Avec la reprise du leader des produits d’entretien Spotless Group, le fonds d’investissements BC Partne relance le LBO. Da un marché en quête de repères, l’opération est devenue la référence sur le segment de la dette LBO.

Avec la reprise du leader des produits d’entretien Spotless Group, le fonds d’investissements BC Partners relance le LBO. Dans un marché en quête de repères, l’opération est devenue la référence sur le segment de la dette LBO.

Côté pile, Spotless Group, constitué en 2005 autour de la marque Eau Écarlate, est le leader des produits d’entretien en Europe. Côté face, la marque fait partie de l’histoire du LBO de la place de Paris. Reprise par Argos Soditic en 2000 à l’occasion d’un MBI, Eau Écarlate a successivement été rachetée par Barclays Private Equity, puis iXEN et enfin Axa Private Equity (Axa PE) en 2005.

De 2005 à 2009, le fonds de la place Vendôme lui aura donné une autre dimension. Sur la période, le chiffre d’affaires passe d’une cinquantaine de millions d’euros, à plus de 310 millions. Tout bon professionnel du LBO parlera d’une belle « equity story » pour cette société, ce groupe désormais, qui a su tirer le meilleur parti de la solution du rachat par endettement.

Le cas Spotless Group a valeur d’exemple, pour ceux qui cherchent à démontrer les mérites du stress positif qu’induit la dette d’acquisition, sur la gestion et le développement des sociétés. Pour autant, l’entreprise Eau Écarlate de 2000 ou 2005 n’a plus rien à voir avec le Spotless Group de 2010. Même si la société s’est shootée au rachat par endettement depuis le début du siècle, la reprise par BC Partners correspond davantage à un LBO secondaire.


Séduits par le business model

Philippe Poletti, managing director et "head" de l'expertise LBO mid cap en France, Allemagne et Italie chez Axa PE, rappelle qu’ « à l’époque de notre prise de participation dans Eau Écarlate, nous avons été séduits par le business model de la société basé sur le marketing et l’innovation et l'externalisation de la production » et ajoute que « dès le départ, nous avions un projet de développement européen clairement établi dans la mesure où nous avions, en accord avec le management, déjà identifié six cibles prioritaires ».
La feuille de route est élaborée, reste la mise en œuvre. Du point de vue du développement stratégique, Spotless Group rachète, entre 2006 et 2008, Guaber en Italie, Punch en Irlande, Citin, basé au Benelux, Eparcyl en France, Ballerina en Espagne et enfin Dylon en Angleterre.
En termes opérationnels, 90 % de la production est externalisée, et avec l’appui d’Axa PE, l’équipe de management emmenée par Pierre Le Tanneur met en place un reporting financier, et renforce les process, notamment en matière d’innovation.

Pour Philippe Poletti, « Axa PE a joué son rôle de partenaire responsable de long terme. Nous sommes restés quatre ans et demi, avons investi plus de 100 millions d’euros dans le groupe, et avons permis le renforcement de l’équipe de management et de la gouvernance, avec l’arrivée de quatre administrateurs indépendants ».

Entre 2005 et 2009, le chiffre d’affaires et l’Ebitda ont été multiplié par quatre (normes IFRS), en grande partie grâce aux acquisitions. Sur cette période, « la réduction du levier financier a été très importante, avec 90 % de l’Ebitda convertis en cash », indique Philippe Poletti. À chaque acquisition, Axa PE affirme avoir « remis entre 30 et 50 % d’equity ». Au final, ces acquisitions ont permis à Spotless de se hisser au premier rang européen du segment de niche des produits d’entretien.


Du report de la cession…

 

Pour Axa PE, l’histoire était donc bien engagée du côté de sa participation avec le rachat de Dylon en Grande-Bretagne mi-2008 qui signait la réalisation de son plan de développement. À partir de cette date, le fonds réfléchit à céder Spotless. Mais la fermeture du marché de la dette l’oblige à reporter cette option. À la volatilité des marchés, Axa PE répond en adaptant les managements packages des équipes de Spotless, et met à leur disposition du « sweet equity » (cf. encadré). Aussi, il n’hésite pas à se renforcer dans Spotless en février 2009 en reprenant la participation de la famille Gualandi. L’opération permet au fonds de détenir 65,6 % du groupe.


…à la reprise par BC Partners

Fin 2009, la réouverture des marchés se dessine. Axa PE compte profiter de cette fenêtre pour lancer le process de cession dès le 1er janvier 2010. Toutefois, précise Philippe Poletti, « pour maximiser nos chances, la société a travaillé sur l’émission d'une dette high yield au moment de la cession ». Mais dès la troisième semaine de février, le fonds reçoit trois offres fermes de la part de BC Partners, Bridgepoint Capital et Lion Capital. Ces deux derniers fonds proposent des financements type « bridge to high yield » qui nécessitent un refinancement derrière.
BC Partners sort du lot. Le fonds, qui propose un financement LBO classique, est en effet le partenaire préféré du management. L’offre de BC Partners, qui reprend 66 % de Spotless Group, valorise la société autour de 600 millions d’euros.
Pour mémoire, Axa PE avait repris 100 % du groupe Eau Écarlate pour une valeur d’entreprise de 150 millions d’euros.

Après avoir investit un peu plus de 100 millions d’euros dans sa participation, la développant à coup de build-up et la structurant dans ses process, le fonds peut se satisfaire de la plus-value générée par cette cession. En outre, Philippe Poletti tient à préciser qu’ « à notre sortie, comme nous l'avions déjà fait sur Photonis, nous avons reversé une partie de la plus-value aux employés, qui a représentée une prime moyenne de deux mois de salaire ».

Pour l’opération, BC Partners débourse 285 millions d’euros en cash. Dans le même temps, le fonds rembourse la dette existante des trois pools bancaires, estimée à 250 millions d’euro fin 2009, située au niveau des trois filiales pays et remet en place un financement LBO d’environ 300 million d’euros au niveau de Spotless Groupe SAS (cf. graphique de la structure juridique).
Cette nouvelle dette, qui représente un levier d’un peu plus de 4 fois l’Ebitda, a été apportée par un pool de quatre banques, que sont HSBC, la Société générale, Bank of Ireland et Lloyds Banking Group plc. Elle se décompose à part égale en une dette amortissable et in fine à respectivement sept et huit ans. Son coût est compris entre 450 et 500 points de base par rapport à l’Euribor variable. Ce dernier point fait dire à Jean-Baptiste Wautier, managing director chez BC Partners, qu’ « un swap de taux va être mis en place pour sécuriser l’endettement ».


Trois axes de développement

De son côté, le management est associé à l’opération. Jean-Baptiste Wautier se félicite qu’ « une trentaine de managers aient massivement réinvesti dans la société, ce qui est un signe de confiance dans la stratégie ». Une stratégie qui a pour objectif de doubler le chiffre d’affaires du groupe, et de maintenir les marges d’ici quatre à cinq ans. Trois axes de développement doivent permettre de répondre à ces ambitions.
Le premier est de maximiser les synergies possibles au niveau du groupe, des process et de l’innovation. Le deuxième est le déploiement géographique, avec une volonté affichée par BC Partners de favoriser la croissance interne par l’innovation produit, mais aussi de se développer sur de nouveaux marchés grâce aux marques existantes. Sur ce point, une réflexion est en cours pour entrer sur le marché américain. Enfin, Jean-Baptiste Wautier envisage « de continuer la stratégie de croissance externe en Europe. Les cibles privilégiées seront des sociétés rentables, indépendantes ou non, dans les domaines du soin du linge et des insecticides de préférence ».

Pour la suite, BC Partners se dit « prêt à réinvestir si nécessaire dans la société », sachant que son fonds VIII, qui dispose de 5,9 milliards d’euros, n’est investi qu’à hauteur de 75 %, « ce qui laisse environ un milliard d’euros à investir dans des acquisitions ».
 

Une référence pour tous les acteurs du LBO

L’opération fait figure d’exception dans un marché qui se cherche. Eduardo Fernandez, avocat associé chez Willkie Farr & Gallagher LLP, considère que « l’opération Spotless est devenue la marque de référence pour tous les acteurs du LBO aujourd’hui » et ajoute que « même si les banques ont assorti le prêt de conditions particulièrement contraignantes, cela a permis au marché de la dette de se rouvrir ». Alors même que de nombreux acteurs doutent encore de la réouverture effective du marché de la dette LBO, les banques, elles, semblent avoir adopté des mesures leur permettant de sécuriser leurs créances.

 Hormis les niveaux de leviers qui ne peuvent dépasser plus de trois ou quatre fois l’Ebitda, les prêteurs demandent plus de garanties sur les actifs. Alors même que de nombreux acteurs doutent encore de la réouverture effective du marché de la dette LBO, les banques, elles, semblent avoir adopté des mesures leur permettant de sécuriser leurs créances. Hormis les niveaux de leviers qui ne peuvent dépasser plus de trois ou quatre fois l’Ebitda, les prêteurs demandent plus de garanties sur les actifs. Au regard de l’opération Spotless, cela se traduit par des structures juridiques et des clauses qui prévoient des solutions alternatives au recours à la loi de sauvegarde, quitte à s’immiscer dans la vie des sociétés, en cas de difficultés.
Bien sûr, Spotless ne connaît pas la crise, croît, et doit se réjouir de ses marges. Gilles Collombin, managing director et head of financial sponsor chez HSBC précise que « la qualité de l’actif et le nom du sponsor sont primordiaux pour mener à bien une opération LBO aujourd’hui. Avec Spotless et BC Partners, le marché français se réouvre, tout comme Wood Mackenzie et le fonds Charterhouse l’avait fait en Angleterre au mois de juillet dernier ».
La tendance est actée pour les professionnels du LBO, et seuls les plus beaux dossiers trouveront preneurs.

Juin 2010

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