Par Valérie Marais, avocat associé. DS Avocats
Alors que le gouvernement s’est engagé à atteindre une production de 500 000 logements neufs par an, la crise du logement s’est traduite en 2012 par une diminution sensible des ventes et de la production de logements neufs. Par deux ordonnances du 3?octobre 2013, le gouvernement instaure de nouvelles mesures pour accélérer et faciliter la construction de logements.

La procédure intégrée pour le logement
La première série de mesures, entrée en vigueur le 1er?janvier 2014, est issue de l’ordonnance n°2013-888 du 3?octobre 2013 relative à la procédure intégrée pour le logement ou PIL. Elle permet une adaptation accélérée des documents d’urbanisme nécessaire au projet.
La PIL (1) peut être mise en œuvre lorsque la réalisation, au sein d’une même unité urbaine pour la réalisation d’une opération d’aménagement ou de construction comportant principalement des logements, exige la mise en compatibilité par exemple du schéma directeur de la région d’Ile-de-France, d’un plan local d’urbanisme ou d’un document en tenant lieu. Pour être initiée, cette procédure suppose que l’opération d’aménagement ou de construction, public ou privé, revête un caractère d’intérêt général et soit située dans une unité urbaine telle que définie par l’Insee. En pratique et pour la mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme, la procédure relèvera du préfet, lequel pourra organiser une seule enquête publique pour l’adaptation des documents d’urbanisme et les normes supérieures. Enfin et lorsque le projet est suffisamment avancé, l’instruction en temps masqué de l’autorisation de construire est prévue, les pièces nécessaires à cette instruction pouvant être transmises par l’autorité ayant décidé d’engager la PIL. Un décret viendra bientôt préciser les pièces à transmettre et les délais impartis pour l’instruction en temps masqué des permis.

Les mesures relatives au développement de la construction de logement
La seconde série de mesures, entrée en vigueur le 5?octobre 2013, est issue de l’ordonnance n°2013-889 du 3?octobre 2013 relative au développement de la construction de logement complétée par un décret n°2013-891 du même jour. Elle permet des dérogations aux règles d’urbanisme et aux règles de construction. Le nouveau dispositif s’applique dans les zones dites tendues c’est-à-dire (i) dans les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements (2) et (ii) dans les communes de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique (3).

Les dérogations aux règles d’urbanisme
Dans ces zones tendues, l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire peut, par décision motivée, délivrer quatre types de dérogations (4) aux règles d’urbanisme. Tout d’abord, et pour autoriser une construction destinée principalement à l’habitation, une dérogation aux règles de gabarit et de densité par dépassement de la hauteur maximale fixée par le règlement est possible sous réserve de ne pas dépasser la hauteur de la construction contiguë existante calculée à son faîtage. La dérogation est accordée à la condition que le projet s’intègre harmonieusement dans le milieu urbain environnant. Ensuite, et pour autoriser la surélévation d’une construction achevée depuis plus de deux ans ayant pour objet de créer des logements, une dérogation aux règles de densité et aux obligations en matière de création d’aires de stationnement peut être autorisée sous réserve là encore de ne pas dépasser la hauteur de la construction contiguë existante calculée à son faîtage. Le même type de dérogation pourra être accordé pour autoriser la transformation à usage principal d’habitation d’un immeuble existant par reconstruction, rénovation ou réhabilitation, dans la limite du gabarit de l’immeuble existant. Enfin, il peut être dérogé aux obligations en matière de création d’aires de stationnement applicable au logement lorsque le projet de construction de logements est situé à moins de 500 mètres d’une gare ou d’une station de transport public ou d’une station de transport public guidé ou de transport collectif en site propre, en tenant compte de la qualité de la desserte, de la densité urbaine ou des besoins propres au projet au regard des capacités de stationnement existantes à proximité.

Les dérogations aux règles de construction
Dans les zones tendues, le préfet peut, pour un projet de surélévation d’immeuble achevé depuis plus de deux ans, accorder des dérogations aux règles de construction relatives à l’isolation acoustique, à la protection contre l’incendie et aux lignes de communication à très haut débit, aux brancards, aux ascenseurs, à l’aération (5). La décision accordant la dérogation peut imposer des mesures compensatoires au maître d’ouvrage étant précisé que dans sa demande le pétitionnaire doit préciser les raisons pour lesquelles il ne peut satisfaire les normes constructives et proposer des mesures compensatoires telles que des aménagements ou des mesures techniques ou d’exploitation.

L’instruction des permis comportant des demandes de dérogations
Le délai d’instruction de droit commun du permis de construire est majoré d’un mois pour les demandes de dérogation aux règles d’urbanisme et de deux mois pour les demandes de dérogation aux règles de construction. Pour les demandes de dérogations aux règles de construction, le pétitionnaire doit fournir un exemplaire supplémentaire de son dossier de demande de permis et joindre sa demande de dérogation. Le préfet, saisi dans la semaine du dépôt du permis par le maire, dispose d’un délai de trois mois pour instruire la demande de dérogation. L’absence de réponse du préfet dans ce délai vaut acceptation de la demande. En tout état de cause, le permis ne peut pas être accordé avant l’obtention de la dérogation. En cas de refus de la dérogation, le permis peut faire l’objet d’un refus tacite. Enfin, lorsqu’une dérogation aux règles d’urbanisme ou de construction est accordée, l’affichage en mairie porte sur l’intégralité de l’arrêté.

Compétence discrétionnaire
Les dérogations sont accordées ou refusées dans le cadre d’un pouvoir discrétionnaire sous le contrôle du juge qui ne peut exercer qu’un contrôle restreint sur les refus d’autorisation. En pratique, l’application concrète de la réforme dépendra le plus souvent des maires lesquels sont pour leurs villes généralement réticents à une trop grande densification.


1- Nouvel article L.300-6-1 du code de l’urbanisme.
2 -La liste figure en annexe du décret n°2013-671 du 24 juillet 2013.
3 La liste figure en annexe du décret n°2013-392 du 10 mai 2013.
4- Nouvel article L.123-5-1 du code de l’urbanisme.
5- Nouvel article L.111-4-1 du code de l’urbanisme.

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