Par Daniel Rota, avocat associé, et Régis Pihery, avocat. Fidal
De l’efficacité des conventions d’arbitrage en matière de franchise…
Les réseaux de franchise apparaissent comme un terrain propice à l’arbitrage, eu égard à la nécessité pour le franchiseur de préserver le caractère confidentiel de son savoir-faire. Le choix de ce mode alternatif de règlement des litiges est conforté par la jurisprudence qui révèle la tendance des juges judiciaires à conférer leur pleine application aux clauses compromissoires.
Au sein des réseaux de franchise, le recours à l’arbitrage comme mode de traitement des contentieux est fréquent. La stipulation d’une clause compromissoire permet notamment au franchiseur de réduire le risque de voir des informations secrètes propres au réseau (savoir-faire, politique commerciale…) révélées à l’occasion de conflits avec des franchisés, la procédure devant le tribunal arbitral étant par nature confidentielle.
En dépit de cette volonté légitime du franchiseur de protéger son réseau, les conventions d’arbitrage suscitent la défiance de certains observateurs, considérant qu’elles conduiraient à faire obstacle aux actions des franchisés. C’est au regard de ces critiques que le projet de loi Lefebvre envisageait en 2011 d’interdire de telles conventions dans le cadre des réseaux de distribution alimentaire (cf. projet de loi n°4141, 23 déc. 2011, art. 1er).
La jurisprudence la plus récente rendue en matière de franchise fait pourtant ressortir l’efficacité des clauses compromissoires. Les juges judiciaires, dans leur rôle de «?juges d’appui?», tendent, en effet, à reconnaître l’arbitrabilité du plus grand nombre de litiges (cf. Cerc «?Le juge judiciaire garant de l’arbitrage?», Les Annonces de la Seine, 31 janv. 2013, n°?8) ; que ce soit en amont, par une interprétation souple du principe de compétence-compétence, ou en aval, par une appréciation restrictive des causes d’annulation des sentences.
L’interprétation souple du principe de compétence-compétence
En vertu du principe de compétence- compétence disposé à l’article 1448 du Code de procédure civile, en présence d’une convention d’arbitrage, le tribunal arbitral est seul compétent pour statuer sur sa propre compétence. Certaines parties à qui la clause compromissoire est opposée tentent d’y faire échec en invoquant devant le juge étatique les exceptions légales tenant au caractère «?manifestement nulle?» ou «?manifestement inapplicable?» de ladite clause.
Privilégiant une application extensive du principe de compétencecompétence, les juges judiciaires les déboutent le plus souvent de leurs prétentions.
Dans un arrêt du 26?février 2013, la cour d’appel de Paris a, par exemple, estimé que le caractère manifestement inapplicable de la clause compromissoire ne saurait se déduire de l’incapacité alléguée du franchisé à faire face au coût de la procédure d’arbitrage en raison de sa situation financière et au déni de justice qui en résulterait «?alors qu’il appartient en tout état de cause au tribunal arbitral de permettre l’accès au juge, un éventuel manquement de sa part sur ce point étant susceptible d’être sanctionné ultérieurement?» (CA Paris, 26 févr. 2013, RG n°?12/12953). Dans un arrêt du 22?novembre 2012, la même cour a infirmé le jugement ayant considéré que le franchiseur ne pouvait se prévaloir du principe de compétence-compétence en cas d’action du franchisé fondée à la fois sur le contrat d’approvisionnement contenant une clause attributive de juridiction et sur le contrat de franchise contenant une clause compromissoire : «?C’est à tort que le premier juge a estimé que l’interdépendance des contrats liant les parties ferait obstacle à la priorité du tribunal arbitral sur la juridiction étatique pour statuer sur sa propre compétence.?» ; et la cour d’ajouter : «?il est constant en matière de franchise que si l’interdépendance existant entre les contrats signés par les parties devaient justifier la compétence d’une seule juridiction c’est le tribunal arbitral qui est compétent pour connaître de l’ensemble des contrats conclus entre les parties dès lors que le contrat de franchise comporte une clause compromissoire.?» (CA Paris, 22 nov. 2012, RG n°12/11878)
L’appréciation restrictive des causes d’annulation des sentences
Un autre moyen dont dispose la partie qui entend contester l’application de la clause compromissoire est l’article 1492 du Code de procédure civile, aux termes duquel le juge judiciaire a le pouvoir d’annuler la sentence rendue par le tribunal arbitral, notamment dans le cas où ce dernier « s’est déclaré à tort compétent ou incompétent » ou « a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée ». Là encore, de telles réclamations sont généralement vouées à l’échec, les magistrats procédant à une appréciation restrictive desdites causes d’annulation.
