Par Jean-Louis Fourgoux, avocat. Cabinet Fourgoux & Associés
Publicité pour l’alcool et Internet?: le Jury de déontologie publicitaire, nouveau juge de la commun
Sur un marché fortement concurrentiel comme celui des boissons alcoolisées, la publicité constitue l’un des principaux vecteurs de concurrence entre entreprises. En conséquence, la question des modalités du contrôle par le Jury de déontologie publicitaire de la licéité des publicités diffusées constitue un enjeu majeur pour ce secteur.
Par plusieurs décisions récentes, le Jury de déontologie publicitaire a sanctionné des fournisseurs de boissons alcoolisées pour avoir diffusé des publicités diffusées notamment sur internet alors que, dans le même temps, les juridictions judiciaires validaient la communication pour des boissons alcoolisées sur les réseaux sociaux.
L’encadrement de la publicité en faveur de l’alcool
La publicité pour les boissons alcoolisées fait l’objet d’une réglementation très spécifique et donne lieu à un contentieux nourri devant les tribunaux, très souvent saisis en référé par L’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie. Récemment, le Jury de déontologie publicitaire, instance de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) en charge de l’autorégulation du secteur a, à son tour, été saisi de plusieurs publicités qu’il a déclarées non conformes à ses règles déontologiques.
On rappellera que si la publicité pour les boissons alcoolisées n’est pas interdite, elle doit toutefois se limiter strictement aux mentions autorisées par l’article L.3323-4 du Code de la santé publique. Cette disposition prévoit ainsi que seules des mentions relatives notamment à l’origine, la composition ou les qualités gustatives d’un produit peuvent être admises dans une communication en faveur d’une boisson alcoolisée, ainsi que l’indication de son mode de consommation ou de commercialisation.
Toute mention ou illustration ne se rapportant pas à l’un de ces éléments limitativement énumérés entraîne ainsi l’illicéité de la communication et, par voie de conséquence, le retrait de la publicité.
De même, le législateur a souhaité limiter les supports sur lesquels pouvaient être diffusées des publicités en faveur de boissons alcoolisées en énumérant limitativement ceux-ci à l’article L.3323-2 du code de la santé publique. Celui-ci, modifié en 2008, prévoit désormais qu’Internet est un support de communication autorisé, à l’exception des sites internet principalement destinés à la jeunesse et à condition que la publicité ne soit ni intrusive, ni interstitielle.
Des décisions divergentes entre le JDP et le juge judiciaire
Très récemment, le juge judiciaire a eu l’occasion d’apporter d’importantes précisions sur l’application de ces dispositions et a fait preuve d’une interprétation souple de la loi.
S’agissant des mentions et des illustrations accompagnant les publicités pour des boissons alcoolisées, la Cour d’appel de Versailles a, sur renvoi de la Cour de cassation, estimé que «?la présentation du produit à promouvoir suppose donc que ce dernier, et sa consommation, soient présentés sous un jour favorable et de façon attractive?» puisque, selon elle, «?par nature, toute publicité ne peut avoir comme objectif que de modifier le comportement de son destinataire en provoquant l’achat du produit présenté, soit en provoquant le désir d’acheter et de consommer?» (CA Versailles, 3?avril 2014, n°12/02102, ANPAA c/CIVB).
La Cour d’appel validait ainsi une série de publicités représentant des professionnels de la filière viticole, souriants et détendus, présentant différents vins de Bordeaux.
De même, le juge des référés du TGI de Paris, saisi de l’appréciation de la validité d’une publicité pour une bière, a confirmé que la représentation stylisée des agrumes, participant à l’aromatisation de cette bière, était licite puisque relative à sa composition et à ses qualités gustatives (TGI Paris, 20?février 2014, n°13/59661).
A contrario, le Jury de déontologie publicitaire a, par une série de trois décisions rendues presque coup sur coup, déclaré illicites des publicités pour le Martini royale, la vodka Grey Goose et la bière La Goudale (décisions du 27?janvier et 2?avril 2014).
