Par Mouna Elgamali, auditeur juriste. Atequacy
Nouvelles mesures pénibilité?: une mise en place ardue pour les entreprises
Après trois ans de réforme, Atequacy fait le point sur le niveau d’application des mesures anti-pénibilité au sein des entreprises et les évolutions de la réforme. Comment les entreprises appréhendent-elles les nouvelles obligations de la loi du 20?janvier 2014 n° 2014-40 ?
La loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010, portant sur la réforme des retraites, introduit pour la première fois au sein du dispositif législatif la question de la pénibilité au travail. Aujourd’hui la pénibilité est caractérisée par une exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé.
Obligation de négocier un accord sur la pénibilité
Initialement, la loi du 9 novembre 2010 imposait à toutes les entreprises d’au moins 50 salariés, ou appartenant à un groupe d’au moins 50 salariés, qui employaient au moins 50?% de salariés exposés à des facteurs de pénibilité, de négocier un accord ou d’établir un plan d’action, sous peine d’une pénalité financière de 1?% de la masse salariale.
Désormais, avec la loi du 20 janvier 2014, à partir du 1er janvier 2015 seuls les salariés exposés au-delà de certains seuils fixés ultérieurement par décret, seront pris en compte pour calculer ce pourcentage de 50?%. Le nombre de salariés «?concernés?» par la pénibilité risque d’être moins important et le gouvernement songe à revoir ce seuil des 50?% à la baisse.
Autre nouveauté, au 1er janvier 2015, la négociation d’un accord collectif deviendra une étape obligatoire. L’employeur ne pourra mettre en place un plan d’action que si une négociation a été préalablement engagée et que son échec a été constaté dans un procès-verbal de désaccord.
Il va donc falloir changer les mentalités et réapprendre aux entreprises à négocier avec les organisations syndicales : en effet, le «?baromètre Pénibilité?» d’Atequacy révèle qu’une entreprise sur deux en moyenne ne consulte pas les organisations syndicales sur le sujet de la pénibilité.
La mise en place de la fiche pénibilité
Depuis le 1er février 2012, les employeurs doivent consigner, dans une fiche individuelle établie pour chaque salarié exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels, les conditions auxquelles ce dernier est exposé, la période au cours de laquelle cette exposition est survenue ainsi que les mesures de prévention mises en œuvre par l’employeur pour faire disparaître ou réduire ces facteurs durant cette période.
À partir du 1er janvier 2015, seule l’exposition au-delà de certains seuils à des facteurs de risques professionnels devra être prise en compte pour établir cette fiche. La fixation de ces seuils par décret est prévue mi-2014. Les entreprises ne disposeront donc, en pleine période estivale, que d’un délai de six mois pour se mettre en conformité avec ces nouvelles obligations. Selon le baromètre pénibilité d’Atequacy : 67?% des entreprises interrogées ont déjà mis en place des fiches pénibilité contre 55?% en 2012. En cas de manquement, les entreprises encourent des risques de sanctions pénales et civiles.
La création du compte personnel de prévention de la pénibilité
Le baromètre pénibilité d’Atequacy révèle également qu’une entreprise sur deux n’a pas connaissance de l’obligation de mettre en place, à partir du 1er?janvier 2015, un compte personnel de prévention de la pénibilité (CPPP).
Pour rappel, la loi du 20 janvier 2014 garantissant «?l’avenir et la justice du système de retraites?» crée le compte personnel de prévention de la pénibilité qui vise à comptabiliser des points, pour tous les salariés du secteur privé exposés, au-delà d’un certain seuil, à un ou plusieurs des dix facteurs de pénibilité. Chaque trimestre d’exposition à un facteur de pénibilité ajoute «?1 point?» au compte, ou «?2 points?» en cas d’exposition à plusieurs facteurs. Chaque tranche de «?10 points?» rapporte un trimestre. Les vingt premiers points sont obligatoirement utilisés pour la formation.
Ces points peuvent être convertis en temps de formation pour sortir d’un emploi exposé à la pénibilité, ou en passage à temps partiel en fin de carrière avec maintien de rémunération ou bien encore en trimestres de retraite.
