Éric Bismuth (Montefiore) : « La marque Isabel Marant n'est ni The Kooples ni Sandro Maje »
Dealmakers. Comment qualifieriez-vous ce deal conclu avec Isabel Marant, la célèbre griffe parisienne de vêtements ?
Éric Bismuth. C'est une opération qui faisait rêver beaucoup de monde car il s'agissait, avec Isabel Marant, de l'une des dernières grandes maisons de création de vêtements indépendante dans le monde. Depuis plusieurs années, fonds d'investissement étrangers comme français, mais aussi champions industriels avaient fait de la marque une cible privilégiée. Le deal, de gré à gré, s'est fait avec Montefiore car nos relations se sont d'abord construites sur la base d'une relation de confiance avec ses conseils et d'affinités entre des personnes ; d'un côté, une équipe de direction soudée, et de l'autre, des investisseurs soucieux de la croissance de l'entreprise et des enjeux patrimoniaux liés à la réalisation d'un LBO. Au final, la transaction s'est presque étalée sur année entière, non pas qu'elle d'une haute technicité, mais parce que nous voulions prendre le temps d'examiner les intérêts de chaque partie.
Dealmakers. Au-delà de la notoriété de la marque, Isabel Marant c'est aussi des fondamentaux financiers solides n'est-ce pas ?
E. B. C'est 150 millions d'euros de chiffre d'affaires et une rentabilité élevée. La société marche très bien et reste très peu endettée (deux fois l'Ebitda). Plus de deux tiers des revenus proviennent de l'étranger. L'entreprise est présente dans les grands pays de la mode : la Grande-Bretagne, le Japon et la France. C'est six magasins en propre et une forte présence en department store et chez les indépendants. La reconnaissance du marché américain est également significative, là où la marque y trouve une grande notoriété et une fidélisation de sa clientèle – exclusivement féminine – exceptionnelle. C'est de bon augure vu le potentiel de cette région encore sous-développée du point de vue des designer brands. Le positionnement d'Isabel Marant demeure très clair, distinctif, ce qui débouche sur une nette adhésion des consommatrices à la griffe, aux produits et leur univers.
Dealmakers. Tous les signaux sont donc au vert chez Isabel Marant. Néanmoins, la feuille de route a certainement été revue à la hausse. Quels sont vos objectifs ?
E. B. La priorité est donnée à la création de nouvelles catégories de produits et à l'ouverture de nouvelles boutiques. Si tout se passe bien, Isabel Marant aura un magasin dans chaque grande capitale étrangère. Le développement des ventes en ligne doit aussi être accéléré.
Dealmakers. Un mot sur le management ?
E. B. Dans le cadre de cette opération, le management – qui reste en place – réinvestit de manière importante. L'actionnariat sera d'ailleurs étendu à d'autres couches de managers. En outre, nous avons déjà renforcé les équipes en attirant de nouveaux talents dans l'entreprise, tant dans les fonctions style/design que dans celles rattachées au marketing ou aux ventes.
Dealmakers. Doit-on s'attendre à la création d'une collection masculine ? La ligne « accessoires » sera-t-elle redéfinie ?
E. B. La mot d'ordre est la continuité même s'il nous faut franchir une nouvelle étape. Après la phase de décollage puis celle de la maturité entrepreneuriale, nous entamons le chantier du groupe international, avec pour objectif le doublement des revenus à horizon cinq ans. Isabel Marant doit pourtant rester rare, précieux. La marque n'est ni The Kooples ni Sandro Maje. Le développement sera ainsi sélectif et bien choisi. Les accessoires seront certainement un pilier de ce nouveau dynamisme. Le sujet d'une collection masculine est plus lointain, toujours à l'étude...
FS