Décideurs. Grâce à une politique de croissance externe particulièrement ambitieuse, vous détenez désormais 65 filiales implantées dans une vingtaine de pays. Quelles sont vos méthodes pour réussir l’intégration de nouvelles structures à votre groupe, qui plus est lorsqu’elles sont étrangères ?
Mohed Altrad.
Nous nous appuyons sur nos principes de management, détaillés dans notre charte « Les Chemins du Possible », que nous partageons avec les sociétés qui rejoignent le groupe. Citons notamment la valorisation des différences culturelles : la nouvelle filiale apporte au groupe ses meilleures pratiques autant qu’elle bénéficie de l’expérience que nous avons acquise. On ne doit pas attendre la même chose d’une société britannique précédemment sous LBO et d’une société familiale en Croatie, mais les deux peuvent nous apprendre beaucoup.
Autre exemple, l’autonomie offerte aux sociétés opérationnelles : les dirigeants doivent être des entrepreneurs et leur esprit d’initiative est favorisé. L’approbation de la direction générale ne doit être sollicitée que dans des cas bien précis, afin de garantir la cohérence du groupe sans brider les individus.
Enfin, notre organisation matricielle qui multiplie les interactions entre les différentes directions de la holding (achats, opérations, production, logistique…) et les filiales, notamment à travers des « progress units » (cellules de progrès), outil managérial transversal et souple.
Pour réussir l’intégration, il est important de la commencer rapidement, dès la signature du protocole et sans attendre le closing de l’opération. Nous devons aux équipes des sociétés rachetées une communication rapide et transparente, et des actions cohérentes, afin de conserver et d’accroître leur motivation.

Décideurs. Vous aviez souligné dans une précédente interview ne pas croire en l'efficacité des « ordres ». Quels sont donc les ingrédients nécessaires au leadership?
M. A.
C’est un des thèmes que nous développons lors de nos séminaires de management. Il n’y a pas de méthode générique et il faut savoir s’adapter aux cultures, aux situations.
Bien entendu la vision, la rigueur, la passion, l’exemplarité et l’honnêteté sont des qualités indispensables. Le charisme et les qualités de communication et d’écoute sont également appréciables, mais chacun peut les développer pourvu qu’il en ait envie.

Décideurs. Doit-on appliquer les mêmes méthodes pour bâtir le leader mondial des bétonnières et un club de rugby à dimension européenne ?
M. A.
En plus des bétonnières, nous sommes également leaders européens des échafaudages et services associés, un marché considérable !
Dans les deux cas, il faut une vision forte pour l’avenir, de la passion, de la détermination voire de l’opiniâtreté, faire preuve de patience et savoir s’entourer.
Le sport ajoute une difficulté supplémentaire du fait de la nature de la compétition : soit vous gagnez, soit vous perdez, il n’y a pas d’autre possibilité !
Par ailleurs au rugby certains paramètres sont particulièrement difficiles à maîtriser (blessures…) et peuvent influer fortement sur les résultats. Il faut alors redoubler d’efforts pour atteindre ses objectifs !

Décideurs. Avec le recul, diriez-vous que les valeurs du sport et de l’entrepreneuriat ont des points communs ?
M. A.
Certainement : la cohésion et l’esprit d’équipe, la confiance réciproque - au rugby où il faut souvent se sacrifier physiquement pour aider un partenaire - , la liberté et la passion, la valorisation des différences culturelles - à ce titre il est intéressant de noter qu’au sein de cette petite communauté humaine qu’est le club nous avons quinze nationalités !
En résumé, dans chacun de ces deux mondes, l’humain est au centre de tout !

Propos recueillis par Aurélien Florin

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