La gestion du CPPP sera assurée par «?les caisses chargées du service des prestations d’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale?» qui devront enregistrer sur le CPPP les points acquis conformément aux déclarations faites par l’employeur au sein des fiches pénibilité et notifier au salarié les points acquis annuellement. Les Carsat verseront les sommes représentatives des points aux financeurs des actions de formation, aux employeurs ou au régime de retraite compétent, en fonction de l'utilisation effectuée par le salarié.
Les Caisses auront également un pouvoir de contrôle de la réalité des expositions aux facteurs de pénibilité. En cas de désaccord les Carsat auront un délai de cinq ans pour mettre en demeure l’employeur de modifier les données enregistrées. En cas de déclaration inexacte, l’employeur devra payer une pénalité qui ne pourra dépasser «?50?% du plafond mensuel de sécurité sociale en vigueur, au titre de chaque salarié ou assimilé pour lequel est constatée l’inexactitude?».
En pratique, la mise en place et le contrôle du CPPP risquent d’être plus compliqués qu’il n’y paraît. Les Carsat sont d’ores et déjà engorgées du fait de leurs fonctions actuelles et des différents recours pour lesquelles elles sont saisies. Comment pourront-elles assurer un contrôle effectif des données transmises par l’employeur ? In fine, le baromètre Pénibilité d’Atequacy révèle que sept entreprises sur dix ne savent pas encore qu’elles seront chargées de financer le CPPP.
Un dispositif financé par de nouvelles cotisations
Rappelons enfin que ce compte sera financé au moyen d'une double cotisation exclusivement à la charge des employeurs. Une cotisation de base, dont le taux sera fixé par décret dans la limite de 0,2?% des rémunérations des salariés, sera due par les employeurs au titre des salariés entrant dans le champ d'application du compte personnel de prévention de la pénibilité.
Une cotisation supplémentaire sera due par les employeurs ayant effectivement exposé au moins un de leurs salariés à la pénibilité : taux compris entre 0,3 et 0,8?% sur les rémunérations des salariés exposés à un seul facteur de risques ; taux compris entre 0,6 et 1,6?% sur les rémunérations des salariés exposés à plusieurs facteurs de risques.
Entre la complexité de mise en place des outils (fiches pénibilité, CPPP) dans des délais très réduits et les cotisations supplémentaires que les employeurs devront verser à partir de 2015, la pénibilité ne manquera pas d’être un sujet sensible pour les entreprises au cours des prochains mois.
La loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010, portant sur la réforme des retraites, introduit pour la première fois au sein du dispositif législatif la question de la pénibilité au travail. Aujourd’hui la pénibilité est caractérisée par une exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé.
Obligation de négocier un accord sur la pénibilité
Initialement, la loi du 9 novembre 2010 imposait à toutes les entreprises d’au moins 50 salariés, ou appartenant à un groupe d’au moins 50 salariés, qui employaient au moins 50?% de salariés exposés à des facteurs de pénibilité, de négocier un accord ou d’établir un plan d’action, sous peine d’une pénalité financière de 1?% de la masse salariale.
Désormais, avec la loi du 20 janvier 2014, à partir du 1er janvier 2015 seuls les salariés exposés au-delà de certains seuils fixés ultérieurement par décret, seront pris en compte pour calculer ce pourcentage de 50?%. Le nombre de salariés «?concernés?» par la pénibilité risque d’être moins important et le gouvernement songe à revoir ce seuil des 50?% à la baisse.
Autre nouveauté, au 1er janvier 2015, la négociation d’un accord collectif deviendra une étape obligatoire. L’employeur ne pourra mettre en place un plan d’action que si une négociation a été préalablement engagée et que son échec a été constaté dans un procès-verbal de désaccord.
Il va donc falloir changer les mentalités et réapprendre aux entreprises à négocier avec les organisations syndicales : en effet, le «?baromètre Pénibilité?» d’Atequacy révèle qu’une entreprise sur deux en moyenne ne consulte pas les organisations syndicales sur le sujet de la pénibilité.
La mise en place de la fiche pénibilité
Depuis le 1er février 2012, les employeurs doivent consigner, dans une fiche individuelle établie pour chaque salarié exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels, les conditions auxquelles ce dernier est exposé, la période au cours de laquelle cette exposition est survenue ainsi que les mesures de prévention mises en œuvre par l’employeur pour faire disparaître ou réduire ces facteurs durant cette période.
