Arnaud de La Cotardière et Roland Ziadé évoquent la place croissante qu’occupe l’Afrique dans les dossiers de Linklaters Paris – notamment en règlement des litiges – ainsi que les récentes tendances et flux d’affaires entre le continent et d’autres régions du monde.

DÉCIDEURS. Quelle place occupe aujourd’hui l’Afrique chez Linklaters?

Arnaud de La Cotardière. Une place de premier plan. À ce jour, un tiers des associés parisiens ont au moins un dossier en Afrique. Une soixantaine de dossiers en lien avec le continent sont aujourd’hui ouverts à Paris. Ce n’était pas le cas il y a cinq ans. Nous avons des équipes dédiées à la fois à Londres, Paris et Lisbonne, qui travaillent dans les pays d’Afrique anglophones, francophones, lusophones et arabophones. À Paris, c’est le cas notamment de Bertrand Andriani, Paul Lignières et François April en project finance, Bruno Derieux et Marc Petitier en corporate/M&A et de Roland Ziadé en règlement des litiges – contentieux et arbitrage. Ces associés travaillent depuis leurs bureaux respectifs, mais se rendent régulièrement en Afrique. À titre d’exemple, 50 % de l’activité du bureau de Lisbonne est liée à l’Afrique. Cette stratégie nous permet ainsi d’avoir une excellente collaboration entre les associés et une grande efficacité sans avoir de bureau en Afrique (à l’exception de l’Afrique du Sud). Car qui dit moins de bureaux, dit une plus grande facilité à gérer les dossiers et les équipes et une plus grande cohésion. D’autant plus que, l’Afrique représentant cinquante-quatre marchés différents, nous devrions avoir de très nombreux bureaux sur le continent si nous voulions être cohérents. Nous insistons plutôt sur une collaboration forte avec les meilleurs relais locaux dans tous les pays. D’ailleurs, notre alliance avec le cabinet Webber Wentzel en Afrique du Sud, qui a un fort rayonnement dans toute l’Afrique australe, en est un bon exemple.

Votre arrivée a notamment renforcé la pratique arbitrale sur le continent. Comment travaillez-vous avec les autres équipes sur ces sujets?

Roland Ziadé. Nous essayons d’intervenir le plus possible en amont, en travaillant avec nos clients et associés de nos différents départements dans le cadre de la négociation des contrats, sur la ré- daction de clauses de stabilisation et de règlement des litiges. Nous assistons également nos associés et clients dans le cadre de la structuration des investissements afin d’assurer la meilleure protection possible tant en matière de garanties substantielles résultant des traités internationaux que de recours à l’arbitrage. Par le passé, les considérations fiscales guidaient souvent le choix du véhicule pour les projets d’investissements en Afrique, mais les paramètres de protection des investisseurs et des investissements prennent aujourd’hui une importance croissante. Nos clients ont désormais le réflexe de faire appel à nous dès qu’ils initient un projet ou dès qu’il existe un début de différend afin de définir une stratégie contentieuse ou de règlement amiable appropriée qui préserve au mieux leurs intérêts.

Quelles sont les tendances en contentieux-arbitrage sur le continent ?

R. Z. Une forte augmentation des dossiers! Et pas seulement en arbitrage. Ne serait-ce que depuis dé- but janvier, Arnaud a été mandaté dans deux dossiers de droit pénal des affaires très sensibles; l’un pour un État, l’autre pour un grand groupe industriel. En ce qui concerne l’arbitrage, pour cette dernière année, nous avons à nouveau eu en Afrique du Nord une dizaine de dossiers et au moins autant en Afrique subsaharienne. À titre d’exemple, ces dossiers ont notamment concerné les juridictions suivantes: Algérie, Maroc, Égypte, Libye, Djibouti, Gabon, Tchad, Sénégal, etc. Dans deux arbitrages qui portaient sur des projets au Maroc, le siège choisi était Casablanca, ce qui est assez nouveau et s’inscrit dans un contexte plus général de déplacement du centre de gravité des arbitrages qui était historiquement à Paris, Genève ou Londres. Cela révèle une tentative d’émergence de certains continents, et notamment du continent africain. On pourrait même parler d’africanisation de l’arbitrage, en particulier sous l’influence d’opérateurs étatiques qui suggèrent ou même parfois tentent d’imposer des sièges d’arbitrage locaux, même si les opérateurs internationaux et les investisseurs cherchent naturellement à externaliser leur litige. Par ailleurs, nous intervenons de plus en plus souvent avec des cabinets africains comme co-conseils, par exemple dans un dossier CIRDI*où nous avons récemment repré- senté, avec succès, la République du Sénégal. De manière générale, un nombre croissant d’acteurs africains participe aux procédures d’arbitrage, comme conseils ou arbitres. Enfin, de plus en plus d’opérateurs asiatiques ou moyen-orientaux sont impliqués dans les dossiers africains, et par extension sur les contentieux qui en découlent. Dubaï s’est imposée comme une plate-forme vers l’Afrique. Si les flux vont plutôt du Moyen-Orient vers l’Afrique, l’inverse est aussi de plus en plus vrai. 

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