La bonne gouvernance est essentielle à la performance au même titre que le management
La gouvernance à la recherche d’un nouvel équilibre
Les entreprises françaises sont tenues d’appliquer les recommandations des codes de gouvernance ou d’expliquer les raisons pour lesquelles elles les rejettent. Si la souplesse de ce principe peut favoriser les bonnes pratiques, il permet aussi parfois de contourner la loi. Les pratiques sont donc hétérogènes. Pourtant, la qualité des informations fournies aux actionnaires lors des assemblées générales de 2011 sont la preuve d’une réelle volonté de réhabiliter leur pouvoir dans l’entreprise.
Les années 1990 ont été témoins de certaines défaillances dans le système de gouvernance de nos entreprises. La dispersion du capital aurait dû légitimement renforcer le pouvoir des actionnaires dans le gouvernement d’entreprise. Or, dans les faits, rien n’a pu empêcher des rémunérations excessives de dirigeants, ni certains mensonges quant à l’endettement réel des entreprises, par des détournements comptables. Le législateur a donc dû mettre en place des mécanismes de contrôle pour rétablir la confiance des actionnaires et réhabiliter leur pouvoir dans les entreprises.
Il est ensuite apparu que la bonne gouvernance était essentielle à la performance au même titre que le management. Comme le précise le professeur Pierre-Yves Gomez dans son référentiel pour une gouvernance raisonnable des entreprises françaises : « Bien gouverner est aussi décisif que bien manager, et cela est valable pour toute entreprise ». Les codes, rapports, textes et recommandations sur la gouvernance se sont donc succédé au rythme des années depuis le rapport Viénot en 1995. Or, si ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, ce brouillard législatif est-il révélateur d’une mauvaise compréhension du concept de gouvernance ? Il en va de la gouvernance comme de tout système politique, elle a besoin de temps pour que les équilibres se créent.
Le système de gouvernance est-il une punition ?
Les premiers rapports de gouvernance ont tenté de rendre impossibles les excès de certaines pratiques de gouvernance. Ils préconisent par exemple la mise en place d’un comité de rémunération afin que la rétribution des dirigeants soit connue des actionnaires. Les lois sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 et de sécurité financière du 1er août 2003 limitent certaines dérives constatées par les affaires Enron (2001) et Andersen (2002) notamment, ces faillites étant dues à des opérations spéculatives maquillées par des opérations comptables. En favorisant une politique de transparence et en mettant en place des outils de contrôle, l’État a donc voulu restreindre le pouvoir parfois démesuré du président du conseil d’administration et rééquilibrer le rôle des actionnaires dans le gouvernement d’entreprise. Mais l’éducation ne peut se limiter à la punition. Face à la complexité des problématiques liées à la gouvernance, l’État a voulu faciliter les bonnes pratiques en proposant des codes de gouvernement d’entreprise qui servent de référence aux conseils d’administration (Afep-Medef, MiddleNext, AMF). Ils sont publiés chaque année, ce qui permet d’enrichir les pratiques de gouvernance par l’expérience des années précédentes.
Depuis la loi du 3 juillet 2008 sur certaines transpositions du droit communautaire, la règle de gouvernance se traduit désormais par le principe « comply or explain », qui laisse chaque entreprise libre d’utiliser le code qu’elle considère approprié. Les sociétés sont tenues chaque année d’éditer un rapport quant à l’application des recommandations du code choisi, ou, le cas échéant, d’expliciter les raisons pour lesquelles elles n’auraient pas appliqué ces dernières. Il y a donc une réelle volonté de l’État de responsabiliser les entreprises dans leur mode de fonctionnement. Et en même temps, toute la difficulté réside dans le fait qu’il est impossible de parler d’une unique bonne gouvernance puisqu’aucune entreprise n’est identique. Il semblerait donc qu’à travers toutes ces dispositions, l’Etat lance un défi de gouvernance aux entreprises dont la devise pourrait être cette phrase de Goethe : « Quel est le meilleur gouvernement ? Celui qui nous apprend à nous gouverner nous-même ». Tout en contrôlant les abus, l’État encourage les entreprises à s’approprier un code de gouvernement. Il ne serait pas surprenant d’imaginer que dans quelques années, un grand nombre d’entreprises éditent leur propre code de gouvernance.
