Etienne Giros (Cian) : « Nous sommes la voix des entreprises françaises en Afrique »
Décideurs. Quel est le rôle du Cian ?
Etienne Giros. Notre mission s’articule autour de plusieurs axes : il s’agit d’abord de constituer un réseau entre les acteurs et membres du Cian – essentiellement des entreprises françaises. Nous avons aujourd’hui 160 membres, réalisant un chiffre d’affaires de 60 millions d’euros sur le continent africain. Notre vocation première, c’est de mettre tous ces acteurs en relation.
Le second volet, c’est notre expertise reconnue sur des sujets africains. Par le biais de commissions permanentes sur des thèmes variés tels que la fiscalité, les ressources humaines, la sécurité, la RSE, nous traitons des sujets d’actualité et des questions transverses. Nous sommes d’ailleurs consultés par les pouvoirs publics sur ces thématiques, comme cela a été le cas à plusieurs reprises l’an passé.
Enfin, nous sommes le porte-parole des entreprises françaises en Afrique pour la défense de nos valeurs. Nous représentons à peu près 80 % des entreprises françaises présentes sur le continent, ce qui nous donne une légitimité. Nous nous adressons à l’opinion et aux institutions.
Décideurs. Selon vous, quel avenir est possible pour les entreprises françaises en Afrique ?
E.G. L’idée qui revient régulièrement est que les entreprises françaises perdraient pied en Afrique. Les chiffres avancés montrent que la part des entreprises françaises dans les importations africaines baisse, passant de 11 % en 2000 à 5,5 % en 2016, alors que dans le même temps, les entreprises chinoises sont passées de 3 % à 15 %. Ces chiffres représentent une nette baisse proportionnelle. Il faut éviter de tirer des conclusions hâtives. En effet, dans le même temps, le chiffre d’affaires des entreprises françaises sur le continent africain a doublé. La vérité est que la France a progressé moins vite que la croissance africaine.
Dans le secteur des matières premières les pays émergents ont pris une place prépondérante, au détriment de la France. Mais cette dernière dispose d’atouts dans d’autres secteurs : le commerce, le transport, les infrastructures, la ville intelligente.
Par ailleurs, une spécificité des entreprises françaises consiste en l’implantation directe en Afrique, par le biais de filiales. Cette position n’est pas mesurée dans les statistiques douanières du commerce extérieur, et donc minore la place de nos entreprises.
Décideurs. Comment voyez-vous l’Afrique demain ?
E.G. L’Afrique s’apprête à vivre ce que l’Asie connaît déjà depuis plusieurs décennies, à savoir une forte croissance et une réduction de la pauvreté. Plusieurs phénomènes coexistent sur le continent, ce qui explique ces futurs changements.
La croissance oscille entre 5 et 8 % depuis dix ans. Le deuxième facteur important est la démographie. Si le continent abrite aujourd’hui 1,2 milliard d’habitants, sa population va doubler d’ici 2050. Jamais la planète n’a connu une telle explosion démographique. A cela s’ajoute une urbanisation massive, qui profitera aux entreprises françaises qui sont parmi les meilleurs mondiales dans ce secteur. Cette évolution favorisera l’émergence d’une classe moyenne, d’où émergeront les nouvelles entreprises africaines engendrant la création de valeur ajoutée.
Décideurs. Et quels sont les défis que cette Afrique de demain aura à relever ?
E.G. L’Afrique est le nouveau relais de croissance de la planète, le continent doit concentrer ses efforts sur l’essentiel et éviter de se disperser. Car il existe effectivement de nombreux défis à relever.
Tout d’abord, celui de la gouvernance. Un travail est nécessaire sur l’alternance. Trop de situations politiques sont encore sclérosées.
Ensuite, il y a la question des infrastructures. Un grand nombre de pays africains sont enclavés et deux tiers du continent n’a pas accès à l’électricité : la création d’infrastructures permettra d’y remédier.
Bien sûr, il est aussi nécessaire de traiter la question de la formation, notamment dans l’enseignement supérieur et professionnel, afin de former des personnes formées pour trouver un métier. Si elle est aussi un grand atout du continent, la démographie galopante n’est pas sans risques. Nous devrons relever ces défis avec l’Afrique.
E.S