Par Aurélien Louvet, avocat associé. Capstan
Rémunération des dirigeants?: le mécanisme d’autorégulation des entreprises est renforcé mais préser
Régulièrement les rémunérations ou indemnités de départ de certains «?grands patrons?» font la une de l’actualité pour leur caractère jugé excessif. Conscientes des enjeux en termes de gouvernance et souhaitant éviter l’intervention d’une loi, les organisations représentatives des entreprises viennent de renforcer le code de bonnes pratiques existant.
L’Afep (Agence française des entreprises privées) et le Medef (Mouvement des entreprises de France) ont élaboré un code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées, instaurant un système de régulation des entreprises afin d’encadrer les rémunérations des dirigeants. Ce processus de codification a été engagé dès 1995 et a été régulièrement mis à jour.
Un code de gouvernance révisé à l’issue d’une large concertation
La dernière révision du 16 juin 2013 (1) a été l’occasion pour l’Afep et le Medef de démontrer la capacité des entreprises à s’autoréguler et à renforcer les règles existantes. Cette révision vise notamment à répondre au souhait du gouvernement, annoncé au mois de mai dernier, de concentrer l’action législative sur la contribution de 75?% - acquittée par l’employeur - sur la part des rémunérations annuelles dépassant 1 million d’euros et de ne pas légiférer pour encadrer les rémunérations et indemnités des dirigeants. Le gouvernement a ainsi préféré laisser l’Afep et le Medef présenter un renforcement de leur code de gouvernance des entreprises. Pour la première fois, cette révision a donné lieu à une large consultation des «?parties prenantes?». Les organisations professionnelles patronales ont ainsi pris en compte les avis émis par les autorités publiques, les organisations représentant les actionnaires individuels et institutionnels et les agences de conseils en vote (proxy advisor). Cette révision a enfin été l’occasion de mieux prendre en compte les intérêts des acteurs de l’entreprise, en octroyant une place importante aux actionnaires et aux salariés.
Les mesures de renforcement
Les organisations d’employeurs ont adopté de nouvelles recommandations en matière de rémunération et d’indemnisation des dirigeants. L’octroi d’avantages au profit des dirigeants est soumis à différentes conditions au premier rang desquelles figure la transparence. Pour fixer la rémunération d’un dirigeant, le conseil d’administration doit tenir compte des principes d’exhaustivité, d’équilibre, de benchmark, de cohérence, d’intelligibilité et de mesure entre intérêt général de l’entreprise, pratique du marché et performance du dirigeant.
Concrètement, le code préconise
désormais :
- La mise en place d’une procédure, d’inspiration anglo-saxonne, dite «?say on pay?». Celle-ci consiste en un vote consultatif annuel des actionnaires sur la rémunération individuelle des dirigeants, sur présentation des éléments de rémunération due ou attribuée au titre de l’exercice clos. En cas de vote négatif, le conseil d’administration délibérera lors d’une séance suivante, sur avis du comité des rémunérations, et publie immédiatement sur le site internet de la société les suites à donner aux attentes des actionnaires.
- L’encadrement de l’octroi de certains avantages :
• L’indemnité de prise de fonction n’est attribuée qu’à un nouveau dirigeant en provenance d’une société extérieure au groupe ;
• Les indemnités de départ sont fonction des conditions de performances sur deux exercices ;
• Le plafonnement des indemnités de départ et non concurrence est fixé à deux ans de rémunération fixe et variable ;
• Les retraites chapeaux sont soumises à une condition d’ancienneté minimale de deux ans ;
• Les retraites supplémentaires sont plafonnées à 45?% du revenu de référence ;
• Les stock-options et actions de performance doivent répondre de conditions de performance renforcées ;
• Les rémunérations variables et pluriannuelles sont également conditionnées à des critères de performance.
- Un rôle accru des administrateurs salariés (2) : les entreprises sont incitées à prévoir la participation, au comité des rémunérations, de l’un des représentants des salariés au conseil d’administration ou de surveillance.
Le nouveau Code de gouvernance institue un Haut Comité de gouvernement des entreprises, chargé d’assurer le suivi de l’application des principes posés par le code sur saisine par les conseils d’administration ou autosaisine. Il dispose également d’un pouvoir d’intervention lorsqu’une société n’applique pas
une reconnaissance sans explication suffisante.