Un relatif rééquilibrage des pouvoirs
La notion de pérennité est le dénominateur commun de la définition des trois pouvoirs de l’entreprise. De fait, la crise aura définitivement démontré que les raisonnements à court-terme sont nocifs pour la stabilité de l’économie en général et pour la performance de l’entreprise en particulier, qui repose aussi sur la confiance qu’ont les actionnaires dans la pérennité de l’activité. Toutes les études sur la gouvernance montrent que les bonnes pratiques se multiplient. La tendance est à la réhabilitation du pouvoir souverain de l’actionnaire sans pour autant annihiler celui des dirigeants ni du conseil d’administration. Pourtant, si entre l’intention et l’action il n’y a qu’un pas, les mesures de gouvernance prises par certains grands groupes français pourraient nous inquiéter. En effet, Axa, Atos Consulting et Safran pour ne citer qu’eux, ont décidé de mettre en place une structure unitaire à conseil d’administration. D’autres groupes, après avoir dissocié les fonctions de président et de directeur général en 2009, ont décidé de les réunifier peu de temps après (Véolia, France Télécom, L’Oréal). Ce type de décision, tout en étant légal (à partir du moment où le conseil d’administration explicite les raisons de ce choix), ne va pas vraiment dans le sens d’un équilibre des pouvoirs, à l’inverse des sociétés du Royaume-Uni qui ont érigé la séparation des pouvoirs en principe de gouvernance.
La gouvernance et son esprit
Depuis 2003, la mise en place d’un administrateur référent dans les conseils d’administration en France est de plus en plus fréquente. Cette pratique nous vient du Royaume-Uni ou ce dernier facilite les relations du conseil d’administration avec les actionnaires, anime les relations entre les administrateurs indépendants, analyse le fonctionnement du conseil d’administration et prépare s’il y a lieu, la succession du président-directeur général. S’il faut se réjouir de cette pratique qui favorise fortement l’équilibre des pouvoirs dans l’entreprise, les premières nominations d’administrateurs référents dans les grands groupes n’ont pas vraiment servi la cause de l’indépendance qui doit être liées à cette fonction. Formellement, ces groupes essayent de changer la relation avec les investisseurs, mais comme le souligne Frédéric Genevrier, co-dirigeant de la société d'analyse financière indépendante OFG, il faut voir dans certaines nominations la volonté de « désamorcer une critique qu’adresse le marché sur une gouvernance totalement ou partiellement déficiente ». Difficile donc parfois de déceler dans certaines pratiques, autre chose qu’une communication d’entreprise ayant une gouvernance discutable… Mais Rome ne s’est pas faite en un jour, et il serait injuste de faire à ces sociétés un procès d’intention. Pour autant, nous ne pouvons pas non plus voir dans la mise en place d’un administrateur référent, le signe d’une amélioration de la gouvernance. Espérons seulement que les nominations futures des administrateurs référents soient à la hauteur de l’importance de leur rôle dans les conseils d’administration.
Le nouveau poids des actionnaires
Le thème central des assemblées générales de 2011 portait sur la capacité des grands groupes français à gérer les risques, qu'ils soient d'ordre naturel, nucléaire ou géopolitique. L’information sur ces sujets, jugée habituellement insuffisante, devrait cette année permettre aux entreprises de rassurer les actionnaires, garants de la continuité de l’activité. Le système de vote par Internet est aussi de plus en plus utilisé, signe de l’importance grandissante que représente l’avis de l’actionnaire dans les décisions de l’entreprise. La plate-forme Votaccess permet aux actionnaires de voter avant toute assemblée générale d’une société cotée dont ils détiennent des parts, pour un coût peu élevé (moins d’un euro par vote). Si la loi imposait aux conseils d’administration une certaine quantité d’informations (nomination, applications des recommandations de gouvernance, rémunération, etc.), les administrateurs s’astreignent désormais de plus en plus à fournir une information de qualité aux investisseurs. Il y a donc une prise de conscience sur le fait que l’équilibre des pouvoirs repose entre autres sur la qualité de l’information fournie aux actionnaires.
