Les nouvelles réglementations qui viennent encadrer l'activité des établissements bancaires sont la source de nombreuses évolutions. Le directeur de la banque privée du groupe Rothschild & Co nous explique comment il s'y est préparé.

Décideurs. Quelles sont les spécificités de Rothschild Patrimoine ?

Alain Massiera. Il existe deux types d'acteurs en France. D'une part, les banques de réseau qui disposent de leur propre entité de banque privée. Elles maillent très bien le territoire et représentent près de 75 % du marché. Tout le challenge est  pour eux de gérer l'ensemble de leurs segments de clientèle (du mass affluent au very high net worth individual) avec la même qualité.

D'autre part, les banques spécialisées, catégorie à laquelle nous appartenons, qui se sont développées en bâtissant une offre haut de gamme à destination des segments HNWI / VHNWI et dont la part de marché peut être estimée entre 20 % et 25 %. Dans ce cadre, notre principal élément de différenciation repose sur notre lien historique avec les équipes de notre banque d'affaires (Transaction R notamment) et du private equity. Elles nous ont notamment permis d'affiner encore davantage notre connaissance des small et mid caps et du monde entrepreneurial.

 

Décideurs. Pour accompagner ce segment de clientèle haut de gamme, certains acteurs comme Credit Suisse ont fait choix de relever leur seuil d'éligibilité. Est-ce une nécessité pour les banques privées au vu notamment de l'évolution des obligations réglementaires et des coûts ?

A. M. Non, je ne le pense pas. Cela dépend en réalité de la qualité du service que l'on peut offrir. Au sein de notre structure, trois catégories de clientèle ont été définies, chacune ayant droit à un service dédié pouvant être adapté selon leurs besoins.

Le premier dispositif s'adresse aux clients dont le patrimoine est inférieur à un million d'euros. Ces derniers disposent d'un interlocuteur privilégié, le banquier privé. Ils peuvent par ailleurs bénéficier de l'expertise en matière de gestion d'actifs de notre maison à travers l'offre de gestion sous mandat. De manière exceptionnelle, il leur est également possible de faire appel à un gérant ou un ingénieur patrimonial.

Le second segment de notre clientèle, dont le patrimoine se situe entre un et quinze millions d'euros, est accompagné par un banquier privé et, selon les cas, par un ingénieur patrimonial et/ou un gestionnaire de portefeuille dédié.

Enfin, la clientèle très haut de gamme bénéficie de la totalité du dispositif mis en place par notre banque : un ingénieur patrimonial, un family office, un gérant et un banquier privé dédiés ainsi qu'un des trois associés de la maison.

 

Décideurs. Avec la mise en œuvre de Mifid 2 et l'émergence de la digitalisation, nous sommes à l'aube de grands changements pour l'activité de conseil délivré par les banques. Comment vous êtes-vous préparés à cela ?

A. M. Si vous avez un modèle davantage centré sur le segment des very high net worth individuals (VHNWI), la digitalisation doit être utilisée comme un moyen d’améliorer la productivité, c'est-à-dire de fluidifier la transmission d'informations aux clients (consultation des comptes, exécution d'opérations...). Lorsque votre clientèle est ciblée et limitée, vous pouvez éviter de digitaliser le conseil.

En attendant l'instauration de Mifid 2, le modèle des banques européennes pour conseiller le client dans la gestion de leur portefeuille financier repose sur trois types de services.

Le premier s'attache au conseil purement verbal délivré par le banquier lorsque le client le contacte (ou inversement) pour recueillir son avis avant de faire l'acquisition d'un OPCVM ou d'un titre.

Le second service est lié au mandat de gestion discrétionnaire donné à la banque et bâti en fonction du profil du risque du client.

Enfin, le troisième prend la forme d'un mandat de gestion conseillée où le client conserve le pouvoir décisionnel.

À ce jour, le marché se répartit comme suit : 45 % à 55 % pour le conseil sans mandat, près de 15 % à 20 % pour la gestion conseillée et environ 25 % à 35 % pour le mandat de gestion. Mifid 2 va poser un grand nombre de problèmes aux banques qui n'ont pas un modèle tourné vers le mandat de conseil ou le mandat de gestion car il ne leur sera pas possible de conseiller leurs clients de manière informelle. Nous assistons à une vraie révolution dans la manière dont les banques délivrent leur conseil et la digitalisation pourra être une réponse très importante. Pour accompagner sa clientèle, il sera nécessaire de définir en amont le champ d'intervention du banquier (actions, obligations, produits structurés...) et le profil de risque du client. Chaque fois que le banquier fera une suggestion, il sera tenu de conserver une trace écrite. Il devra également s'assurer que durant toute la durée de la relation l'ensemble des conseils qui ont été délivrés correspondent toujours au profil de risque de son client. C'est un véritable enjeu pour les banques. C'est pourquoi certaines d'entre elles sont d'ores et déjà en train d'investir sur des robots advisors, principalement pour les segments de clientèle affluent.

 

A. F.

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