À l’heure où les enquêtes de corruption à l’encontre des entreprises se multiplient, les interventions des États-Unis, pionniers en matière de lutte anticorruption, sont parfois jugées abusives et pointées du doigt par les acteurs du droit.
« La corruption est un luxe qu’on ne peut plus se permettre de payer », affirme Nicola Bonucci. Pour le directeur des affaires juridiques de l’OCDE, si les pays européens et le reste du monde commencent seulement à s’armer contre ce fléau, les États-Unis ont pris, eux, une indéniable longueur d’avance. « Dès la fin des années 1970, ils ont intégré la lutte contre la corruption dans leur système juridique, poursuit Nicola Bonucci. Au départ, ce pays a été le seul à adopter une législation unilatérale pour réprimer cette pratique. » Ce n’est qu’avec la signature de la Convention OCDE en 1997, puis son entrée en vigueur en 1999, que la législation devient multilatérale, faisant progressivement de la lutte contre la corruption internationale un phénomène d’ampleur mondiale. « Il y a une vingtaine d’années, personne n’en parlait, », souligne le directeur des affaires juridiques de l’OCDE.« Aujourd’hui, c’est un véritable enjeu en raison de la mondialisation du droit et de la concurrence puisque toute distorsion de la concurrence devient un problème d’économie. »

Mise en garde
Amendes lourdes, affaiblissement des entreprises, moyen de pression sur l’économie… Si certains condamnent les sanctions, américaines et leurs conséquences sur les groupes européens, d’autres en donnent une interprétation différente. Pour Nicola Bonucci, la politique agressive des États-Unis en matière d’anticorruption est avant tout préventive. « Par les sanctions qu’ils prononcent, les Américains ont envoyé des messages aux autorités britanniques et à la France afin de les faire réagir, explique-t-il. Un peu comme pour leur dire si vous ne luttez pas contre la corruption, nous allons nous en charger. » Des mises en garde que le législateur a finalement bien interprétées. En France, l’exemple le plus significatif de cette prise de conscience reste sans doute l’adoption de la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). Au-delà du danger que représente pour les entreprises le montant des amendes, une tout autre dimension est à prendre en considération : l’impact géopolitique. « Le coût de la question de la corruption internationale va au-delà du coût purement économique. Lorsqu’une affaire de corruption fait surface au Brésil par exemple, toute la stabilité de l’État est mise en cause, analyse Nicola Bonucci. C’est la même chose pour les États arabes qui ont connu des révoltes populaires. » Ces questions de lutte contre la corruption internationale deviennent des enjeux internes et politiques puisque « les investisseurs internationaux choisissent désormais d’investir dans un pays en fonction des risques de corruption encourus », précise l’expert. « La corruption touche la confiance dans les institutions, dans la garantie d’une concurrence équitable mais surtout dans le traitement égal des États », conclut-il. Le message américain est donc clair : tout le monde doit jouer le jeu.
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