Les années 1990 ont été témoins de certaines défaillances dans le système de gouvernance de nos entreprises. La dispersion du capital aurait dû légitimement renforcer le pouvoir des actionnaires dans le gouvernement d’entreprise. Or, dans les faits, rien n’a pu empêcher des rémunérations excessives de dirigeants, ni certains mensonges quant à l’endettement réel des entreprises, par des détournements comptables. Le législateur a donc dû mettre en place des mécanismes de contrôle pour rétablir la confiance des actionnaires et réhabiliter leur pouvoir dans les entreprises.
Il est ensuite apparu que la bonne gouvernance était essentielle à la performance au même titre que le management. Comme le précise le professeur Pierre-Yves Gomez dans son référentiel pour une gouvernance raisonnable des entreprises françaises : « Bien gouverner est aussi décisif que bien manager, et cela est valable pour toute entreprise ». Les codes, rapports, textes et recommandations sur la gouvernance se sont donc succédé au rythme des années depuis le rapport Viénot en 1995. Or, si ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, ce brouillard législatif est-il révélateur d’une mauvaise compréhension du concept de gouvernance ? Il en va de la gouvernance comme de tout système politique, elle a besoin de temps pour que les équilibres se créent.
Le système de gouvernance est-il une punition ?
Les premiers rapports de gouvernance ont tenté de rendre impossibles les excès de certaines pratiques de gouvernance. Ils préconisent par exemple la mise en place d’un comité de rémunération afin que la rétribution des dirigeants soit connue des actionnaires. Les lois sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 et de sécurité financière du 1er août 2003 limitent certaines dérives constatées par les affaires Enron (2001) et Andersen (2002) notamment, ces faillites étant dues à des opérations spéculatives maquillées par des opérations comptables. En favorisant une politique de transparence et en mettant en place des outils de contrôle, l’État a donc voulu restreindre le pouvoir parfois démesuré du président du conseil d’administration et rééquilibrer le rôle des actionnaires dans le gouvernement d’entreprise. Mais l’éducation ne peut se limiter à la punition. Face à la complexité des problématiques liées à la gouvernance, l’État a voulu faciliter les bonnes pratiques en proposant des codes de gouvernement d’entreprise qui servent de référence aux conseils d’administration (Afep-Medef, MiddleNext, AMF). Ils sont publiés chaque année, ce qui permet d’enrichir les pratiques de gouvernance par l’expérience des années précédentes.
Depuis la loi du 3 juillet 2008 sur certaines transpositions du droit communautaire, la règle de gouvernance se traduit désormais par le principe « comply or explain », qui laisse chaque entreprise libre d’utiliser le code qu’elle considère approprié. Les sociétés sont tenues chaque année d’éditer un rapport quant à l’application des recommandations du code choisi, ou, le cas échéant, d’expliciter les raisons pour lesquelles elles n’auraient pas appliqué ces dernières. Il y a donc une réelle volonté de l’État de responsabiliser les entreprises dans leur mode de fonctionnement. Et en même temps, toute la difficulté réside dans le fait qu’il est impossible de parler d’une unique bonne gouvernance puisqu’aucune entreprise n’est identique. Il semblerait donc qu’à travers toutes ces dispositions, l’Etat lance un défi de gouvernance aux entreprises dont la devise pourrait être cette phrase de Goethe : « Quel est le meilleur gouvernement ? Celui qui nous apprend à nous gouverner nous-même ». Tout en contrôlant les abus, l’État encourage les entreprises à s’approprier un code de gouvernement. Il ne serait pas surprenant d’imaginer que dans quelques années, un grand nombre d’entreprises éditent leur propre code de gouvernance.
