Président de Mediapost Communication et directeur du Laboratoire innovation et big data du groupe La Poste, Jérôme Toucheboeuf revient sur la stratégie de digitalisation de son groupe.

Décideurs. Quelles sont les ambitions du groupe en matière de numérique ?

Jérôme Toucheboeuf.  Notre objectif et de proposer au client des services personnalisés pour lui simplifier la vie. Dans ce cadre, c’est l’intégration du digital dans nos différentes activités qui est pertinente. Elle nous permet d’augmenter la qualité de nos services et d’en fournir de nouveaux. Avec le projet « Facteo » par exemple, les facteurs sont équipés de téléphones connectés. Un moyen plus direct d’entrer en communication avec le client mais aussi de faciliter la gestion des signatures des colis suivis ou des procédures de réexpédition. Concernant les services purement numériques, nous développons une plate-forme, appelée « hub numérique », dédiée au partage d’informations entre objets connectés. Les capteurs météo d’une habitation seront ainsi capables de baisser les stores en cas d’intempérie. C’est un nouveau marché pour le groupe, mais nombreux sont les Français qui manifestent ce type de besoin.

 

Décideurs. Avec la baisse du courrier papier, cette stratégie n’est-elle pas le moyen de sauver vos marges ?

J. T. Il est évident que le marché du courrier physique est en déclin. C’est une conséquence de la dématérialisation qui est valable pour tous les secteurs d’activité. Le groupe La Poste n’est pas le seul touché par ce phénomène. Toutes les entreprises doivent s’adapter pour être en adéquation avec les évolutions de son temps. C’est pourquoi le numérique fait partie intégrante de notre stratégie.   

 

Décideurs. Quels sont les moyens mis en œuvre pour faciliter cette transition vers le digital ?

J. T. Notre capacité d’investissement est de 550 millions d’euros sur trois ans. Un budget d’envergure qu’il est nécessaire de savoir utiliser. Nous misons beaucoup sur l’acquisition qui nous permet d’obtenir des technologies clés en main. Selon nos forces et nos ambitions, nous faisons en sorte de choisir les bonnes cibles pour développer les projets adaptés. Récemment, nous avons acquis l’entreprise ProbaYes, spécialisée dans l’intelligence artificielle. Forte d’une expérience de treize ans dans le domaine du big data, elle développe des algorithmes permettant à ses clients d’accroître leurs performances. Nous allons par exemple être capables d’optimiser la consommation énergétique de nos bâtiments, où la surconsommation est généralement importante. Par ailleurs, La Banque postale utilise déjà ces techniques pour anticiper et faire diminuer les fraudes liées aux paiements par carte. D’autre part, notre filiale Geopost a récemment investi dans les start-up Stuart et Resto-In. L’une est une application qui propose des livraisons de colis par un coursier professionnel en moins d'une heure. L’autre met en relation des restaurants avec des livreurs professionnels chargés d'apporter leurs repas aux clients. Grâce à ces investissements, le groupe peut désormais optimiser les délais de livraison et fournir un service à forte valeur ajoutée.

 

Décideurs. On dit souvent que la qualité d’une transformation stratégique dépend de la solidité d’un groupe. Sur quelles forces pouvez-vous vous appuyer ?

J. T. Elles sont multiples. D’abord, les 80 000 facteurs en service chaque jour représente un atout de taille. Même chose pour nos 17 000 points de contact en France. Ils nous permettent d’être proche des clients. Nos emplacements logistiques sont également un avantage. Au total, nos cumulons 6,5 millions de mètres carrés d’infrastructure (lieux de stockage, agences, bureaux de poste) et 13 milliards d’objets transportés par an. Des actifs primordiaux dans le cadre de notre stratégie numérique puisqu’ils génèrent une masse de données colossale. D’autre part, La Banque postale constitue également une force indéniable grâce à son positionnement citoyen. Les clients nous font confiance. Une relation sur laquelle nous nous appuyons pour nous transformer. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons mis en place une « charte data ». Pour consolider les liens avec notre clientèle, il était nécessaire de fixer les règles en matière d’exploitation des données personnelles digitalisées. Nous avons donc encadré notre mode de traitement des informations et de transparence. Cette volonté s’inscrit dans une démarche de progrès pour continuer à  proposer des services innovants et mettre le client au centre de notre stratégie.

 

Propos recueillis par Richard Trainini 

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