire de l’apport.
Application à des reprises de provisions non déductibles
Par sa décision société Oddo et Cie, le Conseil d’État a rejeté le pourvoi du contribuable et a donc confirmé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 1er?décembre 2011, considérant ainsi que les provisions litigieuses avaient été prises en compte dans l’actif net apporté et en avaient diminué la valeur d’acquisition si bien que leur reprise par la société bénéficiaire de l’apport ne pouvait donner lieu à une déduction extra-comptable.
Cette position du Conseil d’État ne représente d’ailleurs pas une surprise au regard de sa jurisprudence antérieure. En premier lieu, il paraît évident qu’une provision entre bien dans le champ de la théorie jurisprudentielle du prix d’acquisition dans la mesure où elle constitue bien une dette de la société absorbée ou apporteuse, son absence de caractère certain ne représentant nullement un obstacle. En effet, la haute juridiction par une décision Société Gustave Muller, n°285629 en date du 6?juin 2008 avait défini le passif à retenir dans le prix d’acquisition de manière très large, jugeant que «?la société issue de la fusion ou bénéficiaire de l'apport est tenue de prendre en charge l'intégralité du passif transmis en contrepartie de l'actif recueilli et regardé par suite comme un élément du coût d'acquisition de cet actif, ce passif ne saurait comprendre que les dettes et charges qu'il était possible de connaître ou de prévoir lors de la fusion, compte tenu des diligences normales incombant à la société issue de la fusion ou bénéficiaire de l'apport?». Au cas particulier, les provisions représentaient bien des dettes prévisibles au moment de la réalisation de l’apport et ont donc nécessairement été retenues pour le calcul de l’actif net transmis. En outre, le fait que les provisions litigieuses n’étaient pas déductibles d’un point de vue fiscal n’était pas non plus un obstacle à leur intégration dans le prix d’acquisition. En effet, par une décision Société Laboratoires 3M Santé, n°?222748 en date du 26?février 2003, le Conseil d'état avait jugé s’agissant de provisions non déductibles fiscalement constituées par la société absorbée que «?ces provisions constituées par les sociétés absorbées doivent être regardées, eu égard à leur caractère fiscalement non déductible, comme incluses dans l'actif net fiscal dont ces sociétés ont fait apport à la société absorbante?». Dès lors que le Conseil d’État considérait que des provisions constituées par l’absorbée entraient nécessairement dans le champ d’application de la théorie du prix d’acquisition, et ce quel que soit leur régime d’un point de vue fiscal, il est parfaitement logique que par la décision commentée, il se soit opposé à la déduction extra-comptable des reprises des provisions litigieuses. Néanmoins, au regard des principes gouvernant cette théorie du prix d’acquisition, le traitement de l’une des provisions litigieuses, à savoir la provision pour restructuration pouvait prêter à discussion, dans la mesure où elle avait été comptabilisée par la société apporteuse pendant la période intercalaire. En effet, alors que les dettes nées pendant la période intercalaire sont réputées être supportées par la société absorbante ou bénéficiaire des apports, le Conseil d’État a jugé que cette provision avait également été retenue pour le calcul du prix d’acquisition. À ce titre, il énonce que la cour a «?relevé, en ce qui concerne la provision constatée après le 1er?janvier 1997, date d'effet de l'apport partiel d'actif donnée par les parties au traité d'apport, qu'il n'était pas contesté qu'elle avait été constatée dans les écritures de la société Groupe Robeco et qu'elle avait été prise en compte pour déterminer la valeur de l'actif net constatée dans les écritures de la société Banque Robeco?». Dès lors que la provision avait été intégrée dans le calcul du prix d’acquisition, il importait peu qu’elle ait été comptabilisée après la date d’effet
de l’apport.
Par un acte en date du 30?mai 1997, avec effet rétroactif au 1er?janvier 1997, la société Banque Robeco (aux droits de laquelle vient la société Oddo et Cie) a bénéficié d’un apport partiel d’actifs de la part de la société groupe Robeco, placé sous le régime de droit commun. La société apporteuse avait constitué des provisions pour licenciement, pour restructuration et pour modification de structure qu’elle avait réintégrées dans son résultat fiscal. La société bénéficiaire de l’apport a inscrit ces provisions au passif de son bilan, puis elle a déduit de manière extra-comptable les reprises de ces provisions. L’administration fiscale a remis en cause ces déductions extra- comptables, considérant, sur le fondement de la théorie jurisprudentielle du prix d’acquisition que ces provisions avaient été prises en compte dans l’évaluation de l’apport. Ce redressement a été validé par la cour administrative d’appel de Paris par un arrêt du 1er?décembre 2011.
La théorie jurisprudentielle du prix d’acquisition
En cas de fusion ou d’apport partiel d’actif, la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée ou apporteuse à la société absorbante ou bénéficiaire entraîne pour cette dernière l’obligation de supporter des charges inhérentes à la gestion de la société absorbée. La théorie du prix d’acquisition interdit à l’absorbante de déduire les charges nées chez l’absorbée dans la mesure où les dettes de cette dernière ont nécessairement été intégrées dans le calcul de son prix d’acquisition. Cette théorie résulte ainsi d’une analyse purement économique de l’opération selon laquelle les parties ont retenu des valeurs représentant la situation réelle de la société absorbée à date de la fusion ou de l’apport. Cette théorie s’applique aussi bien aux charges qui étaient prévisibles à la date d’effet de l’opération qu’aux dettes nées à cette date. En revanche, les charges nées postérieurement à la date d’effet de la fusion ou les dettes non prévisibles, dans la mesure où elles n’ont pu être prises en compte pour le calcul du prix d’acquisition sont déductibles du résultat fiscal de la société absorbante ou bénéficiaire de l’apport. Par ailleurs, lorsque la charge ou la perte est née pendant la période intercalaire (c’est-à-dire entre la date de la conclusion définitive de la fusion ou de l’apport partiel d’actif et la date d’effet de l’opération), elle est considérée comme n’ayant pas été prise en compte dans le calcul du prix d’acquisition et est donc réputée comme ayant été supportée par l’absorbante ou la bénéficiaire de l’apport.
Application à des reprises de provisions non déductibles
Par sa décision société Oddo et Cie, le Conseil d’État a rejeté le pourvoi du contribuable et a donc confirmé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 1er?décembre 2011, considérant ainsi que les provisions litigieuses avaient été prises en compte dans l’actif net apporté et en avaient diminué la valeur d’acquisition si bien que leur reprise par la société bénéficiaire de l’apport ne pouvait donner lieu à une déduction extra-comptable.
Cette position du Conseil d’État ne représente d’ailleurs pas une surprise au regard de sa jurisprudence antérieure. En premier lieu, il paraît évident qu’une provision entre bien dans le champ de la théorie jurisprudentielle du prix d’acquisition dans la mesure où elle constitue bien une dette de la société absorbée ou apporteuse, son absence de caractère certain ne représentant nullement un obstacle. En effet, la haute juridiction par une décision Société Gustave Muller, n°285629 en date du 6?juin 2008 avait défini le passif à retenir dans le prix d’acquisition de manière très large, jugeant que «?la société issue de la fusion ou bénéficiaire de l'apport est tenue de prendre en charge l'intégralité du passif transmis en contrepartie de l'actif recueilli et regardé par suite comme un élément du coût d'acquisition de cet actif, ce passif ne saurait comprendre que les dettes et charges qu'il était possible de connaître ou de prévoir lors de la fusion, compte tenu des diligences normales incombant à la société issue de la fusion ou bénéficiaire de l'apport?». Au cas particulier, les provisions représentaient bien des dettes prévisibles au moment de la réalisation de l’apport et ont donc nécessairement été retenues pour le calcul de l’actif net transmis. En outre, le fait que les provisions litigieuses n’étaient pas déductibles d’un point de vue fiscal n’était pas non plus un obstacle à leur intégration dans le prix d’acquisition. En effet, par une décision Société Laboratoires 3M Santé, n°?222748 en date du 26?février 2003, le Conseil d'état avait jugé s’agissant de provisions non déductibles fiscalement constituées par la société absorbée que «?ces provisions constituées par les sociétés absorbées doivent être regardées, eu égard à leur caractère fiscalement non déductible, comme incluses dans l'actif net fiscal dont ces sociétés ont fait apport à la société absorbante?». Dès lors que le Conseil d’État considérait que des provisions constituées par l’absorbée entraient nécessairement dans le champ d’application de la théorie du prix d’acquisition, et ce quel que soit leur régime d’un point de vue fiscal, il est parfaitement logique que par la décision commentée, il se soit opposé à la déduction extra-comptable des reprises des provisions litigieuses. Néanmoins, au regard des principes gouvernant cette théorie du prix d’acquisition, le traitement de l’une des provisions litigieuses, à savoir la provision pour restructuration pouvait prêter à discussion, dans la mesure où elle avait été comptabilisée par la société apporteuse pendant la période intercalaire. En effet, alors que les dettes nées pendant la période intercalaire sont réputées être supportées par la société absorbante ou bénéficiaire des apports, le Conseil d’État a jugé que cette provision avait également été retenue pour le calcul du prix d’acquisition. À ce titre, il énonce que la cour a «?relevé, en ce qui concerne la provision constatée après le 1er?janvier 1997, date d'effet de l'apport partiel d'actif donnée par les parties au traité d'apport, qu'il n'était pas contesté qu'elle avait été constatée dans les écritures de la société Groupe Robeco et qu'elle avait été prise en compte pour déterminer la valeur de l'actif net constatée dans les écritures de la société Banque Robeco?». Dès lors que la provision avait été intégrée dans le calcul du prix d’acquisition, il importait peu qu’elle ait été comptabilisée après la date d’effet
de l’apport.