Par Vincent Guinot, avocat associé, et Anne-Laure Gauthier, avocat. Lacourte Raquin Tatar
Le droit de l’urbanisme, dont on pouvait espérer une phase de stabilisation, après l’importante réforme d’octobre 2007 et les multiples textes des trois dernières années, entre pourtant dans une nouvelle et énième phase de transformation…

Après les importantes réformes des autorisations d’urbanisme (octobre?2007), des documents d’urbanisme (loi Grenelle II de juillet?2010 et ordonnance de janvier?2012), de la fiscalité (taxe d’aménagement) et des surfaces (Shob/Shon et surface de plancher), les professionnels de l’immobilier et les collectivités locales pouvaient espérer avoir un peu de temps pour assimiler le nouveau code de l’urbanisme. Mais il n’en sera rien.

Adoption de nouvelles ordonnances
La loi n°2013-569 du 1er?juillet 2013 habilite le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction. La première relative au contentieux vient d’être publiée, les autres suivront dans un délai de 4 à 8 mois.
Réformer le contentieux pour «?prévenir les contestations dilatoires ou abusives?»
La volonté légitime des professionnels de l’immobilier de contenir le contentieux vient d’être prise en compte par une ordonnance du 18?juillet 2013, qui s’inspire largement des recommandations du rapport du groupe de travail présidé par Daniel Labetoulle (1) : (i) clarification des règles de l’intérêt pour agir, (ii) organisation d’un mécanisme de régularisation, en cours d’instance, du permis de construire attaqué, (iii) possibilité pour le défendeur de demander, par un mémoire distinct, l’allocation de dommages et intérêts et (iv) obligation d’enregistrer les transactions sous peine d’une action en répétition des sommes versées.
Une nouvelle procédure "tout en un" pour les opérations de construction de logements en secteur urbain
Créer une nouvelle « procédure intégrée pour le logement » (PIL) qui permettra, à l’instar de l’actuelle déclaration de projet mais dans des « délais restreints », (i) de mettre en compatibilité avec une opération d’intérêt général, réalisée en zone urbaine et comportant principalement la réalisation de logements dans un objectif de mixité sociale/fonctionnelle, les documents d’urbanisme, ainsi que toutes autres règles (par ex. : un PPRI), (ii) d’organiser une procédure unique d’évaluation environnementale/étude d’impact/consultation du public et (iii) de regrouper l’instruction et la délivrance des autorisations d’urbanisme et des autorisations requises au titre d’autres législations (par ex. : loi sur l’eau).
Libérer les contraintes réglementaires pour construire "plus" de logements
Permettre aux collectivités locales, dans les « les zones d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants » et dans « les communes de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique » de prendre un ensemble de mesures destinées à favoriser la production de logements. Ainsi, par exemple, la commune ou l’établissement public compétent pourra (i) exonérer certains projets de toute obligation de création d'aires de stationnement, (ii) déroger aux règles du PLU pour permettre l'alignement au faîtage par rapport à une construction contiguë déjà existante (qu’il s’agisse d’un projet de construction ou de la surélévation d’une construction existante) et (iii) déroger aux règles du PLU pour autoriser le changement de destination d’un immeuble existant vers la destination « habitation ».

« Alur» : un projet de loi très ambitieux
Par ailleurs, l’Assemblée nationale examinera le 10 septembre 2013 le projet de loi pour l’Accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), présenté comme la plus importante réforme du code de l’urbanisme depuis la loi SRU. Long de 84 articles et 216 pages, ce projet de loi entend « répondre à la crise du logement en construisant plus et mieux, tout en préservant les espaces naturels et agricoles ». La loi sera promulguée au plus tard en mars 2014, avant les élections municipales. Parmi les modifications annoncées, on peut ainsi relever :
La suppression du COS et la disparition programmée des POS
Pour permettre la densification des zones urbaines, principalement dans les zones pavillonnaires, il est prévu de (i) supprimer l’exigence d’une surface minimale constructible (article 5 des règlements POS/PLU), (ii) supprimer le COS (article 14), instrument privilégié pour limiter la densification et qui procède d’une vision métrique de l’urbanisme aujourd’hui dépassée, (iii) faciliter l’évolution des lotissements (les règles de majorité seront assouplies et l’administration pourra approuver les modifications de tous les documents constitutifs du lotissement, y compris le cahier des charges à valeur contractuelle) et (iv) contraindre les communes à se doter d’un PLU : en l'absence de transformation du POS en PLU au 31?décembre 2014, le POS deviendra caduc.
Vers un urbanisme de plus en plus partenarial
L’urbanisme opérationnel fait également l’objet d’importants changements : (i) la procédure de création des ZAC est allégée, (ii) un nouvel outil d’aménagement est créé : « l’association foncière urbaine de projet » (Afup), (iii) le projet urbain partenarial (PUP) est précisé, en particulier lorsque les équipements publics desservent d’autres terrains pour lesquels les conventions subséquentes n’ont pas encore été signées, (iv) un régime contractuel de coopération opérationnelle entre l’État et les collectivités locales est mis en œuvre pour des «?projets d’intérêts majeurs », proche du dispositif des contrats de développements territorial créé en Ile-de-France par la loi relative au Grand Paris.
L’urbanisme commercial n’échappe pas au projet de réforme
L’urbanisme commercial est concerné par ce projet de loi, bien qu’il ne s’agisse que de modifications ponctuelles. Le rôle du SCoT en la matière est conforté, la taille maximale des parkings est abaissée, et les « drive » seront soumis à une autorisation d’exploitation commerciale délivrée par la CDAC.
L’urbanisme : une compétence bientôt supra-communale
L’une des mesures qui sera certainement la plus discutée par les Parlementaires est celle qui prévoit le transfert automatique de la compétence PLU des communes aux communautés de communes et d'agglomération.

Bien entendu, il ne s’agit là que d’une sélection des futures évolutions que connaîtra le code de l’urbanisme en 2014/2015. Alors que les projets d’aménagement/promotion sont le plus souvent "bloqués" dans l’attente des élections municipales, espérons que cette période de gestation des textes ne sera pas trop longue et que les bonnes intentions qui guident cette énième réforme ne seront pas perdues de vue.

(1)-http://www.territoires.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Labetoulle.pdf


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