Le Jury, interprétant de façon particulièrement restrictive les dispositions du code de la santé publique, a en effet estimé pêle-mêle que le slogan «?fly beyond?» («?s’envoler au-delà?») «?induit nécessairement une association à l’idée de voyage et, plus encore, à celle de dépassement de limites, qu’elles soient physiques, sensorielles ou psychologiques?» incitant donc à une consommation excessive d’alcool, que le terme «?royale?» associée à la marque Martini «?est de nature à conduire le consommateur à imaginer qu’acheter, offrir ou boire le Martini royale pourrait lui permettre d’accéder à une forme de supériorité sociale?» et enfin que le slogan «?de l’amitié à partager?» était illicite car ne se rapportant à aucune des mentions autorisées par le Code de la santé publique.
Force est alors de constater que la pratique décisionnelle du Jury de déontologie publicitaire semble encore plus rigoureuse que celle déjà restrictive des tribunaux.
Le Jury de déontologie publicitaire dispose de pouvoirs non négligeables puisqu’il peut recommander aux membres de l’ARPP de cesser ou modifier une campagne publicitaire ou empêcher qu’elle soit à nouveau diffusée. Ainsi, loin d’être purement consultatif, le Jury de déontologie publicitaire jouit d’une réelle autorité vis-à-vis des annonceurs, des supports et des agences.
Il s’agit donc pour les plaignants d’un recours alternatif aux tribunaux permettant d’obtenir une décision au terme d’une procédure particulièrement rapide pour laquelle les garanties procédurales pourraient être améliorées, la décision n’étant notamment pas susceptible de recours.
On ne saurait exclure que l’appréciation très restrictive de la réglementation par le Jury de déontologie publicitaire aboutisse à une autocensure encore plus rigoureuse, préjudiciable aux entreprises.
Ne conviendrait-il pas de s’interroger sur les pouvoirs et la procédure du Jury de déontologie publicitaire afin que celui-ci ne devienne pas le véritable juge de la communication en matière de boissons alcoolisées, notamment sur internet, susceptible de restreindre la concurrence par médias interposés dans le secteur ?
Par plusieurs décisions récentes, le Jury de déontologie publicitaire a sanctionné des fournisseurs de boissons alcoolisées pour avoir diffusé des publicités diffusées notamment sur internet alors que, dans le même temps, les juridictions judiciaires validaient la communication pour des boissons alcoolisées sur les réseaux sociaux.
L’encadrement de la publicité en faveur de l’alcool
La publicité pour les boissons alcoolisées fait l’objet d’une réglementation très spécifique et donne lieu à un contentieux nourri devant les tribunaux, très souvent saisis en référé par L’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie. Récemment, le Jury de déontologie publicitaire, instance de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) en charge de l’autorégulation du secteur a, à son tour, été saisi de plusieurs publicités qu’il a déclarées non conformes à ses règles déontologiques.
On rappellera que si la publicité pour les boissons alcoolisées n’est pas interdite, elle doit toutefois se limiter strictement aux mentions autorisées par l’article L.3323-4 du Code de la santé publique. Cette disposition prévoit ainsi que seules des mentions relatives notamment à l’origine, la composition ou les qualités gustatives d’un produit peuvent être admises dans une communication en faveur d’une boisson alcoolisée, ainsi que l’indication de son mode de consommation ou de commercialisation.
Toute mention ou illustration ne se rapportant pas à l’un de ces éléments limitativement énumérés entraîne ainsi l’illicéité de la communication et, par voie de conséquence, le retrait de la publicité.
De même, le législateur a souhaité limiter les supports sur lesquels pouvaient être diffusées des publicités en faveur de boissons alcoolisées en énumérant limitativement ceux-ci à l’article L.3323-2 du code de la santé publique. Celui-ci, modifié en 2008, prévoit désormais qu’Internet est un support de communication autorisé, à l’exception des sites internet principalement destinés à la jeunesse et à condition que la publicité ne soit ni intrusive, ni interstitielle.