La portée du Code de gouvernance
Le code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées de l’Afep et du Medef s’adresse aux sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé. Toutefois, ses rédacteurs souhaitent qu’il inspire l’ensemble des sociétés, si nécessaire, en l’adaptant à leurs spécificités. Ces dispositions interprofessionnelles sont souvent complétées et reprises dans des codes de gouvernance propres aux grandes entreprises. Elles s’inscrivent, en effet, dans un phénomène plus large de généralisation des démarches de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Ces recommandations disposent d’un statut juridique dit de soft law, ou réglementation douce, directement inspiré des pratiques anglo-saxonnes. Il convient toutefois de ne pas sous-estimer leur importance. Les sociétés qui contreviendraient à ces règles assumeraient un risque d’image fort, et pourraient, dans certains cas, voir leur responsabilité et celle de leurs dirigeants engagée. À ce titre, la cour d’appel de Versailles a eu l’occasion de sanctionner pénalement un ancien dirigeant pour avoir évincé les membres du comité ayant refusé de déplafonner sa rémunération et d’avoir constitué un nouveau comité composé de membres qui s’avéraient favorables à un tel déplafonnement, lui octroyant ainsi des conditions de départs optimisées (3). Plus encore, le législateur confère une place de plus en plus importante à ces mécanismes (à titre d’exemple, doivent être précisées dans le rapport annuel de gestion les raisons pour lesquelles les sociétés ne se conforment pas aux dispositions du Code de gouvernance (4)).
Il est certain que les entreprises concernées ont tout à gagner à se conformer au code de gouvernance Afep-Medef renforcé tant pour des raisons qui leur sont propres (gestion des relations avec les salariés, avec les actionnaires, risques d’image) que pour éviter la menace toujours possible d’une intervention législative sur la question de la rémunération des dirigeants.
1-Modifications du Code Afep-Medef, 16 juin 2013
2-La loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 a intégré l’obligation pour les sociétés dépassant un certain seuil d’effectif de prévoir la désignation ou l’élection de représentants des salariés aux conseils d’administration ou de surveillance
3-CA Versailles, 19 mai 2011, n°10-1523, RJDA 8-9/11 n°712
4-Articles L.225-37 et L.225-68 du Code de commerce
L’Afep (Agence française des entreprises privées) et le Medef (Mouvement des entreprises de France) ont élaboré un code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées, instaurant un système de régulation des entreprises afin d’encadrer les rémunérations des dirigeants. Ce processus de codification a été engagé dès 1995 et a été régulièrement mis à jour.
Un code de gouvernance révisé à l’issue d’une large concertation
La dernière révision du 16 juin 2013 (1) a été l’occasion pour l’Afep et le Medef de démontrer la capacité des entreprises à s’autoréguler et à renforcer les règles existantes. Cette révision vise notamment à répondre au souhait du gouvernement, annoncé au mois de mai dernier, de concentrer l’action législative sur la contribution de 75?% - acquittée par l’employeur - sur la part des rémunérations annuelles dépassant 1 million d’euros et de ne pas légiférer pour encadrer les rémunérations et indemnités des dirigeants. Le gouvernement a ainsi préféré laisser l’Afep et le Medef présenter un renforcement de leur code de gouvernance des entreprises. Pour la première fois, cette révision a donné lieu à une large consultation des «?parties prenantes?». Les organisations professionnelles patronales ont ainsi pris en compte les avis émis par les autorités publiques, les organisations représentant les actionnaires individuels et institutionnels et les agences de conseils en vote (proxy advisor). Cette révision a enfin été l’occasion de mieux prendre en compte les intérêts des acteurs de l’entreprise, en octroyant une place importante aux actionnaires et aux salariés.
Les mesures de renforcement
Les organisations d’employeurs ont adopté de nouvelles recommandations en matière de rémunération et d’indemnisation des dirigeants. L’octroi d’avantages au profit des dirigeants est soumis à différentes conditions au premier rang desquelles figure la transparence. Pour fixer la rémunération d’un dirigeant, le conseil d’administration doit tenir compte des principes d’exhaustivité, d’équilibre, de benchmark, de cohérence, d’intelligibilité et de mesure entre intérêt général de l’entreprise, pratique du marché et performance du dirigeant.