Dans un arrêt du 27 novembre 2012 de la cour d’appel de Paris, il était reproché au tribunal arbitral d’avoir « statué ultra petita en statuant sur des griefs émis par [le franchisé] relatifs au contrat de franchise conclu avec [le franchiseur] alors que le tribunal arbitral n’était saisi qu’en vertu et pour statuer sur le contrat d’approvisionnement la liant [au franchisé] » ; la cour ne fait pas droit au recours en annulation, dès lors que « les arbitres, saisis en vertu d’une clause d’arbitrage qui leur soumettait toutes contestations auxquelles pourraient donner lieu l’exécution ou l’interprétation du contrat d’approvisionnement, ont pu considérer statuant en amiable composition, sans outrepasser la mission dont ils étaient investis et ainsi qu’ils y avaient été invités par [le franchisé], qu’un autre contrat (le contrat de franchise) pouvait avoir une incidence sur la réalité concrète du fonctionnement du contrat d’approvisionnement dont ils étaient saisis » (CA Paris, 27 nov. 2012, RG n° 11/14887). Dans le domaine voisin des groupements coopératifs, dans un arrêt du 2?octobre 2012 de la cour d’appel de Paris, il était fait grief au tribunal arbitral, agissant sur le fondement d’une clause compromissoire contenue dans le règlement intérieur de la coopérative, de «?s’être déclaré compétent pour statuer, en l’absence de clause compromissoire insérée au contrat d’adhésion au programme [de fidélisation de l’enseigne], sur les faits de concurrence déloyale fondés sur l’utilisation du fichier client [dudit programme de fidélisation]?» ; le recours en annulation est également rejeté, la cour constatant que le litige relatif aux actes de concurrence déloyale trouvait son origine dans l’exécution des dispositions du règlement intérieur de la coopérative, lequel définissait «?les conditions dans lesquelles chaque associé pouvait faire profiter ses clients des avantages au programme de fidélisation de [l’enseigne]?» et prévoyait que «?le retrait du droit de jouissance des marques avait pour conséquence d’entraîner la restitution à la coopérative de tous les éléments spécifiques mis à disposition de l’Associé quel qu’en soit le support?» (CA Paris, 2 oct. 2012, RG n° 10/25301).
Au sein des réseaux de franchise, le recours à l’arbitrage comme mode de traitement des contentieux est fréquent. La stipulation d’une clause compromissoire permet notamment au franchiseur de réduire le risque de voir des informations secrètes propres au réseau (savoir-faire, politique commerciale…) révélées à l’occasion de conflits avec des franchisés, la procédure devant le tribunal arbitral étant par nature confidentielle.
En dépit de cette volonté légitime du franchiseur de protéger son réseau, les conventions d’arbitrage suscitent la défiance de certains observateurs, considérant qu’elles conduiraient à faire obstacle aux actions des franchisés. C’est au regard de ces critiques que le projet de loi Lefebvre envisageait en 2011 d’interdire de telles conventions dans le cadre des réseaux de distribution alimentaire (cf. projet de loi n°4141, 23 déc. 2011, art. 1er).
La jurisprudence la plus récente rendue en matière de franchise fait pourtant ressortir l’efficacité des clauses compromissoires. Les juges judiciaires, dans leur rôle de «?juges d’appui?», tendent, en effet, à reconnaître l’arbitrabilité du plus grand nombre de litiges (cf. Cerc «?Le juge judiciaire garant de l’arbitrage?», Les Annonces de la Seine, 31 janv. 2013, n°?8) ; que ce soit en amont, par une interprétation souple du principe de compétence-compétence, ou en aval, par une appréciation restrictive des causes d’annulation des sentences.
L’interprétation souple du principe de compétence-compétence
En vertu du principe de compétence- compétence disposé à l’article 1448 du Code de procédure civile, en présence d’une convention d’arbitrage, le tribunal arbitral est seul compétent pour statuer sur sa propre compétence. Certaines parties à qui la clause compromissoire est opposée tentent d’y faire échec en invoquant devant le juge étatique les exceptions légales tenant au caractère «?manifestement nulle?» ou «?manifestement inapplicable?» de ladite clause.
