Par Stève Félix, associé. Lambert & Associés
Marques?: une mauvaise foi stratégique ou une stratégie de mauvaise foi??
La nouvelle loi chinoise sur les marques entre en vigueur 1er mai 2014. Elle doit permettre de renforcer la bonne foi dans le droit chinois et de lutter contre les usurpations de marques fréquentes mais jusqu’alors difficiles à combattre sur ce territoire. Mais nous n’avons pas besoin d’aller jusqu’en Chine pour trouver des acteurs au goût prononcé pour la mauvaise foi.
Grâce à cette réforme, la Chine souhaite démontrer aux investisseurs que son marché est fiable et emprunt d’une sécurité juridique suffisante pour le développement de leurs activités. La première des choses est en effet de faire respecter la fonction première de la marque qui est d’accorder un monopole d’exploitation à son titulaire pour lui permettre de rentabiliser les investissements qu’il a dû consentir pour se faire connaître du consommateur. Au-delà des intentions affirmées, il devrait désormais être possible de se prévaloir en Chine du principe de bonne foi à l’encontre d’un dépôt frauduleux, permettant ainsi d’agir sans être titulaire de droits antérieurs à l’encontre de distributeurs ou fabricants locaux usurpant ses marques. La loi chinoise va même plus loin en permettant la mise en cause de la responsabilité des conseils en marque dans certains cas et en prévoyant des sanctions financières spécifiques à l’encontre des fraudeurs, des mesures fortes qui démontrent l’importance de lutter contre ce phénomène très répandu. Mais avant de combattre ces dépôts frauduleux, encore faut-il être vigilant à l’usurpation par des tiers de ses marques en mettant en place les surveillances qui permettront d’identifier les dépôts de marques identiques et similaires sur ses territoires d’intérêt. Dans ce jeu de conquête, chacun fera preuve de subtilité pour justifier ses pratiques et sécuriser ses marchés. Le droit des marques apparaît dès lors comme une arme concurrentielle mais cet outil devra être manié avec précaution et avec l’accompagnement d’un Conseil qui appréciera la frontière ténue entre des stratégies de mauvaise foi condamnables par nature et une interprétation stratégique des normes qui peut s’avérer essentielle pour la sauvegarde de vos droits.
La mauvaise foi, du détournement des textes à l’intention de nuire
La fraude consiste à détourner une règle de droit à son profit ou dans l’intention de nuire aux tiers. Les situations les plus classiques de mauvaise foi concernent les cas de dépôt de marque à l’identique par un tiers non autorisé. Dans les faits, le dirigeant peut craindre trois hypothèses principales :
1) le dépôt de sa marque par un tiers pour rançonner l’exploitant légitime qui a tardé à la déposer,
2) le dépôt de sa marque par un concurrent à l’étranger pour lui interdire l’accès à un marché et
3) le dépôt de sa marque par un distributeur local qui entend se substituer au titulaire de la marque d’origine. Dans ces circonstances, et dès lors qu’il est possible de rapporter la mauvaise foi du déposant, une action en nullité sur la base de l’adage fraus omnia corrumpit (la fraude corrompt tout) est envisageable voire une action en revendication de propriété fondée sur l’Art. L. 712-6 du CPI. Attention toutefois, la preuve de la connaissance de la marque antérieure ne suffit pas en tant que tel à caractériser la mauvaise foi ! En effet, la Cour de justice de l’Union européenne considère que la mauvaise foi s’apprécie de manière globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents de l’espèce et que le fait que le déposant sache ou devrait savoir qu’un tiers utilise un même signe ne suffit pas pour établir l’existence de la mauvaise foi du déposant (CJUE, 27/06/2013, C-320/12). Il convient de prendre en compte l’intention du déposant au moment du dépôt de la marque, élément intentionnel qui caractérisera la fraude. Ainsi, un distributeur étranger qui aura déposé la marque de son partenaire et fournisseur français (en visant notamment la France) pourra échapper au grief de mauvaise foi dès lors qu’il rapporte la preuve que son intention n’était pas de spolier son partenaire mais d’empêcher un concurrent de se lancer sur le marché avec une marque proche, et ce d’autant plus si le distributeur propose la cession de la marque litigeuse à son titulaire légitime au prix des seuls frais de dépôt. La mauvaise foi se retrouve également dans le fait de redéposer sa marque pour échapper à la déchéance pour non-usage sérieux prévue à l’article L. 714-5 du CPI. Cet article dispose qu’une marque non exploitée au cours des cinq dernières années est susceptible d’être attaquée en déchéance à la demande d’un tiers intéressé. Pour contrer cette disposition, qui a pour but de nettoyer les registres de marques, certains titulaires redéposent leur marque cinq ans après leur premier dépôt pour faire repartir un nouveau délai de cinq ans et ainsi maintenir leurs droits sur le signe concerné. L’idée est de maintenir un monopole sur sa marque sans avoir à justifier d’une exploitation sérieuse et ainsi maintenir la validité de sa marque d’origine sans craindre l’action d’un concurrent désireux de s’accaparer ses droits. Cette pratique tombe bien évidemment sous le coup de la mauvaise foi et une action en nullité contre le nouveau dépôt aura de bonnes chances d’aboutir laissant la marque ancienne sous le coup d’une action en déchéance.
