Par Florence Aubonnet, avocat associé. Flichy Grangé Avocats
Restructurations après la loi de sécurisation de l’emploi du 14?juin 2013?: ce qui change
La loi du 14?juin 2013 a fondamentalement modifié les règles de procédure applicables en cas de licenciement collectif pour motif économique avec plan de sauvegarde de l’emploi, en instaurant un contrôle administratif préalable. Elle a aussi prévu des délais stricts de consultation du comité d’entreprise, ne pouvant, désormais, être dépassés. Plus de sécurité ? L’avenir le dira.
Le droit social des restructurations est sans aucun doute placé, en 2013, sous le signe de la révolution, née de la loi de sécurisation de l’emploi du 14?juin 2013. Celle-ci transpose l’accord national interprofessionnel du 11?janvier 2013 «?pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés?». Si l’un des objectifs est de favoriser le maintien de l’emploi en période de crise, il est aussi de sécuriser des procédures qui, jusqu’à présent, étaient critiquées en raison de l’imprévisibilité de leur durée et de l’importance du contentieux judiciaire en résultant. Deux volets de la loi intéressant les procédures à suivre en cas de restructuration retiendront l'attention, portant d’une part sur la consultation du comité d’entreprise et, d’autre part, sur la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi.
La consultation du CE désormais encadrée
Toute réorganisation de l’entreprise, qu’elle se traduise ou non par des conséquences négatives pour l’emploi, doit faire l’objet d’une consultation préalable du comité d’entreprise. Celle-ci n’était, jusqu’à présent, enfermée dans aucun délai et nul ne pouvait prédire quand l’avis du CE serait émis. Même si la jurisprudence permettait, sous certaines conditions, au président du comité de considérer la procédure comme achevée malgré le refus du CE d’émettre un avis motivé, la situation n’en était pas moins risquée, le comité pouvant agir en justice pour suspendre la mise en œuvre du projet dans l’attente d’une poursuite de l’information. La loi du 14?juin 2013 devrait, en principe, mettre un terme à cette imprévisibilité. Le nouvel article L.2323-3 du code du travail précise que, sauf dispositions législatives spéciales, les délais requis pour l’émission de l’avis du CE doivent résulter soit d’un accord entre l'employeur et le comité d'entreprise, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, soit, à défaut d'accord, d’un décret en Conseil d'État. Ces délais qui, selon la loi, ne peuvent être inférieurs à quinze jours, doivent en outre permettre au comité d'entreprise d'exercer utilement sa compétence, en fonction de la nature et de l'importance des questions qui lui sont soumises et, le cas échéant, de l'information et de la consultation du ou des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. À l'expiration du délai (celui fixé par accord avec le CE ou à défaut par le décret à paraître), si le comité ne s'est pas déjà prononcé, il est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif. Il s’agit là d’une avancée majeure très positive en ce qu’elle permet d’espérer une certaine sécurité. On peut toutefois regretter que le délai à fixer par décret soit identique pour l’ensemble des consultations prévues par le code du travail (à quelques exceptions près, parmi lesquelles ceux applicables en cas de plan de sauvegarde de l’emploi), sans qu’il ne soit opéré de distinction selon la nature du projet objet de la consultation. Certes, il sera toujours possible de conclure un accord avec le CE sur un délai plus court. Reste à savoir si ce délai pourra être inférieur à quinze jours, durée «?minimum?» des délais mentionnée par l’article L.2323-3, et quel sera son point de départ (selon toute vraisemblance, il s’agira du jour où l’employeur aura communiqué au CE les informations relatives au projet). Le décret répondra, sans doute, à ces interrogations.On doit aussi souligner la possibilité pour le CE, s’il estime ne pas disposer d'éléments suffisants, de saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants. Cette faculté n’est pas nouvelle et le législateur, sur ce point, vient consacrer une jurisprudence constante. La nouveauté réside dans le fait que, toujours dans un souci de sécuriser les procédures, l’article L.2323-4, après avoir rappelé que le juge statue dans un délai de huit jours, précise que cette intervention n'a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis. Voilà une précision décisive de nature à rassurer les entreprises. Mais toute possibilité de dépassement du délai n’en est pas moins exclue. Le texte accorde en effet au tribunal le droit de le prolonger en cas de «?difficultés particulières d'accès aux informations nécessaires à la formulation de l'avis motivé du comité d'entreprise?».
Les «?grands licenciements?» économiques sous le contrôle de l’administration
La procédure de licenciement collectif de plus de neuf salariés s’accompagnant d’un plan de sauvegarde de l’emploi est profondément réformée. La réforme est double. D’une part et dans l’esprit de ce qui a été présenté ci-dessus, la double consultation du CE requise en application de l’article L. 2323- 15 du code du travail, relatif aux projets de compression des effectifs (dite Livre II), et celle prévue par l’article L. 1233-30, relative au projet de licenciement collectif (dite Livre I), sont désormais soumises au même délai préfix, lequel varie de deux à quatre mois selon le nombre de licenciements projetés. D’autre part, et cela constitue sans nul doute un point plus fondamental, l’adoption du PSE, qui peut résulter soit d’un accord collectif majoritaire, soit d’une décision unilatérale de l’employeur, est désormais soumise au contrôle préalable de la Direccte. Si celle-ci doit vérifier que le plan répond aux exigences légales, son contrôle est plus restreint lorsqu’il est le fruit d’un accord collectif car, dans ce cas, il ne porte pas sur la proportionnalité du plan aux moyens du groupe. En pratique, ce mode de conclusion, encouragé par le Ministère du travail, devrait être privilégié. En toute hypothèse, quel que soit le mode d’adoption du PSE, l’administration devient le seul juge de sa validité et de la régularité de la procédure, sa décision étant, en cas de litige, du ressort du tribunal administratif. Le contentieux échappe donc au juge judiciaire, sous réserve de l’appréciation du motif économique qui demeure de la compétence du conseil de prud’hommes, une fois les licenciements notifiés.
L’avenir dira si ce nouveau dispositif produira les effets espérés par les entreprises, à savoir une sécurisation des délais de mise en œuvre du plan.