Privilégiant une application extensive du principe de compétencecompétence, les juges judiciaires les déboutent le plus souvent de leurs prétentions.
Dans un arrêt du 26?février 2013, la cour d’appel de Paris a, par exemple, estimé que le caractère manifestement inapplicable de la clause compromissoire ne saurait se déduire de l’incapacité alléguée du franchisé à faire face au coût de la procédure d’arbitrage en raison de sa situation financière et au déni de justice qui en résulterait «?alors qu’il appartient en tout état de cause au tribunal arbitral de permettre l’accès au juge, un éventuel manquement de sa part sur ce point étant susceptible d’être sanctionné ultérieurement?» (CA Paris, 26 févr. 2013, RG n°?12/12953). Dans un arrêt du 22?novembre 2012, la même cour a infirmé le jugement ayant considéré que le franchiseur ne pouvait se prévaloir du principe de compétence-compétence en cas d’action du franchisé fondée à la fois sur le contrat d’approvisionnement contenant une clause attributive de juridiction et sur le contrat de franchise contenant une clause compromissoire : «?C’est à tort que le premier juge a estimé que l’interdépendance des contrats liant les parties ferait obstacle à la priorité du tribunal arbitral sur la juridiction étatique pour statuer sur sa propre compétence.?» ; et la cour d’ajouter : «?il est constant en matière de franchise que si l’interdépendance existant entre les contrats signés par les parties devaient justifier la compétence d’une seule juridiction c’est le tribunal arbitral qui est compétent pour connaître de l’ensemble des contrats conclus entre les parties dès lors que le contrat de franchise comporte une clause compromissoire.?» (CA Paris, 22 nov. 2012, RG n°12/11878)
L’appréciation restrictive des causes d’annulation des sentences
Un autre moyen dont dispose la partie qui entend contester l’application de la clause compromissoire est l’article 1492 du Code de procédure civile, aux termes duquel le juge judiciaire a le pouvoir d’annuler la sentence rendue par le tribunal arbitral, notamment dans le cas où ce dernier « s’est déclaré à tort compétent ou incompétent » ou « a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée ». Là encore, de telles réclamations sont généralement vouées à l’échec, les magistrats procédant à une appréciation restrictive desdites causes d’annulation.
Dans un arrêt du 27 novembre 2012 de la cour d’appel de Paris, il était reproché au tribunal arbitral d’avoir « statué ultra petita en statuant sur des griefs émis par [le franchisé] relatifs au contrat de franchise conclu avec [le franchiseur] alors que le tribunal arbitral n’était saisi qu’en vertu et pour statuer sur le contrat d’approvisionnement la liant [au franchisé] » ; la cour ne fait pas droit au recours en annulation, dès lors que « les arbitres, saisis en vertu d’une clause d’arbitrage qui leur soumettait toutes contestations auxquelles pourraient donner lieu l’exécution ou l’interprétation du contrat d’approvisionnement, ont pu considérer statuant en amiable composition, sans outrepasser la mission dont ils étaient investis et ainsi qu’ils y avaient été invités par [le franchisé], qu’un autre contrat (le contrat de franchise) pouvait avoir une incidence sur la réalité concrète du fonctionnement du contrat d’approvisionnement dont ils étaient saisis » (CA Paris, 27 nov. 2012, RG n° 11/14887). Dans le domaine voisin des groupements coopératifs, dans un arrêt du 2?octobre 2012 de la cour d’appel de Paris, il était fait grief au tribunal arbitral, agissant sur le fondement d’une clause compromissoire contenue dans le règlement intérieur de la coopérative, de «?s’être déclaré compétent pour statuer, en l’absence de clause compromissoire insérée au contrat d’adhésion au programme [de fidélisation de l’enseigne], sur les faits de concurrence déloyale fondés sur l’utilisation du fichier client [dudit programme de fidélisation]?» ; le recours en annulation est également rejeté, la cour constatant que le litige relatif aux actes de concurrence déloyale trouvait son origine dans l’exécution des dispositions du règlement intérieur de la coopérative, lequel définissait «?les conditions dans lesquelles chaque associé pouvait faire profiter ses clients des avantages au programme de fidélisation de [l’enseigne]?» et prévoyait que «?le retrait du droit de jouissance des marques avait pour conséquence d’entraîner la restitution à la coopérative de tous les éléments spécifiques mis à disposition de l’Associé quel qu’en soit le support?» (CA Paris, 2 oct. 2012, RG n° 10/25301).