Tous les sondages le confirment, la majorité des salariés appellent le télétravail de leurs vœux. Si la pratique se généralise, elle soulève néanmoins quelques questions.

Le télétravail s’impose progressivement en France, au point que le législateur l’a consacré à travers les ordonnances travail de 2017. Il constitue un élément d’attractivité certain et les employeurs affichent désormais fièrement leur implication en la matière, gage de la modernité de leur management et de l’attention portée à l’équilibre entre vies privée et professionnelle de leurs salariés. L’agrégateur d’offres d’emploi Indeed recense un remarquable taux d’augmentation de 80 % du nombre d’annonces y faisant référence en 2019.

Tous secteurs confondus

S’il constituait à l’origine l’apanage du tertiaire, le télétravail gagne aujourd’hui bien d’autres secteurs. C’est ce que confirme Jean-Baptiste Obéniche, responsable du pôle diversité et performance au travail d’EDF. Convaincu des avantages de cette forme d’organisation du travail, il participe activement à sa généralisation au sein d’un groupe dans lequel ce changement était loin d’être une évidence. "EDF est une entreprise industrielle, avec des usines situées à la campagne, explique-t-il. Cela induit plutôt une culture de proximité entre le domicile et le lieu de travail". Pourtant il y a trois ans, le fournisseur d’électricité se lance dans une vaste négociation et parvient à déployer le dispositif. "En trois ans, nous avons atteint le chiffre de 6 700 télétravailleurs réguliers sur les 60 000 salariés que compte EDF, ce qui est très rapide pour une entreprise industrielle, se réjouit Jean-Baptiste ­Obéniche. Et la grande majorité des cadres ont la possibilité d’y recourir sans avoir à demander l’avis de leur manager." Le groupe a mené une enquête de satisfaction auprès de ses collaborateurs. Les résultats sont éloquents. "Sur 4 000 répondants, 99 % des télétravailleurs et 90 % des managers se déclarent satisfaits."

Lien social

Pour Sébastien Beurlet, directeur EMEA de Workplace Options, un expert de la qualité de vie au travail et de la prévention des risques, les bénéfices du télétravail sont multiples. Pour les salariés bien sûr, mais également pour l’employeur. Il permet, en effet, d’augmenter la performance dans la mesure où " il établit une relation de confiance avec le manager et responsabilise les collaborateurs, ce qui s’avère essentiel à leur engagement au sein de l’entreprise…"

Certaines entreprises constatent toutefois une faible adhésion à la pratique. Plusieurs d’entre elles choisissent même de geler l’avancement de leur politique de télétravail, car celui-ci peut être source de difficultés. Une étude récemment réalisée par l’Ifop* expose ainsi que 36 % des personnes qui télétravaillent au moins un jour par semaine se sentent isolées, contre 19 % seulement de celles qui se rendent chaque jour sur leur lieu de travail. Elles sont aussi 1,5 fois plus nombreuses à se dire souvent stressées, deux fois plus à estimer s’ennuyer souvent, et trois fois plus à craindre d’être licenciées… Des chiffres qui viennent contredire la tendance.

Le télétravail permet ­d’établir une relation de confiance avec le manager

Sébastien Beurlet souligne que certains salariés ne sont effectivement pas capables de travailler seuls. "Ils ont besoin de référents, d’être entourés, explique-t-il. Cette question du lien social est essentielle, poursuit-il. Nous en faisons le constat au travers des lignes d’écoute téléphoniques que nous mettons en place pour nos clients." Le spécialiste préconise de réaliser un audit approfondi de l’organisation, et d’adopter une approche individualisée afin d’ajuster le dispositif aux besoins de chaque collaborateur. Un peu de prudence donc avant de généraliser la pratique.

Marie-Hélène Brissot

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