Dix ans de prix Ulysse : quelle épopée !
Le prix Ulysse 2020 poursuit sa tradition en récompensant le meilleur rebond d’entreprise après une procédure judiciaire. L’histoire se répète d’abord avec le soutien du ministère de l’Économie et des Finances. Virginie Verfaille-Tanguy, présidente de l’ARE et du grand Jury se réjouit du « haut patronage de Madame Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre ». Pour la dixième année consécutive, le comité de l’ARE, composé de 15 personnes représentant les différents métiers du restructuring, a sélectionné les nominés sur des critères stricts : le respect de l’emploi et des savoir-faire, l’usage judicieux de l’arsenal juridique récent, la prise en compte des intérêts des parties prenantes et la pérennité du retournement. Cette année, les candidats à la succession de Carbone Savoie étaient Grain de Malice, DUC et Canal Toys.
Au cours de la cérémonie du 27 janvier, toujours organisée dans la bibliothèque de l’Automobile Club de France, le prix des lecteurs des Échos a été attribué à la société DUC. Le grand Jury, composé de 10 personnalités indépendantes, hétérogènes et reconnues - administrateurs judiciaires, membres de tribunaux de commerce, représentants des pouvoirs publics, entrepreneurs ou universitaires -, a quant à lui récompensé Canal Toys à l’issue du grand oral de son PDG Patrick Krief. L’innovation est là. Depuis l’année dernière cette présentation du parcours des entreprises permet de mettre en avant le leadership et le pragmatisme de leurs managers. Cette cérémonie est donc l’occasion de célébrer la capacité du management d’une entreprise à se remettre en question. En pleine apologie du courage entrepreneurial, la présidente explique : « Le chef d’entreprise est un marin, il sait saisir le moindre souffle de vent, regonfler la voile et faire avancer son navire. Il brave la tempête, avec les membres de son équipage dont il connaît et encourage les qualités. »
Focus sur le gagnant de cette année...
Canal Toys, lauréat de l’édition 2020 !
Alors que le fabricant de jouets dégageait 46 millions d’euros de chiffres d’affaires en 2007, la crise de 2008 a fait s’effondrer celui-ci de 25 %. Pourtant, en 2018, l’entreprise a réalisé plus de 49 millions d’euros de ventes. Retour sur les facteurs clés du succès de ce retournement.
À sa création en 1996, Canal Toys est un acteur généraliste du marché du jouet, qui conçoit des produits sous licence distribués en France par les grandes surfaces. Pour réagir à une activité deux fois plus importante en 2007 qu’en 2005, elle investit massivement. En 2008, lorsque l’économie mondiale s’effondre, les commandes des distributeurs diminuent et Canal Toys voit son chiffre d’affaires baisser de 25 % en un an et accuse une perte nette de 16 millions d’euros.
L’entreprise lance alors une procédure de mandat ad hoc et deux PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) se succèdent en 2009 et 2010, réduisant ainsi ses effectifs de 120 personnes en 2007 à seulement 30 en 2011. La démarche aboutit à un recentrage de l’activité sur les loisirs créatifs, segment qui représente seulement 5 % du marché du jouet, mais qui affiche une croissance de 3 % par an. Fin 2011, Canal Toys a retrouvé une trésorerie positive et affiche un résultat d’exploitation de 0,6 millions d’euros.
La société s’adosse ensuite à un distributeur exclusif, qui grâce aux avances sur commandes, lui permet de financer ses achats. Elle développe ses produits en marque propre et se lance à l’international en ouvrant une filiale aux États-Unis. En 2017, après six années de résultats positifs, Canal Toys fait entrer le FCDE (fonds de consolidation et de développement des entreprises) à son capital, renforçant ainsi ses fonds propres. Cela va permettre à l’entreprise de restructurer le management du groupe et de bénéficier du soutien professionnel de son nouvel actionnaire. Des partenariats de distribution sont alors signés dans 35 pays et deux filiales sont ouvertes au Royaume-Uni et en Espagne. En 2018, son chiffre d’affaires est de 49 millions d’euros et ses effectifs ont doublé depuis 2016.
Plusieurs facteurs expliquent le succès de ce retournement : le recentrage de l’activité sur un segment de niche porteur, une internationalisation massive, la résilience du personnel et du management, la qualité de la relation avec l’actionnaire et une distribution multicanale qui prémunit d’avantage l’entreprise contre les desideratas du marché ou des grandes surfaces.
Baptiste Delcambre