Souvent considéré comme une contrainte, le RGPD est un formidable vecteur de transformation, pour les organisations en général et les directions juridiques en particulier. Ecoute des clients internes, synergies avec les différentes entités, co-construction, management de projet, cette réglementation pousse le Légal à mettre en place une organisation de travail collaborative et transversale et à s’interroger sur l’adoption d’outils favorisant les gains de temps. Autant d’axes de développement permettant aux directions juridiques de valoriser leur expertise et de mettre leur créativité au service de la croissance de leur entreprise.

Le branle-bas de combat de l’entrée en application du Règlement général relatif à la protection des données (UE) 2016/679  (RGPD) au 25  mai 2018 paraissait déjà lointain. Près d’un an après les débuts de l’épidémie de Covid-19 en France, il n’aura cependant échappé à personne que les problématiques de protection et de sécurité des données personnelles sont assurément revenues sur le devant de la scène. Multiplication des cyberattaques, développement de nouvelles pratiques de travail  à distance, gestion des cas contacts en entreprise… En cette période si singulière, la mise en œuvre des obligations réglementaires et contractuelles du RGPD sollicite particulièrement le département légal en entreprise et au-delà, le secteur Légal… et l’incite à se transformer. Et si l’actualité invitait les entreprises à reconsidérer leur vision du RGPD ? Si, de contrainte, cette réglementation était finalement appréhendée à l’aune des vecteurs de transformation qu’elle offre, pour l’entreprise en général et pour les directions juridiques  en particulier ? Et si la recherche de sécurisation juridique, conjuguée à la stratégie business, permettait effectivement de 168 maîtriser les coûts, plus globalement de sécuriser les services ou produits offerts et in fine d’assurer la confiance des utilisateurs ou bénéficiaires finaux ?

Une vision globale indispensable

Afin de sécuriser les risques liés aux obligations  réglementaires  ou  aux relations contractuelles émergeant en mode " run " du RGPD, l’expertise du département juridique est nettement  requise. Pour réussir à assurer la protection des données des activités et projets de l’entreprise, elle doit avant tout disposer  d’une vue globale et comprendre  les  usages  et implications opérationnels, le cycle de vie des données personnelles qui en découle, et  se poser les bonnes questions pour définir les prérequis de protection des données,  certes " juridiques " mais  pas seulement. À l’écoute de ses clients internes, dans  l’appropriation  de  leur langage et de leurs problématiques métiers, le Légal peut alors se mettre tout à fait au service du business et de la stratégie de l’entreprise. Le périmètre des uns et des autres peut être parfois moins aisé à définir, et les frontières entre les rôles de chacun parfois ténues.  Ainsi par exemple, la gestion  de  l’après-invalidation  du  Privacy-Shield1 l’illustre  bien, l’adoption de mesures complémentaires 

«  l’activité n’en sera que mieux cernée et sa sécurité juridique assurée.  »

techniques, contractuelles ou organisationnelles pour sécuriser un transfert de  données personnelles  implique  une bonne  synergie  avec les  opérationnels et porteurs de projets mais également avec  les responsables  de  la  sécurité informatique de l’entreprise.  Le volet cyber des relations  contractuelles ne peut donc être écarté et le Légal doit travailler en co-construction avec l’équipe informatique pour imposer des  standards de sécurité  minimaux aux prestataires. Au demeurant, le juriste ne peut faire l’économie de s’inscrire dans une culture de management projet. En particulier  en  la  matière,  son  rôle va au-delà  du  juridique  à  proprement  parler et nécessite de pouvoir appréhender d’autres enjeux venant doper son angle de vue initial. Dans cette ouverture aux autres cultures métiers et le dépassement des silos traditionnels, les "partenaires " pourront avancer main dans la main et la globalité des rouages du projet ou de l’activité n’en sera que mieux cernée et sa sécurité juridique assurée. En ce sens, et avec l’appui de la direction, le RGPD conduit à mettre en place une  organisation de travail collaborative et transversale  – dans les processus et le management – entre des acteurs internes à l’entreprise mais également au sein même de la fonction juridique elle-même, par exemple entre des  juristes référents  et  des  juristes opérationnels, à un échelon central ou à un échelon local... De  surcroît,  l’approche collaborative de traitement des problématiques de protection des données vient faire émerger  un  enjeu fort  d’optimisation du temps passé par chacun et en particulier du Légal. Elle conduit dès lors à s’interroger sur  l’outillage  et  les méthodologies de  travail déployés : sont-ils suffisamment structurants et source d’efficience  ? 

« Recentré sur des tâches à valeur ajoutée, intrinsèquement liées à son expertise juridique, son rôle n’en sera que plus renforcé et ses spécificités assises.  »

L’éclatement de l’information, la  ressaisie, ou la  répétition de tâches sont autant de sujets abordés en creux d’une démarche de mise en conformité au RGPD. Si l’expérience utilisateur proposée par une solution peut permettre d’améliorer la dynamique globale et transversale de travail, avec les interactions des différentes parties prenantes, et conduire à n’avoir plus qu’à  suivre un fil rouge pour gérer le récurrent, alors le juriste pourra pleinement s’ancrer dans une approche de maîtrise des risques liés aux relations contractuelles et aux obligations réglementaires. Recentré sur des tâches à valeur ajoutée, intrinsèquement liées à son expertise juridique, son rôle n’en sera que plus renforcé et ses spécificités assises.

Le Légal au service du business

En somme, méthodologies de travail avec vision de pilotage, coordination des métiers en interne et travail en réseau, enrichissement des savoir-faire et savoir-être, recours à des solutions intelligentes valorisant  les  expertises métiers… sont autant d’axes de développement ou d’ancrage devant permettre  au  Légal  de  mettre son  expertise propre et sa créativité au service de la croissance  de l’entreprise, dans sa capacité à s’adapter au changement face aux perpétuelles innovations technologiques et dans la nécessité de se démarquer dans un environnement concurrentiel croissant. 

1: Invalidation du « Privacy Shield » (bouclier de protection des données UE-Etats-Unis) par arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne rendu le 16 juillet 2020 (CJUE, Aff. C-311/18, Data Protection Commissioner contre Facebook Ireland Ltd et Schrems)

Claire  de  la  Fouchardière Product  Manager  Adequacy Déléguée à la protection des données certifiée (AFNOR). Ayant commencé  sa carrière en tant qu’avocate, Claire de la Fouchardière met aujourd’hui son expertise au service d’Adequacy, solution logicielle de management et de protection des données à caractère personnel.

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail