Par Arnault Buisson-Fizellier, avocat associé. BFPL
Le conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) est une instance incontournable pour la mise en œuvre des politiques publiques de protection de l’environnement. Ses avis conditionnent les décisions du préfet de modifier ou non les conditions d’exploitation du site classé : il est de l’intérêt des exploitants d’ICPE d’avoir une bonne connaissance de leurs droits au cours de cette procédure.

Le Coderst est une assemblée départementale compétente dans les domaines de la protection de l’environnement, de la gestion durable des ressources naturelles et de la prévention des risques sanitaires et technologiques.

Le rôle du Coderst
Il est chargé d’émettre un avis sur les projets d’actes réglementaires et individuels soumis à son examen. Si en principe cet avis est consultatif, la pratique révèle que le préfet le suit dans la plupart des cas. Ainsi le Coderst est-il consulté quand le préfet souhaite modifier les prescriptions réglementaires applicables à un site classé. Le Coderst peut, par exemple, se prononcer sur le bien-fondé de nouvelles prescriptions réglementaires visant à abaisser les seuils environnementaux auxquels est assujettie une installation classée : les conséquences économiques et sociales pour celle-ci peuvent s’avérer alors très (trop) sévères. En effet, une simple modification des prescriptions applicables à une installation classée, telle que la diminution de la quantité de déchets sortant de l’usine, peut obliger l’exploitant à intégralement revoir son process de production. Pis encore, un abaissement trop important des seuils environnementaux peut contraindre l’industriel à devoir suspendre, voir cesser l’exploitation de son site, pour l’adapter aux exigences réglementaires fixées par le nouvel arrêté préfectoral.
Il peut se produire que l’Administration sollicite l’avis du Coderst pour des projets d’arrêtés préfectoraux ne tenant pas compte des conditions d’exploitation réelles de l’installation classée. Heureusement, la loi permet à l’exploitant de faire respecter ses droits aux différents stades de la procédure, d’où l’intérêt de bien la connaître pour agir en temps voulu.
Dans la plupart des cas, à l’issue d’une phase d’instruction menée par l’Administration compétente (Dreal), l’exploitant reçoit un projet d’arrêté préfectoral modificatif. L’article R.512-26 du Code de l’environnement autorise l’exploitant à présenter ses observations au préfet dans un délai de quinze jours, ce qu’il devra faire si par exemple, les prescriptions complémentaires sont inexécutables1, injustifiées techniquement2, ou encore non motivées3. Le projet d’arrêté envoyé au Coderst, l’exploitant reçoit sa convocation à se présenter devant cette instance au plus tard huit jours avant la réunion.
La composition du Coderst est intéressante à connaître pour mieux évaluer ses sensibilités. Il est présidé par le préfet ou le secrétaire général du département et est composé de vingt-cinq membres de droit, savoir : sept représentants de l’État, cinq représentants de collectivités territoriales, neuf personnes réparties à parts égales entre trois représentants d’associations agréées, trois professionnels ayant leur activité dans les domaines de compétence du conseil (il s’agit de représentants de la Chambre de Commerce et d'Industrie, trois «?experts?» dans ces mêmes domaines de compétence, et enfin quatre personnalités qualifiées dont au moins un médecin. Les membres de droit siègent pour une durée de trois ans renouvelable.
L’article R.512-25 al. 3 du Code de l’environnement prévoit que lors de la réunion du Coderst, l’industriel convoqué prenne la parole pour exposer ses arguments : il est indispensable en pratique de préparer au mieux cette réunion. En effet, le nouveau projet d’arrêté préfectoral suivra l’avis du Coderst, l’exploitant disposant alors d’un dernier droit de réponse au préfet dans un délai de quinze jours (art. R.512- 25 al.3). En cas de promulgation d’un arrêté préfectoral maintenant des dispositions critiquables, l’exploitant devra alors envisager un recours de plein contentieux dans les deux mois de la notification de l’acte. La procédure de consultation du Coderst laisse donc à l’exploitant l’opportunité de se défendre à plusieurs reprises. Il lui revient d’être vigilant pour éviter que des normes environnementales inadaptées lui soient appliquées. L’aide de ses conseillers environnementaux, aptes à construire une argumentation technique, lui sera indispensable lors de cette procédure.
Les enjeux en découlant pour l’industriel sont non seulement financiers, mais conditionnent de plus l’exercice même de son exploitation, vu le panel des sanctions applicables en cas d’irrespect des nouvelles prescriptions, savoir : l’obligation pour l’exploitant de consigner entre les mains d’un comptable public une somme correspondante au montant des travaux à réaliser pour se conformer aux nouvelles prescriptions (cf. art. L.514-1-I-1°), l’exécution immédiate, aux frais de l’exploitant, des mesures prescrites (cf. art. L.514-1-I-2°), la suspension pure et simple de l’activité (cf. art. L.514- 1--3°). Enfin, sur le plan pénal, l’irrespect de l’arrêté de mise en demeure de prendre les mesures visées dans l’arrêté dans un délai déterminé expose son auteur à une peine correctionnelle (75 000 euros d'amende et six mois d’emprisonnement : art. L.514- 11-III°).
En conclusion, l’industriel a tout intérêt à agir le plus en amont possible lors de l’examen de son cas par le Coderst : les membres composant cette instance sont notamment des professionnels et des techniciens tout à fait susceptibles d’entendre favorablement une argumentation technique solide. Les intérêts en jeu sont rarement anodins.

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