De la mauvaise foi à l’intelligence économique
La subtilité pour remédier à cette sanction et maintenir ses droits sur un signe que l’on n’exploite plus mais que l’on n’imagine pas voir tomber dans les mains de la concurrence est de redéposer sa marque... au niveau communautaire. En effet, le tribunal de Grande Instance de Paris a pu considérer le 11/02/2009 que la marque communautaire ayant une portée différente de celle de la marque française, notamment quant à sa portée géographie (28 pays sont couverts à ce jour), elle n’a pas vocation à se substituer à la marque française et que, par conséquent, un tel dépôt communautaire ne pouvait être considéré comme étant de mauvaise foi, alors même qu’il porte sur le même signe qu’une marque française antérieure dont la déchéance pour non-usage avait été prononcée auparavant. De même, le re-dépôt d’une version actualisée de sa marque, avec un nouveau design comprenant quelques variations, quelques ajouts minimes, pour des produits et services également mis à jour, et ce à l’occasion de l’anniversaire du lancement de la marque, pourra être considéré comme un dépôt légitime échappant au courroux de la mauvaise foi (Tribunal, Aff. T-136/11 du 13/12/2012).
Recommandations
S’agissant de lutter contre les dépôts de marques frauduleux, il sera toujours préférable de déposer sa marque rapidement sur tous les territoires d’intérêt sous peine de s’en voir bloquer l’accès. En outre, seule la mise sous surveillance de ses marques permettra d’être informé des dépôts de marque frauduleux n’importe où dans le monde et d’initier les démarches pour
se défendre.
Grâce à cette réforme, la Chine souhaite démontrer aux investisseurs que son marché est fiable et emprunt d’une sécurité juridique suffisante pour le développement de leurs activités. La première des choses est en effet de faire respecter la fonction première de la marque qui est d’accorder un monopole d’exploitation à son titulaire pour lui permettre de rentabiliser les investissements qu’il a dû consentir pour se faire connaître du consommateur. Au-delà des intentions affirmées, il devrait désormais être possible de se prévaloir en Chine du principe de bonne foi à l’encontre d’un dépôt frauduleux, permettant ainsi d’agir sans être titulaire de droits antérieurs à l’encontre de distributeurs ou fabricants locaux usurpant ses marques. La loi chinoise va même plus loin en permettant la mise en cause de la responsabilité des conseils en marque dans certains cas et en prévoyant des sanctions financières spécifiques à l’encontre des fraudeurs, des mesures fortes qui démontrent l’importance de lutter contre ce phénomène très répandu. Mais avant de combattre ces dépôts frauduleux, encore faut-il être vigilant à l’usurpation par des tiers de ses marques en mettant en place les surveillances qui permettront d’identifier les dépôts de marques identiques et similaires sur ses territoires d’intérêt. Dans ce jeu de conquête, chacun fera preuve de subtilité pour justifier ses pratiques et sécuriser ses marchés. Le droit des marques apparaît dès lors comme une arme concurrentielle mais cet outil devra être manié avec précaution et avec l’accompagnement d’un Conseil qui appréciera la frontière ténue entre des stratégies de mauvaise foi condamnables par nature et une interprétation stratégique des normes qui peut s’avérer essentielle pour la sauvegarde de vos droits.