Des décisions divergentes entre le JDP et le juge judiciaire
Très récemment, le juge judiciaire a eu l’occasion d’apporter d’importantes précisions sur l’application de ces dispositions et a fait preuve d’une interprétation souple de la loi.
S’agissant des mentions et des illustrations accompagnant les publicités pour des boissons alcoolisées, la Cour d’appel de Versailles a, sur renvoi de la Cour de cassation, estimé que «?la présentation du produit à promouvoir suppose donc que ce dernier, et sa consommation, soient présentés sous un jour favorable et de façon attractive?» puisque, selon elle, «?par nature, toute publicité ne peut avoir comme objectif que de modifier le comportement de son destinataire en provoquant l’achat du produit présenté, soit en provoquant le désir d’acheter et de consommer?» (CA Versailles, 3?avril 2014, n°12/02102, ANPAA c/CIVB).
La Cour d’appel validait ainsi une série de publicités représentant des professionnels de la filière viticole, souriants et détendus, présentant différents vins de Bordeaux.
De même, le juge des référés du TGI de Paris, saisi de l’appréciation de la validité d’une publicité pour une bière, a confirmé que la représentation stylisée des agrumes, participant à l’aromatisation de cette bière, était licite puisque relative à sa composition et à ses qualités gustatives (TGI Paris, 20?février 2014, n°13/59661).
A contrario, le Jury de déontologie publicitaire a, par une série de trois décisions rendues presque coup sur coup, déclaré illicites des publicités pour le Martini royale, la vodka Grey Goose et la bière La Goudale (décisions du 27?janvier et 2?avril 2014).
Le Jury, interprétant de façon particulièrement restrictive les dispositions du code de la santé publique, a en effet estimé pêle-mêle que le slogan «?fly beyond?» («?s’envoler au-delà?») «?induit nécessairement une association à l’idée de voyage et, plus encore, à celle de dépassement de limites, qu’elles soient physiques, sensorielles ou psychologiques?» incitant donc à une consommation excessive d’alcool, que le terme «?royale?» associée à la marque Martini «?est de nature à conduire le consommateur à imaginer qu’acheter, offrir ou boire le Martini royale pourrait lui permettre d’accéder à une forme de supériorité sociale?» et enfin que le slogan «?de l’amitié à partager?» était illicite car ne se rapportant à aucune des mentions autorisées par le Code de la santé publique.
Force est alors de constater que la pratique décisionnelle du Jury de déontologie publicitaire semble encore plus rigoureuse que celle déjà restrictive des tribunaux.
Le Jury de déontologie publicitaire dispose de pouvoirs non négligeables puisqu’il peut recommander aux membres de l’ARPP de cesser ou modifier une campagne publicitaire ou empêcher qu’elle soit à nouveau diffusée. Ainsi, loin d’être purement consultatif, le Jury de déontologie publicitaire jouit d’une réelle autorité vis-à-vis des annonceurs, des supports et des agences.
Il s’agit donc pour les plaignants d’un recours alternatif aux tribunaux permettant d’obtenir une décision au terme d’une procédure particulièrement rapide pour laquelle les garanties procédurales pourraient être améliorées, la décision n’étant notamment pas susceptible de recours.
On ne saurait exclure que l’appréciation très restrictive de la réglementation par le Jury de déontologie publicitaire aboutisse à une autocensure encore plus rigoureuse, préjudiciable aux entreprises.
Ne conviendrait-il pas de s’interroger sur les pouvoirs et la procédure du Jury de déontologie publicitaire afin que celui-ci ne devienne pas le véritable juge de la communication en matière de boissons alcoolisées, notamment sur internet, susceptible de restreindre la concurrence par médias interposés dans le secteur ?