Un relatif rééquilibrage des pouvoirs
La notion de pérennité est le dénominateur commun de la définition des trois pouvoirs de l’entreprise. De fait, la crise aura définitivement démontré que les raisonnements à court-terme sont nocifs pour la stabilité de l’économie en général et pour la performance de l’entreprise en particulier, qui repose aussi sur la confiance qu’ont les actionnaires dans la pérennité de l’activité. Toutes les études sur la gouvernance montrent que les bonnes pratiques se multiplient. La tendance est à la réhabilitation du pouvoir souverain de l’actionnaire sans pour autant annihiler celui des dirigeants ni du conseil d’administration. Pourtant, si entre l’intention et l’action il n’y a qu’un pas, les mesures de gouvernance prises par certains grands groupes français pourraient nous inquiéter. En effet, Axa, Atos Consulting et Safran pour ne citer qu’eux, ont décidé de mettre en place une structure unitaire à conseil d’administration. D’autres groupes, après avoir dissocié les fonctions de président et de directeur général en 2009, ont décidé de les réunifier peu de temps après (Véolia, France Télécom, L’Oréal). Ce type de décision, tout en étant légal (à partir du moment où le conseil d’administration explicite les raisons de ce choix), ne va pas vraiment dans le sens d’un équilibre des pouvoirs, à l’inverse des sociétés du Royaume-Uni qui ont érigé la séparation des pouvoirs en principe de gouvernance.
La gouvernance et son esprit
Depuis 2003, la mise en place d’un administrateur référent dans les conseils d’administration en France est de plus en plus fréquente. Cette pratique nous vient du Royaume-Uni ou ce dernier facilite les relations du conseil d’administration avec les actionnaires, anime les relations entre les administrateurs indépendants, analyse le fonctionnement du conseil d’administration et prépare s’il y a lieu, la succession du président-directeur général. S’il faut se réjouir de cette pratique qui favorise fortement l’équilibre des pouvoirs dans l’entreprise, les premières nominations d’administrateurs référents dans les grands groupes n’ont pas vraiment servi la cause de l’indépendance qui doit être liées à cette fonction. Formellement, ces groupes essayent de changer la relation avec les investisseurs, mais comme le souligne Frédéric Genevrier, co-dirigeant de la société d'analyse financière indépendante OFG, il faut voir dans certaines nominations la volonté de « désamorcer une critique qu’adresse le marché sur une gouvernance totalement ou partiellement déficiente ». Difficile donc parfois de déceler dans certaines pratiques, autre chose qu’une communication d’entreprise ayant une gouvernance discutable… Mais Rome ne s’est pas faite en un jour, et il serait injuste de faire à ces sociétés un procès d’intention. Pour autant, nous ne pouvons pas non plus voir dans la mise en place d’un administrateur référent, le signe d’une amélioration de la gouvernance. Espérons seulement que les nominations futures des administrateurs référents soient à la hauteur de l’importance de leur rôle dans les conseils d’administration.
Le nouveau poids des actionnaires
Le thème central des assemblées générales de 2011 portait sur la capacité des grands groupes français à gérer les risques, qu'ils soient d'ordre naturel, nucléaire ou géopolitique. L’information sur ces sujets, jugée habituellement insuffisante, devrait cette année permettre aux entreprises de rassurer les actionnaires, garants de la continuité de l’activité. Le système de vote par Internet est aussi de plus en plus utilisé, signe de l’importance grandissante que représente l’avis de l’actionnaire dans les décisions de l’entreprise. La plate-forme Votaccess permet aux actionnaires de voter avant toute assemblée générale d’une société cotée dont ils détiennent des parts, pour un coût peu élevé (moins d’un euro par vote). Si la loi imposait aux conseils d’administration une certaine quantité d’informations (nomination, applications des recommandations de gouvernance, rémunération, etc.), les administrateurs s’astreignent désormais de plus en plus à fournir une information de qualité aux investisseurs. Il y a donc une prise de conscience sur le fait que l’équilibre des pouvoirs repose entre autres sur la qualité de l’information fournie aux actionnaires.