Jean-François Balaÿ, responsable de Debt Optimisation & Distribution, Crédit agricole CIB
Décideurs. Comment s’est comporté le marché des crédits syndiqués en 2013 ?
Jean-François Balaÿ.
En 2013, il y a eu une reprise des volumes de crédits alloués en Europe. Selon Dealogic, sur les neuf premiers mois de l’année, les volumes globaux échangés ont été de 3 000 milliards de dollars soit une augmentation de 16 % par rapport à 2012. Dans la zone Emea, cette augmentation est de l’ordre de 20 %. On est train de revenir sur les trends de volume que nous observions avant la crise, qui s’établissaient alors entre 3 500 et 4 000 milliards de dollars. L’embellie du marché tient notamment au retour de la concurrence entre les banques qui a amené à un resserrement des « pricing », ce qui a déclenché des comportements opportunistes de la part des entreprises. Les volumes sont donc dominés par les refinancements alors que les opérations de fusions-acquisitions restent en retrait par rapport aux années 2007-2008, en particulier en Europe (7 % des volumes EMEA et 9 % des volumes mondiaux).

Décideurs. Peut-on percevoir une modification du comportement des acteurs vis-à-vis du crédit syndiqué ?
J.-F. B.
Sur le marché corporate, les clients ont fait la part des choses entre financements longs tirés avec l’utilisation de supports obligataires et moins longs et pas forcément tirés avec l’utilisation de crédits bancaires. Ils privilégient également ces derniers pour les financements d’acquisitions car les financements bancaires offrent une souplesse qui permet de jouer sur la maturité et les modalités de remboursement que n’offre pas l’obligataire. En revanche, le refinancement de cette dette bancaire s’effectue souvent par des émissions obligataires.
Entre le dernier trimestre 2011 et le premier trimestre 2012, les banques européennes ont réalisé un exercice de « deleveraging », en réduisant la taille de leur bilan, notamment par des ventes de leurs crédits sur le marché secondaire, ceci en prévision de l’application des règles Bâle III et d’un focus sur les coûts de liquidités en dollars. Afin de continuer à accompagner leurs clients sans augmenter leur bilan, elles développent désormais leurs capacités de distribution et offrent de nouvelles classes d’actifs aux investisseurs institutionnels, telles les compagnies d’assurance, en quête de diversification.

Décideurs. Quels sont les produits les plus demandés ?
J.-F. B.
Avec l’amélioration du marché, les facilités de crédit ou « revolving credit facility »(RCF) sont revenues au cœur des négociations avec les entreprises, notamment les possibilités d’obtention des maturités 5+1+1. Les entreprises profitent de la liquidité disponible pour anticiper leurs refinancements et les banques savent que ces facilités de crédit sont le fondement de leur relation avec leurs clients et sont donc prêtes à accepter des marges plus réduites.

Décideurs. Peut-on parler de nouvel équilibre entre utilisation de l’obligataire et du crédit ?
J.-F. B.
Aujourd’hui sur la zone Emea, les financements des entreprises sont effectués à 49 % par les prêts, à 40 % par de l’obligataire et à 11 % par des capitaux propres. Le prêt bancaire reste donc le principal vecteur de financement de l’économie en Europe. Les grands corporates ont atteint un équilibre depuis longtemps avec l’obligataire pour les financements longs et tirés, et les crédits bancaires pour les financements plus courts ou non-tirés. En revanche, les PME et les ETI utilisent essentiellement les financements bancaires. Sur ce point, l’équilibre n’est pas encore atteint et les banques cherchent à développer les solutions désintermédiées de type placements privés sur cette clientèle de PME et ETI, comme en témoignent les nombreuses opérations récentes.
L’environnement bancaire est différent aux Etats-Unis avec une base d’investisseurs institutionnels plus profonde.

Décideurs. Qu’observez-vous sur le marché français ?
J.-F. B.
Les banques françaises restent majoritaires (Crédit agricole CIB est le premier bookrunner sur la France et le troisième dans la zone Emea) même si les banques américaines ont gagné des parts de marché grâce à des coûts de financement compétitifs. Les banques japonaises ont aussi d’importantes liquidités à placer auprès des clients et une forte capacité à prendre des actifs au bilan.

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