À partir du 1er janvier 2015, seule l’exposition au-delà de certains seuils à des facteurs de risques professionnels devra être prise en compte pour établir cette fiche. La fixation de ces seuils par décret est prévue mi-2014. Les entreprises ne disposeront donc, en pleine période estivale, que d’un délai de six mois pour se mettre en conformité avec ces nouvelles obligations. Selon le baromètre pénibilité d’Atequacy : 67?% des entreprises interrogées ont déjà mis en place des fiches pénibilité contre 55?% en 2012. En cas de manquement, les entreprises encourent des risques de sanctions pénales et civiles.
La création du compte personnel de prévention de la pénibilité
Le baromètre pénibilité d’Atequacy révèle également qu’une entreprise sur deux n’a pas connaissance de l’obligation de mettre en place, à partir du 1er?janvier 2015, un compte personnel de prévention de la pénibilité (CPPP).
Pour rappel, la loi du 20 janvier 2014 garantissant «?l’avenir et la justice du système de retraites?» crée le compte personnel de prévention de la pénibilité qui vise à comptabiliser des points, pour tous les salariés du secteur privé exposés, au-delà d’un certain seuil, à un ou plusieurs des dix facteurs de pénibilité. Chaque trimestre d’exposition à un facteur de pénibilité ajoute «?1 point?» au compte, ou «?2 points?» en cas d’exposition à plusieurs facteurs. Chaque tranche de «?10 points?» rapporte un trimestre. Les vingt premiers points sont obligatoirement utilisés pour la formation.
Ces points peuvent être convertis en temps de formation pour sortir d’un emploi exposé à la pénibilité, ou en passage à temps partiel en fin de carrière avec maintien de rémunération ou bien encore en trimestres de retraite.
La gestion du CPPP sera assurée par «?les caisses chargées du service des prestations d’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale?» qui devront enregistrer sur le CPPP les points acquis conformément aux déclarations faites par l’employeur au sein des fiches pénibilité et notifier au salarié les points acquis annuellement. Les Carsat verseront les sommes représentatives des points aux financeurs des actions de formation, aux employeurs ou au régime de retraite compétent, en fonction de l'utilisation effectuée par le salarié.
Les Caisses auront également un pouvoir de contrôle de la réalité des expositions aux facteurs de pénibilité. En cas de désaccord les Carsat auront un délai de cinq ans pour mettre en demeure l’employeur de modifier les données enregistrées. En cas de déclaration inexacte, l’employeur devra payer une pénalité qui ne pourra dépasser «?50?% du plafond mensuel de sécurité sociale en vigueur, au titre de chaque salarié ou assimilé pour lequel est constatée l’inexactitude?».
En pratique, la mise en place et le contrôle du CPPP risquent d’être plus compliqués qu’il n’y paraît. Les Carsat sont d’ores et déjà engorgées du fait de leurs fonctions actuelles et des différents recours pour lesquelles elles sont saisies. Comment pourront-elles assurer un contrôle effectif des données transmises par l’employeur ? In fine, le baromètre Pénibilité d’Atequacy révèle que sept entreprises sur dix ne savent pas encore qu’elles seront chargées de financer le CPPP.
Un dispositif financé par de nouvelles cotisations
Rappelons enfin que ce compte sera financé au moyen d'une double cotisation exclusivement à la charge des employeurs. Une cotisation de base, dont le taux sera fixé par décret dans la limite de 0,2?% des rémunérations des salariés, sera due par les employeurs au titre des salariés entrant dans le champ d'application du compte personnel de prévention de la pénibilité.
Une cotisation supplémentaire sera due par les employeurs ayant effectivement exposé au moins un de leurs salariés à la pénibilité : taux compris entre 0,3 et 0,8?% sur les rémunérations des salariés exposés à un seul facteur de risques ; taux compris entre 0,6 et 1,6?% sur les rémunérations des salariés exposés à plusieurs facteurs de risques.
Entre la complexité de mise en place des outils (fiches pénibilité, CPPP) dans des délais très réduits et les cotisations supplémentaires que les employeurs devront verser à partir de 2015, la pénibilité ne manquera pas d’être un sujet sensible pour les entreprises au cours des prochains mois.