Lettre d’Emmanuel Macron : voici les grandes propositions
C'est parti. Emmanuel Macron se lance dans la campagne pour les élections européennes. Il a rendu publique le lundi 4 mars une tribune qui s’adresse à tous les citoyens de l’Union européenne. Un choix lié à « l’urgence » car, selon lui, « les élections européennes seront décisives pour l’avenir de notre continent ». Commerce, défense, sécurité, écologie, recherche… Voici les grandes propositions de ce texte, véritable plaidoyer pro-européen, traduit en vingt-huit langues. Il est disponible dans son intégralité ici.
Une critique du Brexit
Aux yeux d'Emmanuel Macron, le Brexit est dommageable pour l’Union européenne mais aussi pour les britanniques qui, selon lui, ont été dupés par des promesses populistes : « Qui a dit aux Britanniques la vérité sur leur avenir après le Brexit ? Qui leur a parlé de perdre l’accès au marché européen ? Qui a évoqué les risques pour la paix en Irlande en revenant à la frontière du passé ? »
Regarder les superpuissances dans les yeux
États-Unis et Chine seront les deux superpuissances du XXIe siècle. Pour garder leur influence et ne pas subir les évolutions géopolitiques et technologiques, les pays de l’Union européenne n’ont pas le choix, ils doivent s’unir. Ce que rappelle Emmanuel Macron dans sa lettre : « Quel pays peut agir seul face aux stratégies agressives de grandes puissances ? Qui peut prétendre être souverain, seul, face aux géants du numérique ? Comment résisterions-nous aux crises du capitalisme financier sans l’euro, qui est une force pour toute l’Union ? ». Remarquons qu’Emmanuel Macron considère les Gafa et les Batx (leurs équivalents chinois) comme des forces aussi puissantes que des nations…
Des réalisations qui changent le quotidien
Souvent perçue comme éloignée des besoins des citoyens, l’UE peut donner l’image d’une superstructure technocratique ou de ce qu'Emmanuel Macron appelle un « marché sans âme ». Il rappelle toutefois qu’elle change bénéfiquement le quotidien de tous : « L’Europe, ce sont aussi ces milliers de projets du quotidien qui ont changé le visage de nos territoires, ce lycée rénové, cette route construite, l’accès rapide à Internet qui arrive, enfin. »
Protéger la démocratie européenne
Emmanuel Macron pointe l’influence des puissances étrangères qui peuvent financer des partis populistes ou influencer l’opinion publique via des fake news sur les réseaux sociaux. Il souhaite donc combattre les « puissances étrangères » qui « cherchent à peser sur nos votes ». Pour cela, il propose de mettre en place une « Agence européenne de protection des démocraties qui fournira des experts européens à chaque Etat membre pour protéger son processus électoral contre les cyberattaques et les manipulations. Dans cet esprit d’indépendance, nous devons aussi interdire le financement des partis politiques européens par des puissances étrangères. Nous devrons bannir d’Internet, par des règles européennes, tous les discours de haine et de violence, car le respect de l’individu est le fondement de notre civilisation de dignité; »
Renforcer la puissance militaire de l’UE
La défense européenne est un enjeu cher au président de la République. Il avait évoqué le sujet lors du discours de la Sorbonne. C’est sous son impulsion qu’est née la coopération structurée permanente (CSP) en décembre 2017. Dans sa lettre, le successeur de François Hollande se félicite « d’importants progrès réalisés en deux ans ». Il appelle désormais à aller plus loin grâce à un « traité de défense et de sécurité » qui devrait selon lui « définir nos obligations indispensables, en lien avec l’OTAN et nos alliés européens : augmentation des dépenses militaires, clause de défense mutuelle rendue opérationnelle, Conseil de sécurité européen associant le Royaume‑Uni pour préparer nos décisions collectives. »
Remettre à plat Schengen
L’espace Schengen est critiqué par l’immense majorité des populistes et des opposants à l’UE. Emmanuel Macron se propose de leur couper l’herbe sous le pied en demandant de «remettre à plat l’espace Schengen ». Concrètement, « tous ceux qui veulent y participer doivent remplir des obligations de responsabilité (contrôle rigoureux des frontières) et de solidarité (une même politique d’asile, avec les mêmes règles d’accueil et de refus). Une police des frontières commune et un office européen de l’asile, des obligations strictes de contrôle, une solidarité européenne à laquelle chaque pays contribue, sous l’autorité d’un Conseil européen de sécurité intérieure : je crois, face aux migrations, à une Europe qui protège à la fois ses valeurs et ses frontières ».
Moins de naïveté sur le plan commercial
Paradoxe. L’Union européenne est la première puissance commerciale du monde tout en étant la zone la moins protectionniste. Mais pour Emmanuel Macron, il faut aller plus loin et « assumer, dans les industries stratégiques et nos marchés publics, une préférence européenne comme le font nos concurrents américains ou chinois ». Il propose également de « sanctionner ou interdire en Europe les entreprises qui portent atteinte à nos intérêts stratégiques et nos valeurs essentielles, comme les normes environnementales, la protection des données et le juste paiement de l’impôt ». Un sévère avertissement aux Gafa…
Protéger l’environnement
Selon Emmanuel Macron, l’écologie est un « combat ». Et c’est à l’échelle européenne qu’il doit être mené. « Regarderons-nous nos enfants en face, si nous ne résorbons pas aussi notre dette climatique ? L’Union européenne doit fixer son ambition – 0 carbone en 2050, division par deux des pesticides en 2025 – et adapter ses politiques à cette exigence : Banque européenne du climat pour financer la transition écologique ; force sanitaire européenne pour renforcer les contrôles de nos aliments ; contre la menace des lobbies, évaluation scientifique indépendante des substances dangereuses pour l’environnement et la santé... Cet impératif doit guider toute notre action : de la Banque centrale à la Commission européenne, du budget européen au plan d’investissement pour l’Europe, toutes nos institutions doivent avoir le climat pour mandat. »
Concilier tech et démocratie
Tout au long de sa lettre, le président de la République a pointé la puissance des acteurs de la tech. Une première pour un chef d’État en France. Loin de se contenter d’incantations, il propose d’agir concrètement grâce à l’Union européenne qui « doit non seulement réguler les géants du numérique, en créant une supervision européenne des grandes plateformes (sanction accélérée des atteintes à la concurrence, transparence de leurs algorithmes…), mais aussi financer l’innovation en dotant le nouveau Conseil européen de l’innovation d’un budget comparable à celui des États-Unis, pour prendre la tête des nouvelles ruptures technologiques, comme l’intelligence artificielle ». Il appelle donc à poursuivre les efforts en matière d’Europe de la recherche et de l’innovation.
Lucas Jakubowicz