Concrètement, le code préconise
désormais :
- La mise en place d’une procédure, d’inspiration anglo-saxonne, dite «?say on pay?». Celle-ci consiste en un vote consultatif annuel des actionnaires sur la rémunération individuelle des dirigeants, sur présentation des éléments de rémunération due ou attribuée au titre de l’exercice clos. En cas de vote négatif, le conseil d’administration délibérera lors d’une séance suivante, sur avis du comité des rémunérations, et publie immédiatement sur le site internet de la société les suites à donner aux attentes des actionnaires.
- L’encadrement de l’octroi de certains avantages :
• L’indemnité de prise de fonction n’est attribuée qu’à un nouveau dirigeant en provenance d’une société extérieure au groupe ;
• Les indemnités de départ sont fonction des conditions de performances sur deux exercices ;
• Le plafonnement des indemnités de départ et non concurrence est fixé à deux ans de rémunération fixe et variable ;
• Les retraites chapeaux sont soumises à une condition d’ancienneté minimale de deux ans ;
• Les retraites supplémentaires sont plafonnées à 45?% du revenu de référence ;
• Les stock-options et actions de performance doivent répondre de conditions de performance renforcées ;
• Les rémunérations variables et pluriannuelles sont également conditionnées à des critères de performance.
- Un rôle accru des administrateurs salariés (2) : les entreprises sont incitées à prévoir la participation, au comité des rémunérations, de l’un des représentants des salariés au conseil d’administration ou de surveillance.
Le nouveau Code de gouvernance institue un Haut Comité de gouvernement des entreprises, chargé d’assurer le suivi de l’application des principes posés par le code sur saisine par les conseils d’administration ou autosaisine. Il dispose également d’un pouvoir d’intervention lorsqu’une société n’applique pas
une reconnaissance sans explication suffisante.
La portée du Code de gouvernance
Le code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées de l’Afep et du Medef s’adresse aux sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé. Toutefois, ses rédacteurs souhaitent qu’il inspire l’ensemble des sociétés, si nécessaire, en l’adaptant à leurs spécificités. Ces dispositions interprofessionnelles sont souvent complétées et reprises dans des codes de gouvernance propres aux grandes entreprises. Elles s’inscrivent, en effet, dans un phénomène plus large de généralisation des démarches de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Ces recommandations disposent d’un statut juridique dit de soft law, ou réglementation douce, directement inspiré des pratiques anglo-saxonnes. Il convient toutefois de ne pas sous-estimer leur importance. Les sociétés qui contreviendraient à ces règles assumeraient un risque d’image fort, et pourraient, dans certains cas, voir leur responsabilité et celle de leurs dirigeants engagée. À ce titre, la cour d’appel de Versailles a eu l’occasion de sanctionner pénalement un ancien dirigeant pour avoir évincé les membres du comité ayant refusé de déplafonner sa rémunération et d’avoir constitué un nouveau comité composé de membres qui s’avéraient favorables à un tel déplafonnement, lui octroyant ainsi des conditions de départs optimisées (3). Plus encore, le législateur confère une place de plus en plus importante à ces mécanismes (à titre d’exemple, doivent être précisées dans le rapport annuel de gestion les raisons pour lesquelles les sociétés ne se conforment pas aux dispositions du Code de gouvernance (4)).
Il est certain que les entreprises concernées ont tout à gagner à se conformer au code de gouvernance Afep-Medef renforcé tant pour des raisons qui leur sont propres (gestion des relations avec les salariés, avec les actionnaires, risques d’image) que pour éviter la menace toujours possible d’une intervention législative sur la question de la rémunération des dirigeants.
1-Modifications du Code Afep-Medef, 16 juin 2013
2-La loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 a intégré l’obligation pour les sociétés dépassant un certain seuil d’effectif de prévoir la désignation ou l’élection de représentants des salariés aux conseils d’administration ou de surveillance
3-CA Versailles, 19 mai 2011, n°10-1523, RJDA 8-9/11 n°712
4-Articles L.225-37 et L.225-68 du Code de commerce