La mauvaise foi, du détournement des textes à l’intention de nuire
La fraude consiste à détourner une règle de droit à son profit ou dans l’intention de nuire aux tiers. Les situations les plus classiques de mauvaise foi concernent les cas de dépôt de marque à l’identique par un tiers non autorisé. Dans les faits, le dirigeant peut craindre trois hypothèses principales :
1) le dépôt de sa marque par un tiers pour rançonner l’exploitant légitime qui a tardé à la déposer,
2) le dépôt de sa marque par un concurrent à l’étranger pour lui interdire l’accès à un marché et
3) le dépôt de sa marque par un distributeur local qui entend se substituer au titulaire de la marque d’origine. Dans ces circonstances, et dès lors qu’il est possible de rapporter la mauvaise foi du déposant, une action en nullité sur la base de l’adage fraus omnia corrumpit (la fraude corrompt tout) est envisageable voire une action en revendication de propriété fondée sur l’Art. L. 712-6 du CPI. Attention toutefois, la preuve de la connaissance de la marque antérieure ne suffit pas en tant que tel à caractériser la mauvaise foi ! En effet, la Cour de justice de l’Union européenne considère que la mauvaise foi s’apprécie de manière globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents de l’espèce et que le fait que le déposant sache ou devrait savoir qu’un tiers utilise un même signe ne suffit pas pour établir l’existence de la mauvaise foi du déposant (CJUE, 27/06/2013, C-320/12). Il convient de prendre en compte l’intention du déposant au moment du dépôt de la marque, élément intentionnel qui caractérisera la fraude. Ainsi, un distributeur étranger qui aura déposé la marque de son partenaire et fournisseur français (en visant notamment la France) pourra échapper au grief de mauvaise foi dès lors qu’il rapporte la preuve que son intention n’était pas de spolier son partenaire mais d’empêcher un concurrent de se lancer sur le marché avec une marque proche, et ce d’autant plus si le distributeur propose la cession de la marque litigeuse à son titulaire légitime au prix des seuls frais de dépôt. La mauvaise foi se retrouve également dans le fait de redéposer sa marque pour échapper à la déchéance pour non-usage sérieux prévue à l’article L. 714-5 du CPI. Cet article dispose qu’une marque non exploitée au cours des cinq dernières années est susceptible d’être attaquée en déchéance à la demande d’un tiers intéressé. Pour contrer cette disposition, qui a pour but de nettoyer les registres de marques, certains titulaires redéposent leur marque cinq ans après leur premier dépôt pour faire repartir un nouveau délai de cinq ans et ainsi maintenir leurs droits sur le signe concerné. L’idée est de maintenir un monopole sur sa marque sans avoir à justifier d’une exploitation sérieuse et ainsi maintenir la validité de sa marque d’origine sans craindre l’action d’un concurrent désireux de s’accaparer ses droits. Cette pratique tombe bien évidemment sous le coup de la mauvaise foi et une action en nullité contre le nouveau dépôt aura de bonnes chances d’aboutir laissant la marque ancienne sous le coup d’une action en déchéance.
De la mauvaise foi à l’intelligence économique
La subtilité pour remédier à cette sanction et maintenir ses droits sur un signe que l’on n’exploite plus mais que l’on n’imagine pas voir tomber dans les mains de la concurrence est de redéposer sa marque... au niveau communautaire. En effet, le tribunal de Grande Instance de Paris a pu considérer le 11/02/2009 que la marque communautaire ayant une portée différente de celle de la marque française, notamment quant à sa portée géographie (28 pays sont couverts à ce jour), elle n’a pas vocation à se substituer à la marque française et que, par conséquent, un tel dépôt communautaire ne pouvait être considéré comme étant de mauvaise foi, alors même qu’il porte sur le même signe qu’une marque française antérieure dont la déchéance pour non-usage avait été prononcée auparavant. De même, le re-dépôt d’une version actualisée de sa marque, avec un nouveau design comprenant quelques variations, quelques ajouts minimes, pour des produits et services également mis à jour, et ce à l’occasion de l’anniversaire du lancement de la marque, pourra être considéré comme un dépôt légitime échappant au courroux de la mauvaise foi (Tribunal, Aff. T-136/11 du 13/12/2012).
Recommandations
S’agissant de lutter contre les dépôts de marques frauduleux, il sera toujours préférable de déposer sa marque rapidement sur tous les territoires d’intérêt sous peine de s’en voir bloquer l’accès. En outre, seule la mise sous surveillance de ses marques permettra d’être informé des dépôts de marque frauduleux n’importe où dans le monde et d’initier les démarches pour
se défendre.