Les analyses délivrées par Jean-Charles Mériaux sont aussi rares que recherchées. En cette période électorale, le directeur des investissements de DNCA Investment a fait son choix : il vote en faveur des actions européennes.

Vous estimez que les investisseurs entrent dans « un moment parfait ». Sur quels éléments repose votre conviction ?

Jean-Charles Mériaux. Si l’on suit une grille d’analyse « Macron, macro, micro », de nombreux éléments démontrent le retour de la confiance, indispensable à une accélération des marchés actions. Cette dynamique a eu pour catalyseur l’élection présidentielle française. Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée, on constate une très nette accélération des marchés actions européens, celle-ci étant corroborée par l’envol de l’euro. Les principaux indicateurs macroéconomiques ont par ailleurs atteint des niveaux stratosphériques. Les chiffres microéconomiques publiés récemment sont aussi à saluer. Pour la première fois depuis 2011, les résultats des entreprises ont été revus à la hausse. Sur le plan politique enfin, les élections ont amené un gouvernement de transformation au pouvoir. Le nouveau Président est porteur d’un projet pro-européen avec la constitution d’un budget de la zone euro, d’un Parlement et d’un super-ministre des finances de la zone euro très apprécié des investisseurs.

 

Le fait que la BCE ait révisé à la hausse la croissance de la zone euro ne doit pas freiner votre enthousiasme.

Attendue initialement à 1,8 %, l’augmentation du produit intérieur brut de la zone euro devrait finalement être de 1,9 %. Mieux, depuis dix-huit mois la croissance de la zone euro est supérieure à celle des États-Unis. En parallèle, on constate également un recul de l’inflation. Ces éléments contribuent à forger un scénario presque idéal avec plus de croissance réelle et moins d’inflation.

Nous retrouvons des niveaux de confiance des ménages que l’on n’a pas vu depuis dix ans

 

Qu’en est-il de la situation de la France ?

Dans l’Hexagone, nous retrouvons des niveaux de confiance des ménages que l’on n’a pas vu depuis dix ans. Cet environnement favorable est soutenu par un redémarrage du crédit, même si, je le concède, celui-ci demeure encore trop modeste. Autre bonne nouvelle, Mario Draghi a récemment confirmé que la BCE allait maintenir sa politique de soutien extraordinaire en zone euro. Sur ces trois dernières années à fin 2017, ce sont tout de même près de 2 400 milliards d’euros d'actifs obligataires achetés par la BCE.

 

Cette politique monétaire ultra-accommodante a-t-elle produit les résultats escomptés, notamment en matière d’emploi ?

Les résultats sont très nets : le chômage baisse de façon continue en zone euro, et ce, au même rythme que celui constaté aux USA, avec toutefois un décalage de trois ans et demi correspondant à l’écart de temps entre la mise en œuvre des politiques quantitatives américaines et européennes. Concrètement, le taux de chômage en zone euro est passé de 12 % à 9,3 %, ce qui représente entre 4 et 5 millions de créations d’emplois. Ce sont des résultats tangibles ! Sur dix-neuf pays de la zone euro, dix-sept ont vu leur chômage reculer. Les deux exceptions étant l’Estonie et la Lettonie.

Cet appétit pour le marché obligataire est vraiment étonnant

 

Dans cet environnement, quelle stratégie d’investissement appliquez-vous ? Le marché obligataire vous paraît-il attractif ?

Les investisseurs européens ont un très gros appétit pour la dette corporate. Sur le segment high yield, ils sont principalement attirés par un rendement moyen de 2,4 %, supérieur à celui des obligations corporate notées investment grade (0,6 % de rendement). Pour notre part, nous avons fait le choix de sortir partiellement du marché. Ce qui nous fait peur, c’est la prime de liquidité que nous estimons trop faible. Cet appétit pour le marché obligataire est vraiment étonnant. Les actions proposent un rendement moyen de 3,1 %, soit un chiffre bien supérieur aux emprunts obligataires à haut rendement.

 

Le choix des actions s’impose donc à vos yeux ?

On ne se pose pas de questions : nous restons positifs sur les actions de la zone euro. J’entends déjà certains arguer que les prix sont chers. Cela peut être vrai si l’on part du postulat que les choses vont rester en l’état, que la croissance européenne va rester cantonné à 1,5 % au mieux et que les pays du Sud dont la France ne vont pas se réformer.

L’heure est au retour des valeurs présentes sur les secteurs à forte exposition domestique

 

Quels types de valeurs privilégiez-vous ?

Les valeurs européennes ont été largement dévalorisées depuis dix ans. On y décèle aujourd’hui un potentiel important. Une allocation d’actifs internationale doit passer nécessairement par un renforcement des positions en Europe et plus spécifiquement dans la zone euro. Les sociétés qui sont allées chercher de la croissance à l’international me paraissent cependant déjà bien valorisées. L’heure est à mon sens au retour des valeurs présentes sur les secteurs à forte exposition domestique, de préférence pour les plus grandes capitalisations. Le secteur du BTP et des sociétés comme Bouygues, Vinci ou Eiffage vont par exemple profiter du Grand Paris. Il est aussi important d’avoir un portefeuille « Macron compatible », avec une exposition dans des sociétés cotées à participation publique telles qu'EDF, Orange ou Renault.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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