Après un intense combat de surenchères avec Comcast, Disney est sorti victorieux : il met la met sur 21st Century Fox pour la somme de 71,3 milliards de dollars. Cette opération donne naissance à un mastodonte du divertissement qui détiendra près de 40 % du marché. De quoi inquiéter la concurrence.

Elle aura fait couler beaucoup d’encre cette année : l’acquisition par The Walt Disney Company du groupe 21st Century Fox devrait aboutir début 2019. Certains pensent même que l’opération pourrait être conclue d’ici au Nouvel An. Les barrières juridiques se sont révélées plus faciles à franchir. Il n’empêche que la fusion aura été sous le feu constant des projecteurs. Certes, toute opération de ce type soulève de vifs débats au regard des lois anti-trust. Mais dans un monde en perpétuelle évolution, une fusion de cette ampleur symbolise le bouleversement d’un paysage médiatique en pleine mutation. Les tensions ont atteint des sommets : en novembre dernier, Disney a interdit au quotidien Los Angeles Times d’assister à ses projections réservées à la presse et d’interviewer les acteurs car ce dernier avait publié un article sur le rôle de Disney dans la politique d’Anaheim, en Californie.

Les ambitions de Disney

Forte de sa nouvelle participation majoritaire dans Hulu, Disney prévoit de faire irruption sur la scène du streaming en lançant, dès 2019, sa propre plateforme, Disney+. En diffusant des séries prometteuses telles qu’une préquelle au film Rogue One et une série sur Loki, le personnage Marvel, Disney+ compte bien rivaliser avec Netflix et Amazon.

Soixante-dix ans après le célèbre procès antitrust d’Hollywood (l’affaire United States v. Paramount Pictures), qui avait mis un frein aux pratiques d’intégration verticale dans l’industrie de la distribution cinématographique, force est de constater que l’influence verticale continue. Pour la diffusion de Star Wars : les Derniers Jedi, Disney a récupéré 65 % des recettes nationales sur les prix des tickets vendus et imposé, aux cinémas voulant projeter le film, quatre semaines de diffusion obligatoire dans la plus grande salle. Les contrevenants se sont vu appliquer une pénalité supplémentaire de 5 % et ont dû retirer le film de leur salle. Selon Craig Moffett, analyste du secteur TMT, « tout le monde a décidé que l’avenir appartient à la fois au contenu et à la distribution ».

Mais cette fusion n’est pas la plus importante de l’histoire des médias. L’accord conclu en 2000, entre AOL et Time Warner, d’une valeur de 162 milliards de dollars, reste le mariage le plus onéreux même s’il n’a pas perduré. AOL ayant finalement été racheté par Verizon pour 4,2 milliards de dollars il y a trois ans. Plus tôt cette année, Time Warner a été racheté par AT&T pour plus de 80 milliards de dollars - de toute évidence, la rancune de Trump contre CNN n’aura pas empêché la transaction, malgré les inquiétudes des spéculateurs du monde médiatique.

40 % de part de marché

La fusion Disney-Fox entraînera diverses cessions qui, du point de vue antitrust, sont plus tangibles que des « mesures correctives ». Fox cédera à Comcast sa part de 35 % dans Sky, équivalent à 15 milliards de dollars, et à un acheteur non encore désigné, ses chaînes sportives américaines d’une valeur de plus de 22 milliards de dollars (bien qu’elle détienne toujours ESPN). En Europe, Disney doit vendre les chaînes documentaires populaires européennes d’A&E Networks, notamment History, H2 et Lifetime.

Néanmoins, cet accord provoque une véritable onde de choc. La fusion entre le plus grand et le troisième plus grand studio de cinéma donnera à la nouvelle entité une part écrasante de 40 % du marché intérieur et l’exclusivité d’une mine d’or de super-héros de bande dessinée. Au fond, Disney parie sur la taille pour rivaliser avec l’agilité d’Amazon et de Netflix.

Arjun Sajip

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